Nous arrivamons ici, ma très chere amie, hier au soir bienheureusement. Je n’etois pas fatigué du tout. Je me trouvois mieux même qu’avant mon Depart. Nous resterons ici quelque jour pour nos Baggages et pour notre Compagnon de Voyage M. Houdon. A leur arrivée, nous quitterons la France, la Païs du monde que j’aime le plus; et j’y laisserois ma chere Helvetia. Elle y peut être heureux. Je ne suis sur d’être heureux in Amerique; mais il faut que je m’y rende. Il me semble que les choses sont mal arrangées dans ce bas monde, quand je vois que les êtres si faits pour être heureux ensemble sont obligés à se separer.
J’ai trouvé tant de Difficultés dans ma Projêt de passer de Rouen ici par Eau, que j’etois fort aise de l’avoir obtenû du bon Duc de Coigny la permission de continuer en Litiere. Dites à les Abbés, les bons Abbés, les choses pour moi, pleins d’Amitié. Je ne vous dis pas que je vous aime. On me diroit qu’il n’y a rien d’extraordinaire où [ni (dws)] point de merite en ça, parceque tout le monde vous aime. J’espere seulement que vous m’aimerez toujours un peu. Je suis interrompu par des Visites. Avant de partir je vous dirai mes derniers Adieux.