From ———: On Perfection in the Military State (unpublished)
Memoire Sur la Perfection de L’Etat Militaire. 1ere. Partie.

Meliora probo.…ovid

Avertissement

Le présent Memoire sur la perfection de l’Etat Militaire avoit été envoyé en 1757 à Mr. de Crémille pour lors adjoint au Ministère de la guerre avec qui l’Auteur ètoit en correspondance Littéraire. Mr. de Crémille écrivit à l’Auteur à l’occasion de ce Memoire, entr’autres, Vos principes sont incontestables, et le moyen que vous proposéz pour tendre à la perfection dans le Service, me paroit non seulement le meilleur, je le crois même unique &a. L’Auteur devoit en conséquence être chargé de la formation d’un Corps composé d’après ses principes; La mort de Mr. le Maréchal de Belle-isle fit demeurer ce dessein sans exécution.

Le Successeur de Mr. le Maréchal de Belle-isle dans le Ministere n’a pas eu connoissance de la constitution militaire proposée dans ce Memoire; l’Auteur a eu néanmoins la satisfaction de voir adopter par le Gouvernement plusieurs des idées qu’il avoit proposées.

Le Sr. Andreu de Bilistein ancien Sécrétaire de Mr. de Crémille a commis à l’egard de ce Memoire un plagiat qu[’il] convient de dénoncer ici. Le Sr. Andreu dans une brochure q[u’il] a intitulée le [illegible] François, a jugé a propos de s’appro[prier] le principe de l’Auteur, et de transcrire mot-à-mot dans Son ouvrage des passages entiers de ce Memoire tel qu’il étoit conçu lorsque l’Auteur l’a envoyé à Mr. de Crémille, et tel qu’il existe encore au dépot de la guerre.

Memoire Sur la Perfection de l’Etat Militaire 1ere. Partie.

Dans la plûpart des Constitutions militaires la valeur intrinséque des hommes est ordinairement comptée pour rien, on les y regarde surtout les Simples Soldats, commes les piéces d’un Echiquier dont les Succès aussi bien que les mouvemens dépendent de la main qui les conduit. Tous les hommes, dit-on, se valent à la guerre, et d’après ces principes une troupe pour remporter l’avantage sur une autre n’aura besoin que d’être mieux commandée; Dans cette supposition, il n’est pas étonnant qu’on n’ait point cherché à rendre les hommes personnellement plus parfaits, et que l’on se soit contenté d’en tirer le meilleur parti en les laissant tels qu’ils sont.

Le présent Memoire considère l’Etat militaire sous un point de vüe different, et contient des reflexions sur un moyen d’augmenter la valeur intrinséque des Individus qui le composent. Il admet pour principe qu’il existe pour chaque homme un dégré de perfection où il pourroit atteindre quoique presque tous restent fort éloignés de ce dégré. L’obstacle qui les empêche d’y arriver ne peut consister que dans le défaut de motifs pour les [illegible] personne n’ignore que les motifs des actions des hommes sont invariablement les mêmes; qu’elles sont toutes produites par l’espérance ou par la crainte; que dès qu’on n’espère ni ne craint, on est indifferent et que l’indifférence ne produit que l’ennui ou le repos. La bonté de la constitution d’une société consiste donc à employer continuellement l’un ou l’autre de ces deux mobiles, pour conduire ses membres vers le point de leur perfection particuliere, d’où resulte le bien général.

En faisant l’application de cette maxime à l’Etat militaire, on remarque que c’est l’avancement qui occupe principalement l’espérance ou la crainte de ceux qui le composent. Ils espèrent d’approcher et la fortune et des honneurs, par les grades et par les distinctions: l’objet de la crainte est de n’y point parvenir. C’est par conséquent dans la maniere d’avancer ou de parvenir aux grades que doit résider le moyen de perfection; ou le vice essentiel de la constitution de cet Etat. Pour apprécier l’usage qui s’observe aujourdhui a cet égard, il suffira d’examiner les deux manieres d’avancer ou par protection ou par ancienneté. La vénalité des Emplois militaires est au dessous de la censure.

Les officiers n’étant pas tous à portée de se faire connoître, et de s’attirer de la protection, ce n’est que le plus petit nombre qui avance par cette voie. Il faudroit d’ailleurs pour qu’elle put servir avantageusement, que tous ceux qui ont le pouvoir de proteger, eussent toujours le discernement requis pour apprécier le mérite, et que la passion, l’intérêt ou la prévention ne pussent jamais les empêcher d’en faire usage.

La difficulté de réunir tous ces points essentiels a fait regarder dans presque tous les pays l’ancienneté comme la principale régle à suivre, aussi a t-elle passée en loi, au point qu’on s’est accoutumé à dire lorsqu’un officier est préféré à un plus ancien qu’on a fait à celui-ci un passe-droit, comme si un officier pour être entré dans un Corps plutôt qu’un autre, avoit nécessairement acquis pour cela plus de merite. Ce moyen d’avancement, qui ne suppose ni crainte ni espérance doit naturellement éteindre toute émulation, et par-tout où il est en usage, on doit être moins surpris de trouver des Officiers indolens, que d’en trouver qui ne le soient pas.

Pour parvenir à un mérite réel, il faut réprimer très souvent bien des passions favorites, et s’appliquer long-tems à la recherche de beaucoup de connoissances qu’on acquiert qu’à force de travail et de peines. Quelle raison pourroit porter un officier à se faire violence à ce point? Pourquoi voudroit-il si chèrement mériter mieux qu’un autre un prix qu’il ne sauroit obtenir avant son tour, et que pour lui, il recevra sans s’etre gêné.

S’il est vrai que tous les hommes portent en eux le germe de mille actions, qui cherche inutilement les occasions de se développer, combien de grandes et belles actions l’incertitude de la récompense ne doit-elle pas étouffer dans leur principe! Le deffaut d’attention à exciter et recompenser le mérite [est sans doute] cause qu’il meure tous les jours dans l’obscurité et dans l’oubli des hommes qui eussent eté capables d’illustrer leurs Actes.

L’Etat militaire est plus propre qu’un autre à développer le mérite et a créer de grands hommes par l’attrait des récompenses. [Aux] grades inférieurs l’on y voit comme en perspective un succès de fortune et d’honneurs qui augmente en raison de l’élévation des Emplois, et il n’y a point d’homme tenté de faire fortune qui en entrant dans un Corps ne s’occup[pe] tout-entier des moyens d’acquérir du mérite, s’il étoit assuré que par cet effort il parviendroit infailliblement aux postes éclatans qui le frappent de loin. [La] raison, le conseil de n’accorder les récompenses qu’au plus digne [a été] repeté dans tous les tems, mais pour rendre ce conseil aussi utile qu’il est juste, il faut de plus indiquer un moyen d’apprécier toujours exactement la valeur intrinséque des hommes, et il importe que l’Officier soit pleinement convaincu de l’existence de ce moyen: il est impossible qu’il s’attache à se rendre meilleur et plus instruit [par?] cette application infatigable, que la certitude de la récompense peut seule inspirer, aussi long-tems qu’il prévoit qu’un autre avec moins de mérite pourroit cependant paroître plus recommandable et lui être préféré.

Le moyen d’apprécier exactement le mérite, forme ainsi le problême le plus intéressant au bien du militaire. Pour le résoudre il suffira de changer la maniere d’avancer ou de parvenir aux grades, et de suivre celle que la seule raison indique d’elle-même. En effet lorsqu’il s’agit de déterminer le juge le plus éclairé sur le mérite de l’Officier, lorsque l’expérience fait voir, que le Prince, le Ministre, le Général, s’y trompent tous les jours, parceque l’élévation de leur rang ne leur permet pas de porter leurs regards dans des Classes qui sont trop au-dessous d’eux; L’on sent qu’il faut chercher d’autres témoins, plus à portée de connoitre par eux-mêmes; et où les trouver mieux que dans chacune de ces Classes?

Il s’en suit donc que personne ne connoissant mieux les Officiers, qu’ils ne se connoissent entr’eux, il devroit être remis aux differens Corps de juger du mérite de leurs Officiers, et l’avancement ne devroit en conséquence dépendre que de leurs suffrages: Le moyen de porter l’Etat militaire au point de Perfection dont il est susceptible paroit ainsi consister dans la nomination aux places, par le choix des Officiers.

Il ne seroit pas étonnant que cette vérité incontestable en elle même ne parut au premier aspect plus propre à la Spéculation qu’à être mise en pratique; mais à l’examiner de plus prèt, on en jugera différamment: Il est vraisemblable que les abus établis et consacrés par l’usage ne permettroient pas, surtout dans une Monarchie, d’étendre une pareille Méthode d’avancement aussi loin quil seroit à désirer, mais on ne voit rien qui doive empêcher de s’en servir pour faire proposer aux places dont jusqu’ici le souverain ne s’est pas reservé la disposition directe, et qu’il a coutume d’accorder à l’ancienneté ou a la récommandation des Colonels: il paroit donc que sans diminuer son influence sur la distribution des Emplois militaires, on pourroit user de cette nouvelle méthode jusqu’au grade de Capitaine inclusivement, en établissant que les élections n’auroient lieu chaque fois qu’en conséquence d’un ordre préalable de la Cour, et sous la reserve de son approbation. Voici de quelle maniere il semble qu’il conviendroit d’y procéder.

En supposant les Compagnies composées de trois Officiers de differens grades, il se trouvera dans un Régiment trois differens Corps d’Officiers: Un Corps de Capitaines, un autre de Lieutenans, et un troisieme de sous-Lieutenans. Il seroit nécessaire d’établir que les Capitaines seroient choisis parmi les Lieutenans, et ceux-ci dans le Corps des sous-Lieutenans. Tous les Officiers ne devroient pas être admis à voter indistinctement. Pour nommer à une Compagnie, il conviendroit que le Corps des Capitaines seul, choisit parmi les Lieutenans. Pour proposer un sujet au poste de Lieutenant, le Corps des Capitaines et celui des Lieutenans pourroient se réunir pour le choisir parmi les sous-Lieutenans. Par cet arrangement les Electeurs seroient toujours supérieurs en grade aux Candidats. Il en résulteroit la dépendance convenable des divers grades les uns des autres, qui est absolument requise pour établir la Subordination si nécessaire au bien du Service. Peut-être préféreroit-on de faire proposer par les Officiers deux ou trois Sujets aulieu d’un, mais ces expédients diminueroit d’autant la perfection du Militaire qu’elle rendroit la récompense du mérite moins assurée.

Il suffit d’indiquer ici que les suffrages ne devroient pas se donner de vive voix, mais par forme de Scrutin, et que sous des peines deshonorantes, il seroit deffendu de solliciter ni de promettre aucun suffrage: Il le seroit aussi Sévèrement de déclarer à qui on auroit accordé le sien.

Il est des pays où à chaque élection, il conviendroit de faire prêter aux Officiers un serment par lequel ils s’engageroient d’observer ce réglement, et d’apporter la plus scrupuleuse exactitude a n’accorder leurs suffrages qu’à celui qui leur en paroîtroit véritablement le plus digne.

Dans les pays où l’on jugeroit à propos d’étendre cette nouvelle methode d’avancement au-delà du grade de Capitaine, on pourroit faire choisir un Lieutenant-Colonel dans le Corps des Capitaines. Dans un Regiment de plusieurs bataillons, il faudroit plusieurs Lieutenans-Colonels afin que les Officiers pussent choisir entr’eux pour proposer au Commandement du Régiment. On ne parle pas de la Majorité; Dans un Régiment formé d’après ces principes, elle pourroit rouler parmi les Capitaines.

En établissant ainsi un moyen de récompenser le mér[ite] il sera nécessaire de l’étendre au delà de la Classe des Officiers et d’y faire participer le Simple soldat: Il semble que jusqu’ici on se soit occupé de lui que pour rendre sa condition plus pénible; On est si accoutumé à le voir malheureux qu’il n’est pas surprenant qu’il ne soit pas touché vivement de son sort; Il est néanmoins bien digne de pitié; son état lui donne jusques aux deffauts qui sont cause qu’il est moins plaint.

Ce n’est pas ici le lieu de s’étendre sur un moyen efficace d’améliorer la condition du Soldat, il en sera fait mention dans la seconde partie de ce Memoire. L’on dira simplement que dans un Corps formé sur ce nouveau plan, il ne faudroit plus le réduire à n’avoir d’autre espérance que celle de pouvoir cesser un jour d’être soldat. On ne parle pas de l’espoir d’obtenir les Invali[des;] il forme une déplorable perspective pour un jeune homme de vingt ans. Dans les années, où le feu de la jeunesse échauffe les Esprits et rend les hommes propres aux grandes actions, l’espérance ne connoit point de bornes; Ce seroit l’anéantir que de lui en montrer même de raisonnables. Il sera donc indispensable de permettre au Soldat d’espérer des prix proportionnés à son mérite, et à ses actions, sans fixer le point qu’il ne sauroit outre-passer. Non seulement la carriere des honneurs et de la fortune, doit luy paroître ouverte par la possibilité de monter au grade d’officier, mais il faudroit de plus lui fournir un motif d’espérance moins éloigné, et moins difficile à réaliser. Il est a présumer que le moyen qu’on va proposer rempliroit ce dernier objet.

Qu’il soit établi une marque de distinction pour ceux d’entre les soldats qui avec les meilleures moeurs auroient montré le plus d’exactitude à remplir leur devoirs; Qu’ils puissent conserver cette marque après s’être retirés du Service, et que sous des peines griéves, il soit deffendu à tout autre de s’en parer. Qu’on accorde tous les ans deux de ces prix par chaque Compagnie au suffrage des Soldats, et qu’il en soit reservé un troisième à la nomination des Officiers: Il est aisé de sentir à quel point une pareille institution réveilleroit l’émulation parmi les Soldats, et combien elle est analogue au genie de la Nation.

C’est parmi ces Soldats distingués, que les Officiers pourroient choisir les Caporaux, et parmi ceux-ci les sergens.

Les jeunes gens de condition devroient être tenus à commencer à servir en qualité de volontaires, et il ne faudroit pas les dispenser de mériter la marque de distinction, afin de donner d’autant plus de prix à cette marque, et parceque les distinctions qu’il faut mériter ne sauroient être trop estimées. Ils seroient éligibles au grade d’Officier après avoir obtenu simplement cette marque, aulieu qu’un roturier devroit pour cet effet, avoir de plus passé par les grades de Caporal et de sergent, dont, dans differens services, la Noblesse-même n’est pas dispensée. Ainsi ce seroit parmi les Volontaires distingués, et les Sergens que le Corps des Officiers d’un Régiment choisiroit pour proposer un sujet au poste de sous-Lieutenant.

Cette concurrence des Roturiers pour des places qui, hors des cas extraordinaires, semblent n’être destinées qu’à la Noblesse, pourroit fort bien n’être pas généralement approuvée; Elle paroit néanmoins indispensable. S’il est vrai qu’on aura toujours besoin de Roturier pour soldats, S’il importe essentiellement d’avoir des Soldats de la meilleure espéce, et s’il est impossible qu’il acquièrent cette qualité, sans qu’on leur accorde l’espérance de parvenir au grade d’Officier, il est difficile de trouver une bonne raison pour la leur refuser.

On a disserté long-tems pour savoir s’il seroit avantageux ou préjudiciable à la france de permettre à la Noblesse d’embrasser un autre parti que celui des armes. Chaque opinion a continué d’avoir ses partisans. Il paroit cependant fort aisé de démontrer que la question intéresse peu, ou point l’Etat Militaire. Avant l’Etablissement du Militaire permanent, le Corps de la Noblesse pouvoit être regardé comme le Corps des Officiers d’une Armée licentiée. Ce Corps étoit obligé de se représenter au besoin, et ce besoin existoit aussi souvent qu’il étoit question de se mettre en Campagne: Il eut donc été très dangereux pour lors de diminuer le nombre des Gentilshommes, ou de les distraire du métier des armes, par une autre occupation. C’eut été diminuer la force de l’Etat, et son principal soutien. Aujourdhui que les armées restent sur pied, le Militaire est devenu un Etat separé, existant par lui même, et se reproduisant sans cesse. Dans cette Situation, on ne voit pas ce qui peut engager à forcer la Noblesse à ce seul métier, où tous ne sauroient être employés, et où jamais on ne manquera de sujets, surtout, on ose le dire, en suivant le plan proposé. La crainte que l’esprit militaire de la Nation n’en soit altéré, si une partie de la Noblesse s’adonnoit au Commerce n’est donc fondée que dans l’imagination. L’Esprit militaire existoit autrefois, dans des éteincelles éparses, qu’on a rassemblées dans le Militaire permanent: Ce Corps est devenu le dépositaire d’un feu qui ne Sauroit plus s’éteindre. Le mélange des differens Etats, qui se trouvent souvent confondus, par les alliances, et les fortunes rapides, n’est donc pas aussi dangéreux à l’esprit militaire de la Nation qu’il pourroit le paroître; Mais on doit sentir qu’il lui seroit très préjudiciable, si les titres suffisoient pour obtenir des Emplois. En observant au contraire une Scrupuleuse exactitude à récompenser le Seul mérite, on établiroit entre le Militaire et les autres Etats, une barriere impénétrable à la Corruption, qui lui conserveroit toujours son esprit et sa pureté.

Malgré ce qu’on vient de dire, on convient qu’il seroit à désirer que tous les Emplois militaires pussent-être occupés par des gentilshommes de merite, et que toutes choses d’ailleurs égales, il faudroit toujours préférer un gentilhomme à un Roturier; Mais il seroit aussi à Souhaiter que dans un métier où la vie et le Salut de tant d’hommes dépendent souvent d’un seul, on cessat de préférer à un Roturier de mérite un gentilhomme qui n’a que de la Noblesse.

Dans un Régiment formé sur le plan qui vient d’être proposé, il seroit nécessaire, que les Soldats eussent à leur portée tous les moyens nécessaires pour se former le Corps et l’Esprit convenablement à leur Etat. Ces moyens ne tarderoient pas à s’y établir, et à s’y perfectionner, les hommes ne négligent que les choses indifferentes; Ils ne rangent pas dans cette classe ce qui peut les conduire à la fortune. Dès que de deux Soldats d’également bonnes moeurs, et d’une exactitude égale au service, on préféreroit celui qui joindroit à ces qualités essentielles et requises, le plus de connoissances utiles, tous s’appliqueroient à devenir instruite. Les Maîtres dans tous les genres, ne sauroient manquer dans un Corps, où il seroit compté pour un mérite de s’être voué à l’instruction des autres. Ceux qui dans un pareil Régiment s’adonneroient aux Sçiences, et aux Arts auxquels leur génie les rendroit particulierement propres, y feroient nécessairement des progrès extraordinaires; Non seulement, il verroient leur récompense assurée, mais en outre, la contrainte qui rend ordinairement l’acquisition du Savoir pénible, leur seroit inconnüe; Il ne devroit y avoir pour le Soldat d’obligation absolüe, que les bonnes moeurs et l’exactitude au Service: Dans l’application aux arts et aux Sçiences, il faudroit qu’il eut le mérite d’une action libre.

On ne craint pas d’avancer que de l’application des principes qu’on vient de détailler il résulteroit un bien si considerable, qu’il se repandroit au-delà des bornes de l’Etat militaire: Les désordres qu’on y remarque si communément aujourdhui, n’y pourroient plus exister dorenavant. On y verroit plus ni [illegible], ni duels, ni désertion; Les moeurs les plus douces y prendroient bientôt la place de celles dont l’exemple a été si contagieux jusqu’ici: Une partie de la jeunesse n’y abrégeroit plus ses jours, tandis que l’autre y pervertit ses moeurs. L’Etat militaire serviroit en quelque façon d’azile contre la corruption dans un âge précieux à la meilleure partie de la Nation. Il n’y auroit point de pere occupé du bonheur de son fils, qui ne fût empressé de le placer dans une école aussi Salutaire. Bientôt les Soldats ne formeroient plus la plus vile partie de la Société, et leur état seroit recherché avec autant de soin qu’on en employe aujourdhui pour l’éviter. Les plaintes dont tous les pays retentissent depuis tant de Siécles cesseroient enfin; le mérite ne seroit plus sans pain, ni les talens sans protecteurs; L’Etat militaire offriroit un chemin assuré vers la fortune, à tous les gens de mérite. A quels efforts la certitude de la récompense, et l’impossibilité d’en imposer à des juges aussi éclairés, sous les yeux desquels on est continuellement, n’engageroient-elles par des hommes avides d’acquérir de la considération, et de faire fortune! surtout lorsqu’une fois les grades les plus éminents fourniroient des exemples de soldats parvenus, par une voie qui seroit ouverte à tous? On pourroit s’attendre de leur part à tout ce que les facultés du Corps et de l’esprit réunies peuvent produire de plus sublime. Ce qui aujourdhui, où le Militaire n’est animé par aucun motif, pourroit être regardé comme un prodige, ne seroit dans ce nouvel ordre de choses qu’une action fort ordinaire; L’on y verroit revivre naturellement ces sentimens héroïques et élevés qu’on se contente d’admirer, Stérilement, dans les Républicains de L’Antiquité.

L’effet de cette nouvelle institution se manifesteroit dans tout son éclat un jour d’action, chaque Soldat combattroit, comme à coté et sous les yeux de son Roy, la moindre action ne sauroit rester dans l’oubli ni sans récompense, et cette certitude en feroit naître mille qui surpasseroient tout ce que l’histoire nous a conservé de plus valeureux et de plus héroique. Une troupe qui auroit eu le tems de se former sur ces principes pourroit se voüer à périr, entierement, mais ne sauroit jamais plier. C’est d’un pareil Corps qu’on pourroit dire avec justice. Vinci potest, timere nescit./.

Endorsed: Sur la Perfection de l’Art Militaire
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