From François Lanthenar (unpublished)
Lyon 12 janvier 1779
Monsieur,

Desirant avec empressement d’aller partager le bonheur dont vont jouir les heureux habitants des provinces unies de l’amerique sous les loix pleines de douceur et d’humanité qu’elles se sont données, mais privé de toute liaison qui peut m’eclairer et me servir dans un deplacement tel que celuy que je projette, j’ay eû assés de confiance en votre humanité, pour prier Monsieur Charbonnet porteur de la presente de vous demander pour moy vos conseils et votre protection.

Ma confiance fondée sur votre reputation n’a pas étée vaine, vous avés eû la bonté de demander a être instruit de mes projets, pour pouvoir me donner des conseils plus certains. Les voicy.

Un ami qui partage mes desirs veut aussi partager mon sort: nous ne sommes point de ces hommes qui vendent leur sang trop aveuglement, nous sommes seulement des marchands, et desirons même de devenir des agriculteurs, s’il nous est possible de suivre un plan formé d’avance. Nous pouvons porter avec nous environ 24 Mille livres Tour. Nous pensions de choisir la pensilvanie pour la patrie que nous voulons adopter, de nous transporter a philadelphie dabord, ou nous continuerions le commerce, jusques a ce que nous aurions pu obtenir les facilités necessaires pour etablir une fabrique de papier, ce dont mon ami est très capable. Nous esperions que s’il est possible d’etablir cette fabrique on nous accorderoit les privileges necessaires et qu’on nous concederoit un emplacement convenable, ou que nous trouverions a l’acheter a un prix moderé dans une province si bien arrosée qui peut recevoir encore tant d’habitants.

Voila, Monsieur, a peu près sur quoy roulent nos projets; mais comme une fabrique de papier est incertaine ou nous paroit-elle, car nous ne sçavons pas si nous pourrions recueillir dans la province ou dans celles qui sont voisines assés de matiere premiere, nous pensons principalement a faire le commerce au commencement de notre arrivée, et a devenir agriculteurs le plustot qu’il nous sera possible.

Puisqu’il est de votre bonté de vouloir bien aider de vos conseils des hommes qui ne peuvent s’etayer que de leur honnéteté et de leur reconnoissance, voudriez vous bien, Monsieur, nous communiquer les difficultés que nous ne prevoyons pas, et les facilités que nous pourrions trouver.

Dans les circonstances presentes le passage ne paroit pas trop assuré, mais si elles ne changent pas, ne pourriez vous pas, Monsieur, nous le faciliter? Car nous ne pensons pas nous tromper, en pensant que pourvu que nous soyons une fois arrivés, les malheurs de la guerre ne viendront pas nous troubler dans les lieux d’ou la valeur des americains en a eloigné le theatre.

Après etre entrés dans une carriere que vous nous aurés ouvert par vos lumieres, nous y marcherons avec d’autant plus de courage que nous aurons été aidés des conseils de celuy qui a si heureusement contribué a une revolution qui va faire le bonnheur [sic] de la posterité de tant de millions d’hommes.

Desirant, Monsieur, en devenant un de vos vertueux concitoyens, de trouver mille occasions ou je pus vous temoigner toute l’estime et l’admiration que vous m’avés enlevé depuis longtemps, permettés qu’independement des nouveaux sentiments que me font naitre vos bontés, je finisse en vous assurant que c’est avec le respect le plus parfait et l’estime la plus distinguée que j’ay l’honneur d’etre, Monsieur, Votre très humble et obeissant serviteur

f[ran]cois Lanthenar

Addressed: A Monsieur Monsieur francklin / Ministre Plenipotentiaire des Etats unis de l’amerique A Passy
Endorsed: Lanthenar Lyon 12 jr. 1779
631341 = 028-370b001.html