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Réfléxion sur les propositions insidieuses du Ministère Anglois relativement a la Paix avec les Colonies unies de l’Amérique

Il paroit que l’Angleterre est disposée a faire des propositions de paix aux Américains et conséquemment à reconnoitre leur indépendance, puisque cette condition doit être le préliminaire de tout Traité.

Il seroit possible que les Américains lassés et épuisés par la guerre, acceptassent ces propositions et fissent un traité d’Alliance et de Commerce avec l’Angleterre. Il ne seroit pas impossible non plus que la guerre avec la maison de Bourbon fut une des conditions de ce traité et que l’on proposat aux Américains de partager les profits que l’on se flatteroit d’obtenir d’une guerre de Mer. Ces profits sembleroient d’abord pouvoir indemniser les Colonies unies d’une partie des dépenses de la guerre, et cet avantage joint a la certitude de leur indépendance, pourroit paroître de voir remplir tous leurs voeux. Mais il est aisé de démontrer que ce Traité seroit la perte de l’Amérique unie, et qu’au contraire cette grande Nation ne peut s’allier que très avantageusement aux Maisons de Bourbon et du Brandebourg.

En éffet des l’instant que l’Angleterre aura reconnû l’impossibilité de soumettre les Colonies, Elles seront indépendantes de fait, qu’il plaise ou non a l’Angleterre de les décider t-elles, et conséquemment Elles n’auront pas besoin de Traité pour joüir d’une pleine liberté.

Le premier emploi utile de cette liberté ne peut être que de faire le Commerce le plus avantageux pour l’Amérique des fruits de Son agriculture, afin d’avancer sa prospérité et d’assurer sa tranquillité.

Mais ces Colonies doivent donner tous leurs soins à l’agriculture d’ici à plusieurs siécles, car c’est par les défrichemens qu’elles augmenteront leur force, leur prospérité et leur population. Le travail des Manufactures suivra cette époque et retarderoit l’augmentation des forces nationales s’il partageoit des a présent ce travail de l’agriculture.

Il est donc certain que l’Amérique ne pourra se passer des Manufactures Européénes d’ici à longtems, et que son avantage doit être d’achetter ce qui lui manquera dans le lieu ou elle le trouvera au meilleur prix et de la meilleure qualité.

Toute gêne à cet égard seroit directement contraire à l’indépendance et conséquemment les Colonies ne peuvent faire auçun Traité qui puisse restraindre cette liberté.

Celui que l’on feroit avec la Maison de Bourbon seroit simple, il consisteroit a se garentie réciproquement la franchise du Commerce dans les Ports respectifs, sans le gêne n’y le restraindre de part n’y d’autre; Et les deux Alliés seroient interressér a leur déffense réciproque.

Quant au Traité avec le Roi de Prusse, il contiendroit la même franchise et l’engagement d’empêcher toutes Troupes Allemandes d’en sortir pour attaquer les Américains.

Ces deux Traités garenteroient l’indépendance de l’Amérique, et ne genêroient auçune façon la liberté de son Commerce, puisqu’ils ne seroient point éxclusifs.

Mais au contraire, tout Traité fait entre L’Angleterre et les Colonies, ou la premiére reconnoitroit l’indépendance des Secondes, ne pourroit avoir pour objet que d’établir le Commerce éxclusif de l’Amérique avec l’Angleterre, sans quoi cette Puissance n’auroit aucun motif pour reconnoitre l’indépendance des Colonies étant assurée qu’en rappellant ses Troupes et cessant la guerre de terre, elle reprendroit sa supériorité sur Mer et forceroit l’Amérique à désirer la paix.

Il résulteroit donc du traité même le plus avantageux faits actuellement entre la Cour de Londres et le congrés, que l’objet de la premiére seroit de prendre des avantages sur la Marine de la Maison de Bourbon et qu’après avoir affoibli les alliés Naturels des Américains, elle ne penseroit pour se dédommager des frais de la guerre qu’a faire tourner a son profit, le Commerce de cette partie du Monde, qui n’auroit plus d’Alliés en état de s’y opposer.

L’Amérique a donc tout à craindre de cette Alliance, et rien à redoutter de la Maison de Bourbon; Elle est sure de la paix et de sa plus grande prospérité en s’attirant avec Elle; Et Elle seroit éxposée par son Traité avec l’Angleterre à de longues guerres; d’abord comme alliée, et peut être ensuite comme Ennemie, si les projets de domination suspendus par la force et non par la persuasion venoient a renaitre sous un regne ambitieux.

D’après ces réflexions l’on ne peut établir le moindre doute sur l’avantage réel et immense de l’aliance perpétuelle et irrévocable des Colonies unies de l’Amérique avec les Maisons du Bourbon et du Brandebourg, et du danger éminent ou se trouveroient Ces Colonies, si Elles écoutoient les propositions insidieuses du Ministére Anglois, ainsi que le Général Gâtés á parû l’insinuer dans sa lettre à Milord Thanet./.

Notation: Reflexions sur les propositions du Ministere Anglois, relatives a la Paix
631266 = 028-318b030.html