From — Lorinet (unpublished)
Paris 27 Janvier 1782
A Messeigneurs
Les Etats
des Provinces unies
de l’amerique Septentrionale
Messeigneurs!

Me serait-il permis de vous presenter l’énumeration et le programme de mes premiers travaux en médecine fondamentale? Pour méditer avec succès des choses abstraites et difficiles, j’ai mis à profit toutes les circonstances de ma vie, j’ai multiplié mes idées, j’ai comparé mes notions; et je suis parvenu à découvrir des verités neuves, essentielles et primordiales. Pour les communiquer, il ne me manquerait plus que de donner à mes manuscrits l’ordre, la distribution, la forme didactique. Je me livrerais à cette rédaction, si je me voyais encouragé. Mon émulation est grande, mes dispositions sont heureuses; je serais fortuné, Monsieur, si j’obtenais l’honneur de votre puissante protection.

Mon objet est d’étudier à fond la nature humaine, de fixer les idées sur le physique et sur le moral. Loin de moi la présomption! Mais j’ai le gout et l’aptitude à rechercher les causes; et ce n’est pas en moi chose ridicule, que de n’être satisfait d’aucune science, tant que nous n’aurons pas remonté à quelque premier principe.

Je suis avec le plus profond Respect, Messeigneurs! Votre très humble et très obéissant serviteur

Lorinet

Fruits Cueillis sur l’arbre de la Science

La matiere premiere, son caractere essentiel, les principes de la formation des corps, et de leur densité.

Les causes de l’ignition. Combien de sortes de combustion sont à distinguer. Ce que c’est que l’incinération.

La Symmétrie, la conformité, l’harmonie, la correspondance du grand monde avec l’homme, les parties constituantes de l’animal. D’ou proviennent aux êtres vivans leurs differentes formes.

Ce que c’est que le mouvement. Ce que c’est substantiellement que l’ame, l’esprit vital.

Les causes du mouvement du coeur chez l’embrion. Ce qui fait la perpétuité des mouvemens vitaux. Ce qui donne lieu aux mouvemens volontaires.

L’ordre de la formation des parties du corps vivant. L’origine du sang. Celle du cerveau. Les causes de l’ossification. Les usages des nerfs et des os. Ceux du sang. Ceux du fluide nerveux.

Ce que c’est en soi que la sensibilité. Double distinction à faire à ce sujet. Quelles sont ses causes, le méchanisme de la douleur tant au physique qu’au moral. Comment la douleur et le plaisir different l’une de l’autre. Pourquoi nous ne sentons pas nos visceres. Comment ils different des organes soumis à la volonté. Méchanisme général de toute sensation. Raison palpable et naturelle de l’inégale subtilité des sens.

Les causes de la circulation. Le méchanisme et l’oeuvre de la contraction et de la dilatation; du mouvement volontaire, et de l’action unique. Comment il faut distinguer la force musculaire.

D’ou vient que les animaux peuvent se loco-mouvoir, et que les végétaux ne le peuvent pas. Les divers points de comparaison entre ces deux classes d’êtres.

Quel est l’ordre que suit la nutrition. Quel est le principe réparateur. Double phénomène dans cette fonction.

Théorie du sommeil et de la veille. Leurs causes, leur tems, leur siège et leurs effets. Maniere d’agir des narcotiques. Solution du problême proposé, ou du défi fait aux médecins depuis un siecle et demi par le sage et profond comédien Moliere: quare opium facit dormire?

Le principe de la régénération des humeurs tant nutritives qu’excrémentielles. Celui des sécrétions.

Quel est le sujet, quel est l’objet, quels sont les instrumens de la volonté. D’ou vient que l’homme par son action méchanique ou sa force impulsive a si peu de puissance. Les différens sièges de l’ame vitale.

Le méchanisme général et le siège de la pensée. L’objet de la métaphysique indiqué. Energie de l’homme et ses faiblesses, ses facultés intellectuelles et sa concupiscence, clairement déduites de son organisation.

Ce qui de la part de l’enfant nécessite la naissance. Ce qui oblige le nouveau né a respirer. Les causes morales et physiques qui bornent l’accroissement. Vertu génératrice appréciée. Génération approfondie. Les causes de la longévité. Quel est par rapport au corps le but, la fin, l’ouvrage de la vie. Ce que c’est que la mort.

Cette connaissance des fonctions de la vie, des facultés de l’homme, et des causes de la santé, m’a éclairé sur differentes maladies, m’a fait trouver leurs causes essentielles et leur reméde spécifique. Celui qui sçait d’ou dépendent la contraction et la sensibilité, combat victorieusement les maladies soporeuses. Quand on connait les loix de la chaleur animale, on guerit infailliblement, avec promptitude, par une méthode simple et commode les inflammations, les fluxions de poitrine et de bas-ventre, les dyssenteries, les crudités, les acrimonies, les putridités, et l’on se dispense de répandre le sang. L’intelligence de deux fonctions donne le secret de traiter la paralysie, l’hydropisie, la fièvre rouge, la mélancolie, l’atonie. Qui a bien observé toutes les causes, tous les agens de la respiration, sçait comment sont opprimés les submergés, les asphyxiés, et comment ils doivent être secourus et rappellés. Le Médecin instruit des principes de la nutrition et des operations de la nature dans l’état de veille et de sommeil, sçait pourquoi et comment l’obésité est quelquefois cause d’impuissance et de stérilité; il saisit à coup sûr les moyens de corriger ce vice. Il est le seul qui sçache quels sont en ce cas les spermatopées et les instrumens nécessaires à la fécondité.

Lorinet
Dr. Médecin en l’université Royale de Montpellier
chez Mr. Turrault rue de la poterie à Paris.
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