From — Faucon (unpublished)
Riom ce 23 avril 1782
Monseigneur,

Le caractere dont vous etes revetu fait l’Eloge de vos grandes qualités, la renommée me les a aprises, et je ne doute pas de trouver en elles un coeur compatissant et charitable.

Je suis un pere de famille, peu favorisé de la fortune qui ai elevé un nombre de six enfans, parmis lesquels se trouvent quatre Garçons, auxquels j’ai taché de donner l’Education que mes moyens ont pu me permettre. L’ainé de tous, apres avoir fait la rhetorique, m’a temoigné une envie démesurée d’entrer dans la navigation; je le fit passer a Bordeau ou il fit son cours de pilotage, apres lequel il s’embarqua en qualité de pilotin sur un vaisseau appartenant a la societé de Messieurs Reculet de bas marin, Durochet, Rimbau et compagnie; il fit une campagne de onze mois, dont il en passa six a charle-town, il en a fait une segonde de 21 mois pour la meme compagnie dans la meme qualité. et il relacha au port de Baltimond dans le mariland, ou il fit asses bien ses affaires, il revint a Bordeaux au mois d’avril 1780: il a fait un troisieme voyage! La faillite de la société a laquelle il etoit attaché l’obligea à se pourvoir ailleurs; il s’embarqua en qualité de passager sur une fregatte americaine de 26 canons apellée la Boxquine du port de Baltimond; il partit avec un jeune homme de ses amis apellé olanie (?) qui embarqua sur la fregatte une pacotille de 60 mille livres, ce jeune homme comptoit d’achetter un vaisseau en arrivant dans la chezapeak et promit a mon fils de luy en donner le commandement en second; il avoit pour son compte une petite pacotille de 800 lt qui etoit le produit de ce qu’il avoit retire des fruits de ses voyages, il m’ecrivit de pauliac, au bas de la riviere de Bordeaux, ou la fregatte mouilloit en attendant le bon vent, la lettre est datée du 21 juillet 1780, je n’ai recu depuis aucunes de ses nouvelles: le courier D’Europe du 8 Xbre de la meme année faisoit mention de trois vaisseaux pris par les flottes royalles d’angletterre sur les americains sur les cotes de leur continent, le premier se nommoit la fregatte le Buckskin-hero de 32 canons, le segond le Washington de 22 et le troisieme le Roebuk de 16, la conformité du nom, m’a toujours fait penser que la fregatte la Boxquine, ainsi que l’apelloit mon fils, pouvoit bien etre celle indiquée la premiere. Quelques mouvements que je me sois donné, je n’ai pu me procurer aucunes de ses nouvelles, le pauvre enfan n’est pas sans mavoir ecrit, mais il y a aparence que les Lettres ont eté interceptées, son coeur recconnoissant ne se seroit pas oublié jusqu’au poin de cesser a m’ecrire, le respect filial qu’il m’a toujour porté l’en eut detourné. Il me donna de ses nouvelles du fort royal de la martinique dans son premier voiage, et dans son segond voiage il m’ecrivit de porto-plata dans l’isle de saint domingue, port Espagnol ou il mouilla quelque tems. Son sort m’inquiette grandement, me fait souvent veiller, l’ennuy me suit partout ou je vais! Je viens cependant d’avoir une lueur d’esperence, on m’a ecrit de Bordeau, qu’on a scu de ses nouvelles, mais qu’elles dattoient de six mois, qu’il etoit a cette epoque a la nouvelle angleterre, ou il faisoit le cabotage, qu’il avoit eté précédament pris par les anglois qui luy avoient enleves tout le fruit de son travail et de son industrie; une seconde Lettre vient de m’aprendre, qu’il fait la residence la plus ordinaire a Boston il se nomme julien faucon de la taillie de 5 pieds 4 ou 5 pouces, asses proportionée, le visage plein, un peu oval et le néz aquilin, age de 26 ans.

Seroit-il possible que par votre moyen, Monseigneur, je puisse aprendre des nouvelles positives de luy? Oserois je le reccomander a votre protection, votre reccomandation luy seroit d’un grand poid, et pourroit certainement le tirer de la détresse s’il s’y trouvoit, j’ose attendre cette charité de votre part, vous contribuerié Beaucoup a calmer l’inquietude qui me devore jour et nuit. Son frere cadet est residant a paris, il demeure chez un nommé mr. de celse directeur de la Barriere saint jacques dans le Bureau duquel il travaille en qualité de commis, il vouloit s’adresser a vous pour se procurer des nouvelles de son frere, mais sa timidité l’en a empéché. Si c’etoit un effet de votre Bonté de le faire apeller, et de l’honorer d’un moment de votre audiance, il vous diroit de vive voix plus de choses que je ne puis vous en marquer; daigné pardonner la liberté que je prends, c’est un pere affligé par le sort de son enfant qui vous demande cette grace: la tendresse paternelle fait tout entreprendre, vous etes pere et cette qualité m’enhardyt, j’ose esperer de la bonté de votre coeur charitable, le mien ne cessera d’elever des voeux pour votre prosperité et santé! Fasse le ciel que vos courageux et infatigables compatriotes puissent parvenir au but pour lequel ils combattent si vaillament, personne ne le desire mieux que moi, je suis francois et attaché a tout ce qu’aime ma patrie et mon roy, dont dieu benisse les jours. Recevé, Monseigneur, les homages respectueux et sinceres du plus humble de vos serviteurs

faucon
bourgeois a riom en auvergne
Endorsed: Faucon 23. avril 1782.
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