Titre 9—La ste. destination du mariage ne pouvant avoir son effet parmi des époux vivans dans le trouble et la désunion, prevenat même d’une haine et d’une aversion invincibles; bien plus, une douce paix, une tendre confiance, une amitié inviolable entre les deux conjoints, étant indispensables pour le bonheur des familles, le role matrimonial doit sans cesse tendre à exciter, à entretenir, à ranimer ces puissans liens de l’union conjugale; union sans laquelle l’espece humaine ne sauroit subsister, mais union dépendante d’un penchant merveilleux que son puissant auteur a su douer d’une force supèrieure aux ignorantes attaques de tous les êtres crées. or la certitude de posseder à jamais une chose rend indifférent sur cette possession, quelqu’agréable qu’elle puisse d’abord paraître; tandisqu’au contraire la crainte, la seule possibilité de perdre un objet pour lequel on a quelque inclination, suffit pour attacher d’avantage à cet objet, pour porter à prendre les mesures capables de nous en conserver la possession. en second lieu, l’homme est naturellement si inconstant, que c’est un vrai bonheur pour lui de se trouver soumis à des loix, qui l’obligent d’agir avec connoisance de cause et après les réflexions convenables…qui ne lui laissent, en un mot, que le dègré de liberté dont il lui est à peu près le moins facile d’abuser. donc, dans la vue de concilier deux maximes aussi incontestables et aussi importantes dans leur applications, il faudra, d’une part, régler que deux conjoints divisés entr’eux, au point même de ne jamais repentir ce tendre amour d’union, en quoi consiste la vèritable essence du lien conjugal, auront chacun la liberté de se séparer, et de chercher ailleurs les seuls liens qui unissent véritablement l’homme à la femme; et d’autre part, il faudra renfermer cette liberté dans de si justes bornes, en prévenir tellement les suites, qu’il lui soit comme impossible de devenir nuisible au bien général, non plus qu’à celui des personnes à ce intéressées. à cette double fin, on ètablira plusieurs loix telles à peu près que les suivantes:
1º. en contractant un mariage civil, il ne sera jamais permis de le déclarer indissoluble. 2º. une telle dèclaration ne pourra être faite que huit ans après, et ensuite chaque année; le tout precisement aux mêmes èpoques où les conjoints auront le droit de demander la bénédiction nuptiale. 3º. effet inséparable de cette bénédiction ce sera de rendre (comme aujourd’hui en france et apres une Semaine) le mariage indissoluble. 4º. mais après 12 ans de mariage, soit que les conjoints aient reçu la bénédiction nuptiale ou non, soit qu’ils aient fait ou qu’ils n’ayent pas fait la déclaration precedente, ils se trouveront par cela seul liés indissolublement (du reste la déclaration dont il s’agit, sera faite avec les mêmes formalités que le contrat de mariage, par le même notaire, s’il se peut, ou du moins sur l’exhibé de l’extrait du dit contrat dûment légalisé.)
On voit par là que le mariage civil pourra être rendu indissoluble à cinq époques diferentes, prises depuis la 8e. année jusqu’à la 12e. inclusivement. déja sans doute le lecteur a décidé que la cassation ne devoit pas en être rendue aussi facile, ni aussi tardive, qu’elle ne devoit être permise ni chaque année, ni apres un trop long espace de tems, et être d’ailleurs soumise, en toute occasion, à de sages entraves. or, si je ne me trompe, elle doit etre permise, d’abord, après 4 ans de cohabitation et seulement durant la semaine anniversaire du mariage, ensuite, à la 8e. et à la 12e année, durant la même espace de tems, et toujours aux mêmes conditions pècuniaires que voici:
1º. chaque conjoint sera obligé de payer un profit des ressources sociales de sa paroine de naissance, la somme par ex. de 30 l.t., plus pareille somme pour chacun des enfans nès du mariage dissous, tant vivans que morts. Si les conjoints sont riches, au point que la centieme partie de la dot de la femme (no. 16, titr. 5,6.) excede la dite somme de 30 l.t.; alors, aulieu de 30 l.t. ils seront chacun obligés de donner la centieme partie de leur héritage, partie qui sera multipliée autant de fois que l’auroit été la somme fixe de 30 l.t. lorsque la part du mari ne sera pas èvidemment plus forte que celle de la femme, il en payera toujours une de pareille, les biens de l’époux etant toujours comptés au moins ègaux à ceux de l’épouse.
2º. toutes les fois que deux conjoints demanderont d’un commun accord la cassation de leur mariage, elle leur sera permise à ces conditions et autres non pécuniaires. mais si l’un des deux veut se séparer contre le gré de l’autre, il sera tenu alors de payer le triple des droits de sèparation, sans toutefois que l’opposant soit dispensè de donner sa part.
3º. un conjoint qui aura recours à une seconde cassation de mariage, sera obligé de donne le double des droits mentionnés; à une 3e. cassation il en payera le triple, à une 4e. le quadruple, et ainsi de suite.
4º. deux maris quelconques pourront aux époques mentionnés échanger leurs femmes à cette double condition, savoir, qu’elles y consentiront et que les droits pécuniaires pour une ou plusieurs cassations seront absolument les mêmes pour ces echanges; de manière qu’un conjoint, qui après une separation, aura recours à un échange, payera autant que pour une 2e. séparation, etc. et réciproquement.
5º. ces divers droits de séparation et d’echange seront une fois plus forts pour tout enfant qui n’aura point èté allaité, nourri, elevé par sa mere ou du moins dans sa famille, jusqu’à environ la 4e. année de son âge au moins.
6º. si le mari ne donne point à la femme de quoi fournir aux contributions requises, celle-ci prendra sa part, sur le futur usufruit de sa dot, de laquelle le mari sera comptable à qui de droit, à dater du jour du divorce.
7º. la femme séparée sera obligée de rester dans son veuvage legal (ainsi appellé par son rapport au veuvage naturel produit par la mort) au moins l’espace de 90 jours.…
Quoique les entraves pecuniaires et autres proposées, ou plutôt, quoique les charmes d’une union constante, d’une confiance intime, des plus doux épanchemens de coeur; quoique des charmes si enchanteurs, goûtés à longs traits pendant plusieurs années, doivent prévenir tous les mauvais mariages, ècarter ou détruire toute idée de séparation, puiser eux-mêmes dans la magique liberté accordée aux conjoints, une force et des attraits de jour en jour plus invincibles; quoique, (pour tout dire en un mot,) les mariages ne soient, dans notre systeme, rendus dissolubles, que pour n’avoir pas besoin d’être dissous, il faut néanmoins statuer sur le sort des enfans, supposé que deux époux, qui auront déja reçu ces préçieux gages de leur amour, viennent par extraordinaire à se séparer.
Dans ce cas la loi doit, il semble, faire ensorte que chaque enfant tombe à peu près entre les mains de celui des deux conjoints qui l’aimera le plus ainsi lorsqu’il y aura un ou plusieurs couples d’enfans, couples composés du 1er. et 2d nés vivans; du 3e. et 4e. nès vivans, etc l’un en aura autant que l’autre en cette sorte: le pere en choisira un dans le 1er. couple, un autre dans le 3e. un 3e. dans le 5e. couple et ainsi de suite; et la mere en choisira un dans le 2e. couple, un second dans le 4e. et ainsi de suite. S’il n’y a qu’un enfant en tout ou un d’impair, ce sera au pere qu’il appartiendra. après ce partage legal, les deux conjoints auront le droit de faire à l’amiable tous les échanges, toutes les cessions, qu’ils jugeront à propos.
Si malgrè ces précautions, un second mariage privoit les enfans de l’education à laquelle ils peuvent prétendre, les officiers publics, après en avoir fait avertir les parens, les citeroient au tribunal de l’endroit pour y voir déclarer leurs enfans enfans de l’etat (no. 134) et être condamnés à les confier, comme tels, à l’administration des ressources sociales: car si l’acte d’un moment a suffi pour acquerir aux conjoints les doux titres de pere et de mere, ce n’est que par leurs soins continuels, leur tendre sollicitude, qu’ils peuvent mériter que la societé les leur confirme; et elle doit les leur ravir, s’ils se comportent en tyrans, en barbares, envers leurs infortunés rejettons, auxquels elle offre, elle assure alors elle-même les ressources dont ils ont besoin. par où l’on peut voir que cette loi doit regarder toutes les familles, tous les enfans d’un empire (no. 16); bien entendu que lorsque des parens s’eleveront contre de pareilles accusations, offrant de procurer aux enfans l’etat et les traitemens convenables, il seront seulement condamnés à accomplir leur promesse, sous peine de se voir privés de ce qui doit former l’objet de leur gloire et de leurs plus cheres délices. aussi par une telle privation les parens seront-ils toujours censés punis suffisamment, sans devoir en outre a ne soufrir aucune punition pécuniaire. une loi bien naturelle à porter sur le sujet, c’est que les bureaux des ressources sociales seront seuls héritiers des enfans à qui ils auront ainsi leur lieu de pere, sans que leurs parens ascendans ou en ligne collaterale puissent jamais reclamer la moindre part dans ces sortes de successions (nos 16, 17, 18.)
les enfans échus en partages à un conjoint n’auront aucun droit de partager la succession de l’autre conjoint, si ce n’est dans ces deux cas, savoir ou lorsqu’il mourra sans enfans, sans s’être remarié, ou sans laisser en cas de nouveau mariage, des descendans directs d’aucun de ses divers mariages subséquens: alors les dits enfans jouiront exactement des mêmes droits, que si leurs peres et meres eussent continué de vivre ensemble.
Si l’on craint que la certitude de choisir, en cas de divorce, ses benjamins, ne porte, n’intéresse, pour ainsi dire, les parens à des partialités odieuses, destructives de l’amitié fraternelle, du repos, de la confiance domestiques; on pourra regler que le partage des enfans se fera par la seule voie du sort, en presence de quelques officiers , et interdire tout échange aux conjoints. en ne considerant que le moment du divorce et ses suites, il semble que la méthode du choix est préférable: en reflechissant sur les effets de cette methode antérieurs à son application, la voie du sort paroit plus avantageuse. je crois que cette derniere devra seule passer en loi, et que la 1r. ne devra lui servir comme d’introduction, étant employée en faveur seulement des personnes mariées, à l’époque où le divorce sera soumis aux reglemens proposés.