From Joseph Ignace Guillotin (unpublished)
Paris 2 février 1788
Monsieur

L’accueil gracieux et distingué que vous avez daigné faire à Mr. Saugrain De Vigny et à son compagnon de Voyage Mr. Picque, que j’avois pris la liberté de vous recommander, me font espérer que vous voudrez bien encore les honorer de vos bontés. Je vous en fais mes sincères remercimens, Monsieur. J’ose vous en demander la continuation pour eux, et, comme vous avez bien voulu le permettre, je vous prie d’avoir la bonté de leur faire parvenir le paquet ci-joint. J’ignore en quel endroit de l’amérique ils sont à présent, n’ayant point reçu de leurs nouvelles depuis leur dernières lettres en date du 27 Septembre dernier. Ils annonçoient qu’ils partoient le lendemain pour le fort Pitt, avec le projet de continuer leur route par l’ohio. Un silence de quatre mois commence à m’inquiéter. Si j’osois, je vous prierois, Monsieur, de m’en donner des nouvelles. Si je ne craignois de vous deranger de vos importantes et continuelles occupations; je vous supplierois en même tems de vouloir bien ajouter un mot de réponse aux Lettres que j’ai eu l’honneur de vous écrire. Combien je serois flatté de recevoir de vous, Monsieur, les renseignemens et les conseils que j’attends de votre bonté!

Vous connoissez, Monsieur, par tout ce que j’ai eu l’honneur de vous écrire, et par ce que vous ont dit nos deux voyageurs, la Situation et les dispositions de la plupart des personnes qui se proposent d’aller fixer ensemble leur résidence en amérique. Cela posé, lequel des Etats unis, anciens, ou nouveaux, pensez-vous qui convienne le mieux à des françois sages et instruits, admirateurs de votre Constitution, qui ont une fortune honnête, dont la plupart ne savent pas encore l’anglois, et qui desirent habiter un climat salubre et tempéré, susceptible de toutes les productions des Provinces méridionales de la france, telle que la Vigne, par Exemple, etc. Doivent-ils se joindre à la Colonie que va former le Général St. Clair au bas du Muskingum? Ou doivent-ils pousser, comme on l’assure ici, jusqu’au nouvel Etat qui se forme entre les rives du Mississipi, de l’Ohio, et du Wabash; jusqu’au poste des Kaskakias, par Exemple, parceque ce Pays est habité très anciennement par des françois et des Canadiens, qui ont conservé l’usage de leur Langage; parceque la température y est à peu près celle de notre Languedoc: parceque la terre y est extremement fertile, le Ciel superbe, etc. etc.? Mais le Gouvernement y est-il aussi avancé, aussi bon; l’habitation aussi sûre, etc., que dans les autres Etats? Etc.

Daignez nous eclairer, Monsieur, nous vous en supplions. Daignez guider nos pas dans une route nouvelle qui nous est si peu connue. Mon bonheur, celui de ma famille et de mes meilleurs amis, y sont fortement intéressés.

La Vue du travail sublime de la dernière convention d’amérique, l’espoir de le voir adopté par les Etats-unis, nous font désirer plus ardemment encore d’habiter un Climat heureux, qui marche à grands pas vers la perfection du Gouvernement seul digne de l’homme libre, sage et éclairé. L’amérique unie sous des loix aussi belles, que l’expérience et l’observation mûriront encore, deviendra le séjour du bonheur, et le modèle des nations. Nous savons, Monsieur, que c’est principalement à vos rares   qui ont été l’ame de la convention, que l’univers devra cette sublime production, base solide d’une union fédérative, dans laquelle on découvre cet accord merveilleux, et unique jusqu’à présent, de l’indépendance respective des Etats, de la liberté individuelle, de la force du Gouvernement fédéral, et du pouvoir universel des loix. Une pareille constitution, sur un sol, et sous un Ciel aussi beaux, sagement secondée par le perfectionnement des législations particulières de chaque Etat, rendra l’amérique aussi heureuse au dedans que respectable audehors. Tel est votre ouvrage, Monsieur. La Postérité impartiale, instruite par l’Expérience, lui paiera, mieux encore que vos Contemporains, le juste tribut d’admiration et de reconnoissance qui lui est si légitimement du. S’il m’étoit permis de mêler à tant de voix l’Expression de mes sentimens, je vous prierois, Monsieur, d’en agréer l’hommage aussi vif que sincère.

J’ai l’honneur d’être avec un profond respect Monsieur Votre trés humble et trés obeissant serviteur

Guillotin De

Endorsed: Guillotin
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