From the Marquis de Luce Seillans (unpublished)
de grasse le 26 fevrier 1783
Monsieur,

Je ne sais si Votre Excellence se Rappellera, qu’ayant eu l’honneur de lui être recommandé, j’ai eu celui de lui faire quelquefois ma cour à passi, dans le mois de septembre 1777. A cette époque, j’avais eu le desir de passer au service des états unis de l’amérique. Vous eutes la bonté de me promettre toutes les recommandations possibles, mais par une suite de votre caractêre d’honnêteté et de verité, vous me dites aussi, que la connaissance que vous aviez de l’état actuel de l’armée, ne me laissait qu’un espoir éloigné d’y être employé selon mon grade, dont j’eus l’honneur de vous presenter le brevet; que d’ailleurs si j’avais le projet de m’établir dans ce païs, avec des fonds suffisans pour de premieres avances absolument nécessaires, je pourrais y esperer par la suite une fortune considérable. Quelque flatté que je fusse de me voir impatrisé chez une nation, aussi respectable à tous égards que l’est la votre, je ne crus pas devoir prendre ce parti, étant fils unique d’une famille qui jouit de quelque considération dans ma patrie, et d’une honnête aisance.

J’ai cru Monsieur devoir rappeller tout ce detail à votre excellence, pour me rappeller s’il est possible à son souvenir. Comme tout le monde a parlé, et parle encore du sublime projet d’indépendance (exécuté depuis avec tant de succès par vos respectables compatriotes) je me suis fait un honneur auprès de mes concitoyens, d’avoir vû, et reçu même, des témoignages de bonté de l’homme que l’on regarde avec Raison, comme le premier mobile de cette grande révolution...mais je supprime les éloges crainte de vous déplaire, ils sont trop au dessous de vous. On a cru Monsieur, que j’avais un titre suffisant auprès de votre excellence, pour esperer qu’elle accueillira avec la même bonté un projet également intéressant pour votre nation, et pour ma patrie. C’est d’obtenir du roi, la franchise du port d’antibes, en faveur des états unis de l’amérique. Les consuls de cette ville ont déjà fait des démarches à ce sujet auprès du gouvernement. Leurs prétentions sont fondées, sur ce qu’il n’y a aucun port dans cette mer qui offre plus d’avantages que le leur, aux deux nations. J’ai crû Monsieur, que si vous étiez bien persuadé de cette vérité vous ne balanceriez pas à en faire vous même la demande, je m’engage de mon côté à repondre aux différentes objections que l’on pourrait faire à ce sujet. Pour vous prouver cet avantage réciproque, il faudrait entrer dans le plus grand détail sur la nature du comerce qui s’établirait à antibes; j’entreprendrais de le faire, si je parlais à quelqu’un de moins éclairé que vous; mais je ne m’arreterai que sur quelques points capitaux. Nous manquons dans cette contrée, de Bled, et de Legumes; tous nos ports ont besoin de bois de construction; nous trouverions ces articles chez vous; et nous vous donnerions, en échange, des huiles de première qualité, des savons de nos fabriques, des eaux de vie et des vins de notre cru, des draps de nos manufactures etc. et l’abondance, de ces différens articles qui nous sont propres, nous mettrait à même de vous les laisser à meilleur compte, que vous ne les trouverez partout ailleurs. Comme votre excellence, vient de donner des preuves si éclatantes de son patriotisme, elle ne pourra sans doute voir de mauvais oeil, que je suive, quoique de très loin, un si bel exemple. Oui Monsieur, c’est l’amour de ma patrie, qui ma décidé à vous faire part de ce projet, à vous en demander votre avis, et votre suffrage pour le port d’antibes, comme étant le seul, qui réunisse le plus davantages, pour le commerce des deux nations. J’ai un double intérêt à la réussite; et comme citoyen de grasse, et comme fils du maire et premier consul de cette ville, qui est le chef lieu de toute la viguerie, dont antibes fait partie.

D’après la reponse dont je vous prie Monsieur, de vouloir bien m’honnorer, je vous enverrai, si vous le jugez à propos, un mémoire plus circonstancié sur cet objet.

Je suis avec Respect Monsieur de votre excellence le très humble et très obeïssant serviteur

de Luce Seillans

ancien major de dragons au service

du roi de pologne
Endorsed: Luce Sellians M. De, 26 Fevr. 1783.
639251 = 039-u055.html