Veuillés, s’il vous plait ne point rejetter la priere d’un jeune garson, à qui le seul dezir de s’expatrier fait peut être trop hazarder, en luy faisant prendre la liberté de s’adresser à vous, pour vous supplier de voulloir bien le loger à l’ombre de votre Aille protectrice.

Ce n’est donc qu’en nageant dans une mer d’incertitude, que j’oze me permettre de tracer cette missive, dont le seul bût est que considerant son dessein de passer, à l’Amerique Septentrionalle, Il dezirerait fort d’être muni de vôtre recommandation & protection; qui luy sont indispensables pour n’être pas Confondû parmi un tas de gens sans aveu, qui tomberont là bas dès que les affaires le permettront sans rien risquer. Et en effet, sous quelles meilleures auspices pourrait-il se confier à faire ce trajet, si ce ne sont les vôtres, dont le Credit et la renommée commencent à exalter les heureux succès.

Si donc je suis assés [heureux] pour pouvoir me feliciter d’une reussite, j’ozerais vous prier Monsieur de faire prendre des Informations sur mon Compte, chés mon oncle, Jullian, sous directeur des fermes de Languedoc, a l’Hotel de la Reynie Ruë Boulloy, qui même est trés souvent chés Monsieur de Faventine, fermier General du Roy; ou icy (car Je ne Crains pas être trop vain de l’avancer, ou l’on n’a que de bons temoignages à donner sur ma Conduitte) chés Monsieur Pouget, Lieutenant de l’Amirauté.

Heureux! Mille fois heureux! Si parvenû à vous Convaincre de la sincerité de mes sentiments, vous daignés par surcroit à vos bontés me Croire avec le devouëment le plus sincere Monsieur Le plus soumis de vos serviteurs