Louis-Guillaume Le Veillard fils to William Temple Franklin (unpublished)
L’orient le 21 Mars 1781

J’ai Reçu ce matin, mon cher ami, la lettre que vous m’avez fait l’honneur de m’écrire le 16 du courant. Je suis faché comme vous que M. De Cxxx ait si bonne opinion de son Capitaine, ce peut etre un fort Galant homme incapable de le tromper, mais sil ne lui fait aucun tord en ce quil en agit fidelement avec lui, il lui en fait beaucoup par la maniere dont il se conduit attendu que ses procédés ont déplu considerablement a tous les chefs et quil lui ont refusé beaucoup de facilités quil auroit eues sans cela, de sorte qu’on ne lui a éxactement accordé que ce qu’on ne pouvoit pas lui refuser; le Ministre l’a traité fort mal et même le Commissaire ordonnateur l’a menacé de le démonter; quand a moi ainsi que je vous l’ai marqué la lettre de M. De Ch. a fait le plus bl éffet, et l’a rendu aussi honête qu’il peut l’etre, car cest un des hommes les plus froids que j’aie jamais vu. Au reste j’ai fait les choses très grandement, je lui ai donné a dinér hier, ainsi qu’a son second et a Robertson; j’avois aussi prié le Capitaine de Pavillon, mais il n’a pu venir j’en suis dautant plus faché, que cest un fort brave et galant homme, infiniment honête, a qui M. De ch. [doit] sans contredit la plus grande obligation, car il agit des plus chaudement dans tout ce qui le regarde et il veille jour et nuit a la conservation de ses interests. Galateau persiste toujours dans le refus qu’il a fait de me donner une Chambre et dans le fait il a raison, car je ne crois pas que tout son Etat major soit logé, et il serait injuste qu’un simple passager derangeast les officiers. Ainsi je renonce a mes pretentions a ce sujet, je coucherai dans la grand chambre le seul desagrement que j’aurai sera dêtre obligé tous les matins au branlebas, mais comme je n’aurai Rien a faire ce n’est pas un tres grand malheur, je crois que M. Robertson qui s’est enfin racommodé avec le Capitaine sera dans le même cas que moi.

Mes Regrets au sujet de votre invulnerabilité que je desire tant ne vienne point d’un accident présent, mais de mes anciennes infortunes qui me rendent des plus timide pour le beau Séxe, et même d’une timidité a me faire prendre pour un nigaud, tandis que je n’ai jamais eu besoin d’autant d’hardiesse car tout le monde ici me prend pour une femme déguisée en homme, et si je ne couche pas avec touttes les plus jolies femmes de la ville, je suis a jamais perdu de réputation dans cette ville.

Je suis bien faché que Mesdemoiselles Brillon nembrasse que des gens de 50 ans, car je vous aurois souvent donné de l’occupation auprès d’elles, et je crois quelle ne vous auroit pas déplu, je vous prie toujours de leur parler quelque fois de moi pour qu’elle ne m’oublie pas tout a fait. Surtout quand Md. Cail. pourra entendre quelques mots de la conversation, car vous savez qu’après Mademoiselle de P[erceval] c’est celle qui occupe le plus mes pensées. Je suis charmé que la dite Demoiselle De P. Parle encore de mon petit individu, car on parle ordinairement de ceux a qui on pense.

Je suis faché, mon cher ami, de touttes les peines que je vous ai données pour mon Cap. mais j’espère que lorsque je serai en Amerique vous me fournirez de frequentes occasions den prendre de plus considerables pour vous. Je vous prie dassurer votre grand papa de mon Respect et de croire que je serai jusqu’a mon dernier soupir votre ami le plus fidele

Le Veillard fils

Vous n’avez point d’excuses a me faire pour votre francois car il n’y avoit que deux fautes très legeres dans toutte votre lettre; vous voudréz bien remettre l’incluse a ch. fils. Si le vent ne change nous serons ici pour leternité bienheureuse que je vous souhaite.
Addressed: A Monsieur / Monsieur Franklin le fils / chez M. franklin ministre plenipotentiaire des etats unis de l’amerique / A Passy pres Paris
Endorsed: Le Veillar fils 21 Mars 1781
635955 = 034-480a001.html