From — Froger de Larigaudière (unpublished)
a Paris Ruë du gros chénet no. 5. ce 8. mars 1783./.
Mémoire.

Pour être envoyé au congres des Provinces unies de l’amérique Septentrionale par Son Excellence Monsieur francklin Ministre Plénipotentiaire de de la Republique des Provinces unies de l’amérique Septentrionale. Si quelque partie de l’europe peut prétendre au Commerce des Etats unis de l’amérique, C’est Sans contredit cette partie de la Saintonge Province du Royaume de france, que baigne L’océan. Sa position, La nature de Ses productions Semblent privativement lui promettre cet avantage.

Située au     degré     de latitude, et au     de longitude, elle voit deux grands fleuves, par lesquels elle peut Communiquer avec les Provinces de l’intérieur du Royaume; La charante au nord, La Riviere de Bordeaux au Midy, venir décharger leurs eaux dans l’océan, qui la borne à l’ouest.

Dans Sa partie méridionale Se prolonge à Six lieües dans les terres, une vaste baye (qu’on appelle rivière de Seudre) formée par L’océan qui divise, pour ainsi dire, cette Contrée en deux peninsules, et offre dans toute Son étendue un excellent mouïllage à couvert de tous les vents. Sur les deux bords de cette baïe Sont de belles Salines coupées de grands Canaux, ouvrages de la nature et de l’art, qui s’étendent jusques dans les terres, et facilitent ainsi non Seulement l’exportation des Sels, mais encore celle de toutes les autres productions de cette contrée.

Dans la partie Septentrionale cet un autre baie (qu’on appelle havre de Brouage, parcequelle baigne les murs du fort de ce nom) Sur les bords de laquelle Sont les plus anciennes Salines du Royaume, Coupée, Comme les premieres, par de grands canaux portant des barques de trente et quarante tonneaux.

Entre les deux baies, à environ trois quarts de lieüe de distance de chacune, et de pareille distance de L’océan, entourée des Salines, qu’on vient de décrire, est la Ville de Marennes, chef lieu de la Contrée, Siége de l’amirauté de la Province, ou Sont plusieurs négotians et ou on trouve des Courtiers, des interpretes, et tous les gens dont le ministere est nécéssaire pour la facilité du Commerce.

Dans les lieux Circonvoisins aux différents ports des Canaux, dont on vient de parler, tels que la Tremblade, Chatresac, Mornac, &C. Se trouvent aussi d’autres négotians.

A L’ouest de cette partie de la Province de Saintonge dans l’océan est L’isle D’oléron, qui en est Séparée par un Canal de plus d’une lieüe de large, (qu’on appelle le Courault d’oléron) dans lequel Sont de très bons mouillages. Cette Isle est prèsque totalement entourées de Salines Coupées, également par des Canaux qui Se prolongent jusques dans l’intérieur de l’isle.

Dans ces parages Naviguent des batimens depuis Cent Cinquante tonneaux jusques à trois Cens et même Cinq Cens tonneaux quoiqu’il y ait quelques bancs de Sable à l’entrée et à la Sortie du Canal, on n’y voit prèsque jamais d’échouments. Une Compagnie de pilotes lamaneurs [?] qui y naviguent journellement abord de leurs chaloupes, va à la rencontre des batimens étrangers qui veulent entrer ou Sortir, et leurs offre ses Services.

Par cette description topographique, on peut juger de la facilité qu’ont les Batimens, tant pour leur chargement, que pour leur déchargement, et la Célérité avec laquelle l’un et l’aure doit Se faire.

A ces avantages de Sa position cette partie de la Marine de Saintonge joint ceux des productions de Son Sol, tels que la Supériorité de ses Sels, et de Ses vins et aux de vie, objets de nécéssité pour les Provinces des Etats unis de l’amérique Septentrionale.

La qualité des Sels qui Se Cristallisent dans ces Salines est infiniment Supérieur à celle des meilleurs Sels de l’europe leur réputation à cet egard est la même chez l’étranger qu’en france. Tous les Sels, Despagne, de Portugal, de la Province de Bretagne en france, Ceux même de l’isle de Rhé en aunis qui est circonvoisine sont Caustiques et Corrosifs, par conséquent incapables de faire de bonnes Salaisons, soit de Viandes, soit de poissons dont ils absorbent les Sucs et auxquelles ils communiquent une acreté pernicieuse à la Santé, tandis que les Sels de Marennes et D’oléron conservent les Salaisons de Viandes et de poissons dans leur état primitif, sans les déssecher. Cette qualité provient de la qualité du Sol, dont la différence se montre non Seulement dans les Sels, mais encore dans les Coquillages. Les huitres qu’on met dans des reservoirs sur les bords de la Seudre y deviennent vertes, tandis que Sur toutes les Côtes de l’europe et même de france elles sont toujours blanches.

La circonstance qu’on vient de relever de l’excellence des Sels de cette Saline interessent non Seulement les particuliers des etats unis pour la bonté et la conservation des Salaisons qu’ils feront et le débit plus avantageux qu’ils en pouront faire, mais encore le gouvernement lui même, qui a le plus grand interêt de veiller à la conservation des individus qui Composent les etats, a qui la mauvaise qualité des Salaisons, leur échauffement, donne le Scorbut et différentes autres maladies.

Ses vins tant rouges, que blancs tiennent le Second rang, après Ceux de Bordeaux de la premiere qualité, ils Soutiennent très bien la mer et peuvent être transportés dans tous les ports de l’amérique, par conséquent les eaux de vie qu’on y fait des vins blancs ne Sont point inferieures aux meilleures du Royaume. Elles tiennent leur dégré, comme celles de Cognac et les égalent en douceur.

Avec le Commerce des productions de Son Sol, Marennes peut offrir celui des grosses draperies, des étoffes de différent genre, de la bonneterie, de la chaussetrie &C. quelle peut facilement tirer tant des autres Provinces du Royaume par les deux fleuves qui la bordent, que de l’intérieur de la Province même de Saintonge et de celle du haut Poitou qui l’avoisine.

La le négotiant américain tient tout de la premiere main; il peut même l’acheter du proprietaire du fonds, qui l’a produit, tandis que dans tous les autres ports les mêmes productions ont payé différentes commissions et différens frais de transport et de renversement, avant d’être chargés abord de Son batiment. D’ailleurs, il jouit encore d’un autre avantage dans cela; c’est la certitude que les productions qu’il exporte, n’ont éprouvé aucune altération, ni aucune falsification.

Toutes ces considérations paroissent propres à engager les états unis de l’amérique a faire fréquentes Ces parages par leurs batimens, mais celles qui Suivent ne Sont pas moins déterminantes à une Exportation avantageuse, ils peuvent joindre une importation qui ne le Sera pas moins.

Cette partie de la Saintonge baignée comme on vient de dire des eaux de la mer océane, et arrosée par une multitude de Canaux d’eau salée, ne produit aucune espèce de bois.

Les Etats unis de l’amérique peuvent donc y emporter avantageusement toutes Sortes de bois, entr’autres des bois de charpente, de menuiserie, de construction pour de petits Batimens, des planches, du merain &Ca. et toutes les productions étant celles de leur Sol; les hollandais qui nous fournissent Ces objets qu’ils vont chercher dans le nord de l’europe, ne pouront Soutenir la Concurrence. Enfin de quelque nature que Soit la Carguaison de leurs batimens, ils en auront la Vente et le débit dans les ports circonvoisins. S’ils Sont chargés de tabacs, ils le verseront à l’entrepot de la Rochelle; si c’est de bois de Construction pour de gros batimens, dans l’arsenal Royal du port de Rochefort, ils auront enfin le port de Bordeaux, dont ils ne peuvent descendre la rivier sans entrer dans les eaux de cette Contrée.

D’après Sa position, la nature de Ses productions et celle de ses besoins, la nature Semble avoir établi une relation réciproque et entiere entre cette partie de la Province de Saintonge et les Provinces des etats unis de l’amérique. Tout paroit concourir et inviter les habitants de ces deux contrées à se communiquer et à établir entr’eux un commerce dont ils sentiront mutuellement les plus grands avantages./.

observation.

Il paroitroit indispensable que les Capitaines des navires des Provinces unies de l’amérique Septentrionale, éussent à Marennes en Saintonge une personne de la plus grande confiance, qui les prévinssent aussitot leur arrivée du prix courant des denrées et autres marchandises dont ils désireroient charger leurs Batimens, afin de leur éviter d’être ransoné par les différents marchands du pays, et Veiller a leur prompte expédition ce qui leur Seroit on ne peut pas plus avantageux. M. froger de la rigaudiere chevalier de St. Louis, ancien Lieutenant Colonel d’Infanterie demeurant à Marennes et qui a été trente années Sindic général des Salines de Saintonge offre d’être gratuitement le consul du congres à Marennes; il ne demande d’autre récompense de Ses Soins et peine que la douce Satisfaction d’être utile a Son paÿs et de Se rendre agréable au Congres, mais il faudroit nécessairement qu’il fut autorisé par le congres, et principalement par le Gouvernement de france, sans quoy il ne Se chargeroit de rien du tout; Il Seroit indispensable aussy qu’il eut à Ses ordres à Marennes un Courtier a qui le Congres ou le Corps du Commerce de l’amérique Septentrionale donneroit Sept à huit cens livres d’appointement par an pour accompagner les capitaines à cinq ou Six lieues á la ronde pour faire leurs achats de la premiere main; c’est ainsi qu’ils eviteroient de gros frais et d’être trompés dans les emplettes des différentes marchandises et ne pouroient manquer de faire de très bons voyages. L’objet le plus important et qui doit très essentiellement fixer l’attention du Congres et de Son Excellence Monsieur francklin est d’obtenir le port franc pour la Riviere de Seudre et Coureau D’oléron, sy Son Excellence Monsieur francklin a besoin de quelques autres Eclaircissemens à ce Sujet, il peut S’adresse à M. froger de la rigaudiere chevalier de St. Louis ancien Lieutenant de Roy à St. Domingue qui demeure à Paris rue du gros chenest No. 5. Il est frere de M. froger de la rigaudiere de Marennes cy dessus nommé, qui S’offre gratuitement d’être Consul du Congres Sous l’agrement du gouvernement de france.

froger de la rigaudiére
chv. de St. Louis ancien lieutenant de Roy./.
Notation: vu par nous— [in another hand:] Montmorency Commandant général des provinces de Saintonge aunis Et poitou./.
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