Votre Reputation et votre merite s’etendent jusques dans les communautés Religieuses et m’enhardissent à vous demander une grace, que votre coeur sensible ne me refusera sûrement pas. Voicÿ le fait.

Un jeune homme de très bonne condition de cette province neveu d’une de mes Religieuses souhaitteroit entrer dans le militaire, mais denué de toute ressource, absolument abandonné des familles de qualité à qui il a l’honneur d’apartenir, à cause de la mauvaise conduite de ses auteurs et surtout de son pere qui par suite se trouve sans fortune avec douze enfans. Voyla, Monsieur, l’objet de ma charité et qui doit exciter la vôtre. Ce jeune homme souhaitteroit retablir sa famille dans la position illustre ou elle existoit il ÿ a 50 ans dans cette Province; il vous prieroit de lui accorder votre protection et muni de vos bontés il s’embarqueroit volontier pour un paÿs qui combat avec tant de gloire pour sa liberté.

Je dois cependant vous prévenir, Monsieur, que ce jeune homme n’est point en etat de faire la moindre depense pour son depart, je doute même qu’il puisse aller prendre vos ordres a Paris sans le secours des personnes qui s’interessent a lui.

Ce jeune homme est agé de 18. ans, a 5. pieds 5. pouces de haut, à des sentimens et sans avoir un grand genie, du bon sens et une grande envie de se distinguer dans la partie militaire.

Faittes cette bonne oeuvre, Monsieur, mettez le principal rejetton d’une famille autrefois illustre dans le cas de se tirer de la misere qui l’attend. Dieu vous en sçaura gré. Quand a moÿ je ne puis vous temoigner ma reconnoissance que par des voeux et des sentimens d’estime avec lesquels je suis, Monsieur, Votre trés humble et trés obeissante servante