From — Hardy (unpublished)
Ervy le 20 decembre 1783
Monsieur

Je ne scais quelle est la Religion dominante des etats unis de l’amerique. Une puissance encore pour ainsi dire au berceau n’a pu en aussi peu de tems regler tous les points tant par rapport a la religion que par rapport a la politique, et le congrês à été jusqu’à present trop occupé des affaires du gouvernement pour avoir pu embrasser en meme tems ce qui concerne la religion.

Je presume cependant, que celle qui domine en Angleterre est, et sera la plus etendue dans les états unis. On ignore si le congrês admetra le tolerantisme, ou aura une Religion exclusive. Ainsi, c’est au hazard, Monsieur que j’ai l’honneur de vous envoyer cette missive.

Je suis prêtre, de la religion catholique romaine, depuis 4 ans. Je suis français et j’occupe une place de principal de college dans une ville du gouvernement de champagne, election de St. florentin, et cette ville se nomme Ervy le chatel Diocese de Sens. C’est Madame la Comtesse de Maurepas dame du dit Ervy, qui m’a fait l’honneur de me nommer a la place de Principal que j’occupe. J’ai toujours aimé la nation dont vous êtes le representant en france, et j’ai toujours beaucoup regretté de n’etre point dans la somme des individus qui ont contribuez chacun dans leur genre a vous aider a secouer le joug onereux des Anglais, et a recouvrer votre ancienne liberté.

Aujourdhui, Monsieur, je puis offrir au congrês americain de faibles services, mais qui peuvent être même d’une utilité plus grande que pendant la guerre. Ce n’est ni degout pour mon parti, je suis fort honnêtement placé pour un jeune homme ni legerete de caractere, ni un simple desir de m’expatrier pour voyager, qui me determineroient à passer en Amerique, si mes services vous etoient agreables. C’est le seul desir de me rendre utile a une nation que j’aime et que je respecte, à une nation longtems esclave, que sa valeur, et les grands hommes qu’elle possede ont enfin rendus libre.

Les Ecclesiastiques sont sans doute rares encore dans les Etats unis, où le congrès n’a pu encore prendre des mesures convenables pour ce qui regarde la religion des peuples. J’offre mes faibles talens, et je fais le sacrifice couteux pourtant de quitter, parens, amis, patrie meme pour le bien de ma religion et pour le service des Americains dans l’exercice du St. ministere auquel j’ai l’honneur de travailler ici.

J’ai dit plus haut que je suis principal d’un college Comme il est probable que le congrès prendra des mesures promptes et efficaces pour etablir des colleges, afin de donner a la jeunesse americaine une education solide, j’offre encore mes services pour cet objet essentiel dans un gouvernement sage. S’ils peuvent être de quelqu’utilité a quelque partie de votre nation, et si en vertu de cette utilité je puis compter sur votre protection, je vous prie, Monsieur, de vouloir bien me notifier et motiver vos intentions, en m’honorant d’une reponce. En cas qu’elle fut conforme a mes desirs, et au plan que je me propose, j’attendrois pour partir le tems que vous me marqueriez et l’occasion, et des lors je me regarderois comme sujet des etats unis de l’amerique.

J’ai l’honneur de vous observer que je ne voudrois jamais     que comme catholique romain, et chez des catholiques romains, c’est ma religion et j’y suis inviolablement attaché. Ce n’est point l’ambition qui me fait agir. J’ai sans doute dans ma place une tres riante perspective. Mais je dois vous observer qu’avant de me decider a quitter ma patrie, je serois charmé de pouvoir compter sur votre constante protection et de pouvoir croire que le congrès saura placer d’une maniere avantageuse ceux qui s’expatrieront pour son service et qui par leurs travaux et leur conduite ne dementiront pas le caractere dont ils sont honores.

Ainsi, Monsieur je puis travailler indifferemment comme simple pretre dans l’exercice du ministere pastoral, ou a l’education de la jeunesse, en occupant en Amerique une place telle que celle que j’occupe ici. Au reste j’envisagerois la plus grande utilité pour me fixer, et je ne consulterois que la volonté de ceux auxquels je me trouverois subordonné. J’ai l’honneur d’etre avec le plus profond Respect Monsieur Votre tres humble et tres obeissant serviteur

Hardy
Prêtre Principal
college d’Ervy le chatel (par Saint florentin)
p.s. Je me flatte même que je pourrois s’il etoit besoin, determiner quelques uns de mes amis, jeunes aussi, a prendre mon parti, s’il offroit quelques perspectives flatteuses, et dans ce cas nous nous trouverions former un petit corps dont on pourroit tirer un plus grand avantage, je ne m’adresserois qu’a des jeunes gens a talens.
Notation: Hardy 20 Decr. 1783.
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