From Louis Gioanetti Pellion (unpublished)
Turin ce 16 avril 1777
Monsieur,

Quoi que privé de l’honneur de vous être connu, et n’ayant que celui de vous connoitre par renommée, comme on ne manque jamais de connoitre les Grands hommes, j’ose prendre la liberté de vous ecrire, fondant tout espoir en la generosité de votre belle ame, qui voudra bien agreer les instantes et vives prieres que j’ai le bonheur de vous adresser, affin que vous vouliés bien m’honorer de votre Protection très puissante pour remplir l’objet de mes desirs. Je n’ai que 23 ans, Monsieur; mon Pere qui après avoir fait les campagnes de 1742 en qualité de Lieutenant Capitaine d’Infanterie au service de notre defunt Roi Charles Emanuel, s’est retiré, vit a present encore a sa campagne avec ma Mere fille d’un Capitaine de Dragons de notre Roi; moi aprés avoir fait à cette Université le cours de ma Philosophie, et un année de Droit Civil pour suivre les desirs de mon Oncle Paternel Avvocat Secretaire du Roi, ne pouvant plus me contraindre et cacher mon inclination militaire, je me mis à etudier un peux d’Architecture Militaire suivant Mr. de Vauban, un peux d’Artillerie suivant Mr. de S. Remy, un peux de Tactique de Frederic le Grand, et après avoir fait un petit tour a Lyon, et Marseille, pour prendre une legere idée de la belle France, et de la Marine, dont je suis passioné, je fis le voyage d’Italie jusqu’á Rome, d’ou après un séjour de quelques mois, reccomandé par des Princes Polonois Sapieha Poloski ecc. et par des Romains, Bracciani, Doria ecc. je passa à Venise, et entra au service de la Confederations de Bar et avec le Prince Charles Radzziwil Palatin de Wilna en Lithuanie je fis en qualité de sous-lieutenant des Hussards-noirs la campagne de Turquie en 1774 sous le G[énéra]l Cosacoski contre Romanzoff; mais l’affaire aiant pliée par l’imbecillité des Musulmans en faveur de la Czarine au prejudice de la Porte, et consequemment du Prince Charles, qui y etoit appuyé, paix faite, à notre retour de Constantinople par Raguse et Venise à Padoue nous y fummes reformés en 1775 en juillet. A cette epoque, come j’avois eté appelé par la Repub[liqu]e de Raguse, j’y retourna, et y fut en 1776, elu Lieutenant-Capitaine de Infanterie, mais n’ayant pas voulu accepter ce poste, et demandant celui de Capitaine, qui ne m’a pas eté accordée, je revins ici, ou en attendant de pouvoir me procurer l’occasion de faire une autre campagne, je suis entré dans les Gardes du Corp de notre Roi, ou je suis à presant. Voila, Monsieur, en peux de mots ma carriere. Or comme mon grand desir est de voir le monde d’être militaire, et en même tems de jouir de la marine la chose la plus agreable pour moi, je voudroi trouver le moyen de faire cette campagne d’Amerique, mais du coté des Colonies, car je la trouve de ce cote là boucoup plus intheressante, et avantageuse, que de celui de l’Angleterre. C’est pourquoi, j’ai l’honneur de me reccomander à votre Protection sachant tout ce que vous p[ouvez] de ce coté là; je vous assure, Monsieur, que vous n’obbligerés point un ingrat, ni un mauvais sujet, mais un jeune homme qui ne manquera surement pas de bonne volonté, de bon temperament, de prudence, de fermeté, de bonnes reccomandations, de tous les attestats de bonne conduite, et quelque peux d’argent. Je scais m’accomoder aux climats, aux moeurs, aux circonstances, aux tems. J’aime passionement à voyager, à voir le grand monde, le militaire, et la marine: c’est là mon grand bonheur, mon plaisir, ma félicité. Ni le jeu, ni les vin, ni les femmes n’ont jamais Dieu merci derangé ma conduite: mais un Vaisseau, une armée, de longs voyages, c’est mon paradis. Je me reccomande instamment à votre souvenir, Monsieur, j’espere en votre bonté laquelle peut me rendre heureux, bien entendu, qu’il faut que je menage la chose avec delicatesse, et prudence, et politique. Car quoi que je sois le dernier des sujets de mon bon Maitre, il est neammoins hors de regle que je cherche d’autres service ayant le bonheur d’être au sien. Mais ce n’est point degout, infidelité, et traitrise pour mon Roi, pour lequel je donneroi milles vies, mais c’est que j’aime à m’instruire, à me former, a me dresser m’exercer et profitant de la Pratique et du travail de ma jeunesse je seroi toujours pret aux ordres respectables de mon Souverain, et me mettre en état de meriter son attention dont maintenant jeune inexpert je me reconnois indigne. Dans l’espoir de l’honneur de votre souvenir, j’ai celui de me dire avec le plus profond respect, Monsieur, Votre très humble, et très obbeis[sant] serviteur

louis gioanetti pellion
cidevant Garde du Corp de S.M. le Roi de
Sardaigne, aujourdhui Controlleur de la
Court de S.M. Susd[ite].
Mon adresse a Mr. l’Avvocat Gioanetti Secretaire au Bureau Royal des Gabelles unies p[our] remettre à son neveu Mr. Louis Garde du Corp ci devant, aujourdhuï Controlleur à la Court de S.M. le Roi de Sardaigne.
Addressed: Monsieur / Monsieur le Docteur Franklin / chez Mr. Bouffé, et Dangirard / Banquiers / A Paris
Endorsed: Louis gioanetti Pellion Turin 16 avril 1777.
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