C’est avec la confiance la plus intime et la persuasion où l’on est que tous les Evénements qui peuvent arriver par le Sort de la Guerre entre les Ennemis de l’Etat et les Amériquains, dont, pour ses derniers vous gouvernés si sagement les Intérêts, que l’on prend la liberté de vous détailler icy une circonstance asséz rare et sur laquelle Votre Grandeur est suppliée de faire droit.
Six Amériquains depuis longtems mal’heureusement détenus dans les prisons de fortune près Porsmouth, et pris sur les Vaisseaux venant de l’Amerique, dévorés d’Ennui et périssant de Misère se déterminèrent à tout tenter le 11 de ce mois pour recouvrer leur liberté, ils y réussirent enfin et se transportérent à bord d’un petit Bateau pêcheur dont l’Equipage formoit trois hommes et qui en passoient trois autres, l’un est garde Marine, Le second Maître Voilier au service du Roy de la Grande Bretagne, il y avoit aussi 4-femmes; le tout se rendoit à leur grand Vaisseau mouillé dans un autre parage; les six amériquains affectérent avoir affaire dans le même endroit, furent reçus a bord du pêcheur également comme passagers; mais à une certaine distance à la mer, au lieu de tenir la route pour rejoindre le Vaisseau, ils maneuvrerent si bien qu’ils ont amené le 19 dans le Port de Cherbourg le Bateau dans l’Etat cy-dessus dit.
Ce trait hardy à causé l’Etonnement; Et l’admiration publique; mais ces braves Amériquains, s’ils sont libres, n’en sont pas moins réduits aux premiers besoins de la vie, ils désireroient, pour se la rendre plus aisée, que Votre Grandeur daignât leur faire adjuger la confiscation de ce petit Bateau, cet objet est foible, mais divisé entr’Eux, leur indigence se trouveroit un peu soulagée, et rien ne pourroit ajouter à la faveur de leurs prieres pour la conservation de vos précieux Jours.