From Lucas Despeintreaux (unpublished)
Washington County July 28, 1788
Monsieur

Quand je songeai a quitter ma Patrie pour aller avec mon epouse fixer mon sejour en Pensilvanie, je pris la Liberté avant de Realiser mon Projet de vous faire remettre le 7 janvier mille sept cent quatre vingt quatre une lettre Par laquelle je vous faisais part de mes idées relativement a mon emigration et par laquelle encore je vous suppliais de vouloir Bien m’accorder votre audience le jour suivant Pour Pouvoir recevoir de vous Monsieur les instructions dont j’avais Besoin Pour me determiner.

Le neuf du même mois je me Permis de me Presenter Chez vous et vous me recûtes avec une Bonté et une Bienveillance qui vous Distingue; vous me satisfites Parfaittement sur tous mes douttes. J’appris même de vous Monsieur mille Choses que j’ignorais entierement vous me Promites encore par une Complaisance particuliere que vous me donneriez une Lettre de recommendation auprés d’un de vos amis a Philadelphie, et ce quand je serais Prêt a partir. Je profitai de votre Bonté Pour moy; le 20 mars suivant j’eus l’honneur de vous rendre mes devoirs a Passy. Vous me donnates une lettre de recommendation Pour mon Epouse et moy auprès de monsieur et madame Bache a Philadelphie. Je me rendis a cette ville muni de votre recommendation et mon epouse et moy eprouvames de Ces deux Personnes (Respectables a tous Egards) des Procedés dignes de vous.

Comme ny le desir des richesses, ny la Passion du Commerce ne m’avaient Point fait quitter ma patrie pour courir au-dela des mers aprés une fortune incertaine et des jouissances chimeriques, Comme au contraire je ne l’avais abandonné Cette même patrie que par une Philosophie absolument naturelle et dans les vuës de trouver au milieu des Bois de Pensilvanie les moyens de Couler mes jours ignoré, independant, occupé des travaux Champêtres, en un mot heureux avec une jeune epouse que j’aime, Philadelphie fut un endroit que je Cherchai a quitter le plutôt que je pus.

Je me rendis a Pittsburg sur le Conseil que m’en donna monsieur Bache, la j’achetai une Plantation trop Petite Pour un avide Colon mais suffisament etenduë Pour un homme raisonable. Elle est agreablement située sur une hauteur au bas de laquelle se trouve la rive Gauche de la monhonguela dans le comté de Washington a six milles de Pittsburg.

Quand je me vis etabli sur cette Plantation je Crus que Personne desormais n’entendrait Plus parler de moy que je conserverais Pour vos Bontés Mr. une reconnaissance mentale et qui ne vous serait jamais Connuë toujours Craignant ou de vous interompre quand vous êtes occupé a servir votre païs ou de vous fatiguer quand vous vous delassez Pour mieux la servir encore. Mais les Circonstances Presentes m’apprennent que je me trompais.

Je laissai ma Procuration a un de mes Parents quand je partis de france, il devait toucher en vertu de cet acte Certains fonds qu’il m’avait promis de m’envoyer a philadelphie a l’addresse de Monsieur Richard Bache qui m’avait promis aussi de vouloir Bien les recevoir pour moy. Je n’ai jamais entendu Parler de ce parent ny de mes fonds. Je Presume qu’il m’a oublié Car il est trop riche et trop honnête homme a mon Gré Pour que je puisse soupçonner qu’il ait ressenti aucunne Convoitise sur ma petite Proprieté.

J’ai fait si peu de Progrés dans la Connoissance de L’anglais que je n’oserois etourdir Mr. Bache de mon Galimatias auqu’el d’aillieurs il ne pourait rien reconnaitre. C’est pourquoi j’ai Pris la Liberté, Monsieur, De mettre encore votre complaisance a l’epreuve. Je vous supplie de Bien vouloir recevoir des lettres que j’attends de france vers l’automne Prochain. Elles seront sous envelope a votre addresse.

Mr. Saugrin qui se charge de vous remettre Celle Cy m’a promis d’aller à son arrivéé en normandie Chez Ce parent Chargé de ma Procuration Pour me rappeller a Son Souvenir et l’encourager à m’envoyer le Plus tôt qu’il poura une lettre de Change ou des espèces. Ce sont ces espèces ou Cette lettre de Change que je vous Prie de vouloir Bien recevoir Pour moy. C’est la lettre d’avis que j’ose vous Prier de me faire Parvenir par L’un des representants de la comté de Washington a l’as[semblée] generale ou au Conseil de pensilvanie ou par quelqu’autre occasion sure qui Poura se presenter a vous.

Je me garderais bien Monsieur de Prendre telle liberté si je ne savais Pas Parfaittement que tous vos momens sont marqués par quelque acte de Bienfaisance et que vous n’aimez pas moins a être util comme homme privé que comme homme d’etat. J’ai l’honneur d’être avec le Plus Profond respect Monsieur, de votre excellence le très humble et très obt. serviteur

Lucas Despeintreaux

Pour Monsieur franklin
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