To [— Chardon?] (unpublished)
[c. 1782]
Projet de lettre à écrire à M. Chardon par M. Franklin ./.
Monsieur

La connoissance particuliere que j’ai de la bonne foi et de la neutralité du Sr. Andrews ne me permet pas de garder le Silence dans la conviction où je suis qu’il n’est coupable d’aucun des torts qu’on cherche à lui imputer pour repondre du louche sur sa conduite. Jamais le Sr. Andrews n’a commercé pour les Anglois, c’est un fait que j’ose vous attester, son bâtiment étoit en regle de maniere à devoir être respecté partout, et plus en regle même que l’on ne peut souvent se le promettre dans nos Isles par la difficulté d’y former les équipages. Toutes les objections que l’on fait au Sr. Andrews pour combattre la juste reclamation qu’il forme de son brigantin La Sally, ne sont relatives qu’au Capitaine Morth, et à quelques papiers que ce Capitaine avoit conservés de la Polly qu’il avoit précédemment commandé. Mais ce Capitaine étant Suedois, et conséquemment neutre, pouvoit quitter sans contredit le Service d’une puissance pour entrer au Service d’une autre puissance et surtout d’une puissance neutre. Et le Gouvernement de St. Eustache ayant reconnu que le capitaine Morth étoit habile à commander un bâtiment hollandois, de son brigantin à ce Capitaine. Il est d’ailleurs des circonstances dans lesquelles les Reglemens mêmes de la France autorisent à prendre des Anglois-mêmes pour commander un bâtiment, telles, par exemple, que celle de la mort d’un Capitaine; mais l’ancien Capitaine du Sr. Andrews l’ayant quitté, la nécessité où il a été d’en prendre un autre a été pour lui la même que si elle eût été occasionnée par la mort de son ancien Capitaine. Au surplus tout prouve que le Capitaine Morth est Suedois, sa declaration, ses lettres de naturalité ne peuvent rien laisser à désirer à cet égard, et les Srs. Salles ne rapportant aucune preuve du contraire, celle faite par le Sr. Andrews qui se trouve consignée dans des actes autentiques où la neutralité du Capitaine est attestée, ne me paroit pas pouvoir être combattue par la seule allégation des Srs. Salles parties intéressées. Quant aux papiers anglois trouvés dans la caisse qui renfermoit les effets du Capitaine Morth, et qui n’étoient relatifs qu’à La Polly, il est évident que ce ne peut être un prétexte de confiscation; 1o. Parcequ’il est constant que La Polly et La Sally sont deux bâtimens très differens; 2o. parceque ces papiers n’étant relatifs qu’à un autre bâtiment différent pour la longueur, la largeur, la construction, le chargement et l’équipage, il n’étoit pas possible de s’y méprendre et d’en tirer avantage pour la Sûreté de la navigation de la Polly; 3o. parceque le Sr. audessus ignoroit absolument l’existence de ces papiers à bord, et que l’on peut d’autant moins douter de son ignorance absolue à cet égard que muni des piéces émanées des Gouvernemens de Demerary et de St. Eustache, il n’avoit que faire d’autres papiers pour naviguer en sûreté tant dans les ports non assiégés et investis de la France et de l’angleterre même, que dans les ports de la hollande. on ne peut donc imputer au sr. Andrews ce fait personnel à son Capitaine fait qui d’ailleurs n’a pu rependre aucun nuage Sur la neutralité de ce Négociant, de son navire et de sa cargaison, officiers de l’amirauté du fort St. Pierre; Enfin la derniere objection que l’on propose comme Serieuse contre la reclamation du sr. Andrews, est qu’il paroit par la lettre d’un Sr. Texier que son navire a été acheté à halifax en 1779 mais comme la lettre d’un tiers non instruit ne peut préjudicier au sr. Andrews, sa dénégation seule suffit sans doute pour écarter un fait qui n’est justifié par aucune piéce probante. D’ailleurs la propriété neutre du brigantin La Sally étant constatée par différentes piéces trouvées à bord du bâtiment et notament par les passeports de Demerary et de St. Eustache le voeu du reglement de 1778 est accompli, ce reglement désirant seulement que la propriété neutre soit constatée par une des piéces de bord: au surplus, Monsieur, vous trouverez toutes les objections des Srs. Salles refutez sans repliques par la réponse à leur requête imprimée cijointe ainsi que par le mémoire à consulter et la consultation imprimée que j’ai également l’honneur de vous envoyer et j’espére que la lecture de ces deux ecrits portera dans votre ame la conviction qui existe dans la mienne, et déterminera le Succès de la reclamation du Sr. Andrews; succès que ses adversaires qui par des allégations audacieuses denuées de fondemens, en ont imposé aux premiers Juges, sont parvenus à éloigner; Succès en un mot que le Sr. Andrews attend depuis près de deux ans à Paris, mais que je me flatte qu’il obtiendra dans peu de votre justice et de vos lumieres.

J’ai l’honneur d’être etc.

Monsieur le Marquis
Le Sr. Andrews originaire de Boston ayant été forcé de quitter sa famille domiciliée à Demerary Colonie hollandoise, pour venir en France porter ses reclamations contre un jugement de l’Amirauté du fort St. Pierre de La Martinique, par lequel les officiers du Siége ont reconnu que ce négociant honnête étoit évidemment neutre, et ont néanmoins declaré de bonne prise son navire La Sally. Tous les prétextes qui ont servi de baze à cette confiscation sont refutés victorieusement par le mémoire à consulter et la consultation ci jointe, dont je vous supplie, Monsieur le Marquis, de vouloir bien vous faire rendre compte. Les piéces de bord justificatives de la neutralité du brigantin reclamé par le Sr. Andrews sont imprimée à la suite de cette consultation et ne laisseront rien à désirer à votre justice pour accorder la mainlevée de ce navire, avec des dommages et intérets proportionnés aux pertes que cet acte d’hostilité a occasionné au Sr. Andrews, négociant, dont la bonne foi m’est particulierement connue; et comme ce n’est que sur de soupçons qu’on cherche à le dépouiller j’ose vous attester la pureté de ses intentions, heureux si mon suffrage à cet égard peut concourir à lui faire rendre la justice qu’il demande et que je suis convaincu qui lui est due, connoissant la difficulté de se procurer à St. Eustache des équipages tels qu’on les désireroit, et voyant que celui du Sr. Andrews étoit peut être le plus en regle de ceux sortis de ce port depuis les hostilités.
638892 = 038-u477.html