Vous portez un coeur sensible; l’hommage que je me plais tant à vous Rendre est dicté par le mien. Capitaine commandant au corps des volontaires d’afrique, en garnison au Sénégal, j’avois obtenu un congé pour venir, en france retablir ma santé. A mon Retour, j’ay eu le Malheur d’avoir eté fait prisonier: mes malles et une pacotille assez precieuse, tout m’a eté pris, et je suis arrivé nud, comme un ver, au port de Kinsalle en irlande; je m’y etois assez bien requipé avec un peu d’or que j’avois sauvé, mais par une suite du malheur opiniâtre qui me poursuit, le batiment neutre sur lequ’el j’etois embarqué pour retourner en france à fait naufrage à une demie Lieue du havre de grace; j’ay encore tout perdû à cette seconde et malheureuse Epoque; j’ay sous mes yeux une fille de quinze ans, malheureusement trop jolie, dans la dure position ou je me trouve; logé dans un hotel garni, elle y est deplacée, et quoique très rassuré sur ses principes et sa vertu, je ne dois pas la quitter un seul instant. Le compagnon de ma detention en irlande, et de mon naufrage, au havre, aura l’honneur de vous presenter cette Lettre, si votre Excellence veut avoir la bonté de lui accorder un moment d’entretien, il vous dira qu’il y a peu d’hommes sur la terre aussi completement infortuné que moi.

Je suis avec un Respect infini, Monsieur, Votre trés humble et trés obeissant serviteur