Me serait-il permis de vous presenter l’énumeration et le
programme de mes premiers travaux en médecine fondamentale? Pour
méditer avec succès des choses abstraites et difficiles, j’ai mis
à profit toutes les circonstances de ma vie, j’ai multiplié mes
idées, j’ai comparé mes notions; et je suis parvenu à découvrir
des verités neuves, essentielles et primordiales. Pour les
communiquer, il ne me manquerait plus que de donner à mes
manuscrits l’ordre, la distribution, la forme didactique. Je me
livrerais à cette rédaction, si je me voyais encouragé. Mon
émulation est grande, mes dispositions sont heureuses; je serais
fortuné, Monsieur, si j’obtenais l’honneur de votre puissante
protection.
Mon objet est d’étudier à fond la nature humaine, de fixer les
idées sur le physique et sur le moral. Loin de moi la présomption!
Mais j’ai le gout et l’aptitude à rechercher les causes; et ce
n’est pas en moi chose ridicule, que de n’être satisfait d’aucune
science, tant que nous n’aurons pas remonté à quelque premier
principe.
Je suis avec le plus profond Respect, Messeigneurs! Votre très
humble et très obéissant serviteur
La matiere premiere, son caractere essentiel, les principes de
la formation des corps, et de leur densité.
Les causes de l’ignition. Combien de sortes de combustion sont à
distinguer. Ce que c’est que l’incinération.
La Symmétrie, la conformité, l’harmonie, la correspondance du
grand monde avec l’homme, les parties constituantes de l’animal.
D’ou proviennent aux êtres vivans leurs differentes formes.
Ce que c’est que le mouvement. Ce que c’est substantiellement
que l’ame, l’esprit vital.
Les causes du mouvement du coeur chez l’embrion. Ce qui fait la
perpétuité des mouvemens vitaux. Ce qui donne lieu aux mouvemens
volontaires.
L’ordre de la formation des parties du corps vivant. L’origine
du sang. Celle du cerveau. Les causes de l’ossification. Les
usages des nerfs et des os. Ceux du sang. Ceux du fluide nerveux.
Ce que c’est en soi que la sensibilité. Double distinction à
faire à ce sujet. Quelles sont ses causes, le méchanisme de la
douleur tant au physique qu’au moral. Comment la douleur et le
plaisir different l’une de l’autre. Pourquoi nous ne sentons pas
nos visceres. Comment ils different des organes soumis à la
volonté. Méchanisme général de toute sensation. Raison palpable et
naturelle de l’inégale subtilité des sens.
Les causes de la circulation. Le méchanisme et l’oeuvre de la
contraction et de la dilatation; du mouvement volontaire, et de
l’action unique. Comment il faut distinguer la force musculaire.
D’ou vient que les animaux peuvent se loco-mouvoir, et que les
végétaux ne le peuvent pas. Les divers points de comparaison entre
ces deux classes d’êtres.
Quel est l’ordre que suit la nutrition. Quel est le principe
réparateur. Double phénomène dans cette fonction.
Théorie du sommeil et de la veille. Leurs causes, leur tems,
leur siège et leurs effets. Maniere d’agir des narcotiques.
Solution du problême proposé, ou du défi fait aux médecins depuis
un siecle et demi par le sage et profond comédien Moliere: quare
opium facit dormire?
Le principe de la régénération des humeurs tant nutritives
qu’excrémentielles. Celui des sécrétions.
Quel est le sujet, quel est l’objet, quels sont les instrumens
de la volonté. D’ou vient que l’homme par son action méchanique ou
sa force impulsive a si peu de puissance. Les différens sièges de
l’ame vitale.
Le méchanisme général et le siège de la pensée. L’objet de la
métaphysique indiqué. Energie de l’homme et ses faiblesses, ses
facultés intellectuelles et sa concupiscence, clairement déduites
de son organisation.
Ce qui de la part de l’enfant nécessite la naissance. Ce qui
oblige le nouveau né a respirer. Les causes morales et physiques
qui bornent l’accroissement. Vertu génératrice appréciée.
Génération approfondie. Les causes de la longévité. Quel est par
rapport au corps le but, la fin, l’ouvrage de la vie. Ce que c’est
que la mort.
Cette connaissance des fonctions de la vie, des facultés de
l’homme, et des causes de la santé, m’a éclairé sur differentes
maladies, m’a fait trouver leurs causes essentielles et leur
reméde spécifique. Celui qui sçait d’ou dépendent la contraction
et la sensibilité, combat victorieusement les maladies soporeuses.
Quand on connait les loix de la chaleur animale, on guerit
infailliblement, avec promptitude, par une méthode simple et
commode les inflammations, les fluxions de poitrine et de
bas-ventre, les dyssenteries, les crudités, les acrimonies, les
putridités, et l’on se dispense de répandre le sang.
L’intelligence de deux fonctions donne le secret de traiter la
paralysie, l’hydropisie, la fièvre rouge, la mélancolie, l’atonie.
Qui a bien observé toutes les causes, tous les agens de la
respiration, sçait comment sont opprimés les submergés, les
asphyxiés, et comment ils doivent être secourus et rappellés. Le
Médecin instruit des principes de la nutrition et des operations
de la nature dans l’état de veille et de sommeil, sçait pourquoi
et comment l’obésité est quelquefois cause d’impuissance et de
stérilité; il saisit à coup sûr les moyens de corriger ce vice. Il
est le seul qui sçache quels sont en ce cas les spermatopées et
les instrumens nécessaires à la fécondité.