Un de nos interessés eut l’honneur en octobre dernier, de vous faire part de la creance que l’etat de Virginie a contracté envers nous, par l’entremise du Sr. Penet son agent. Vous eutes Exellence, la complaisance de luy donner une lettre de reccomandation, pour le gouverneur de cet etat; afin d’appuyer la justice de notre demande Nous vous supplions Exellence, d’en prendre une idée exacte, par le memoire cy inclus soumis a Votre examen. Dans l’attente du resultat de nos demarches dans le continent americain, ou l’un de nous va se rendre, et dans l’impossibilité de pouvoir soutenir plus longtemps l’ordre de nos payements, par ce defficit dans nos rentrées; nous avons recours a Votre Exellence, pour nous faire compter par le Sr Barclay nouvel agent de l’etat de Virginie, tous les montans, ou au moins bonne partie de notre creance sauf a luy produire nos titres, qui sont en regle. Votre Exellence en cela, consommera un acte de Justice et d’humanité en même temps, en acquittant une dette aussy legitime, et en conservant l’honneur d’une maison de commerce honneste, laquelle est prette a manquer [à] ses propres engagements, et a etre jettée dans l’infamie par un exés de confiance et de moderation envers cet etat.
Depuis quatre années notre Societé de commerce autant par enthousiasme, que par son industrie et son [ ] soutient la cause glorieuse de l’amerique, autant que ses facultés ont pû s’etendre; par des ventes a terme a tout americain; et nous nous trouvons exellence, dans l’instant même pour plus de quatre cent Milles Livres de dettes eparses, du nord au sud du continent americain, pour ventes de marchandises a Terme.
L’etat de Virginie vient de nommer Le Sr Barclay pour son agent en france, au lieu et place du Sr Penet, et cela sans pourvoir a notre remboursement! De quelle consideration seront en france de tels titres d’agents, si sans egards a la foy de leurs pouvoirs, ils manquent aux engagements qui en resultent; notre creance est a peu prés connüe dans touttes les villes de commerce; n’est-il pas raisonnable de croire, qu’aucun negociant n’osera courir les memes dangers, et traitter avec aucun agent?
Nous vous supplions Exellence, de nommer une commission, ou des arbitres, soit francais, soit americains, soit le sr Barclay luy même, pour depouiller nos titres de Creance; et d’apres leur examen et Verriffication, etre a même de nous payer un fort acompte, en attendant qu’on nous solde le capital. Votre Excellence ne fera que prevenir la Justice que nous avons lieu d’attendre de l’etat de Virginie luy meme, par ce procedé prealable; puisque ce payement doit nous etre fait en france, suivant les accords ecrits; et qu’il ne peut plus etre differé, sans un danger evident, de perdre notre etat et notre honneur.
D’aprés la consultation prise auprés de quelques jurisconsultes au parlement de Rennes, et sur le Vu de nos titres de creance, il a eté statué qu’ils etoient en bonne et düe forme, et que nous avions droit de faire saisir en france, touttes les proprietés de l’etat de Virginie notre vray debiteur, que nous pouvions former et exercer notre demande envers Le Sr Barclay son agent en france, et luy faire signiffier nos Sentences, et faire sequestrer les marchandises et effets qu’il a, ou peut recevoir du dit etat de Virginie? Mais cette demande répugne a notre caractere, elle seroit contradictoire avec notre conduitte anterieure envers l’etat, et nous prefferons luy donner une nouvelle preuve de menagemens et de défference, en soumettant a L’examen de Votre Exellence, notre droit, nos moyens, nos Griefs, et notre Situation; et de suspendre toutte demarche juridique, jusqu’a votre dècision sur notre juste demande.
Nous vous prions exellence de prendre cette lettre en consideration, et nous honorer d’une Reponse qui puisse calmer les peines cruelles que nous supportons, et que nous attendrons avec impatience.
Nous avons L’honneur d’etre avec respect, Exellence, Vos tres humbles et tres obeissants serviteurs