From Charles-Guillaume-Frédéric Dumas (unpublished)
La Haie 29e Nov. 1785

Ce que j’ai éprouvé, Monsieur, en recevant la Lettre d’adieu que vous avez bien voulu m’écrire en date du 10 Juillet, est plus facile à sentir qu’à exprimer. Je n’ai cessé depuis de réciter l’oraison d’Horace pour le précieux Dépot confié à l’Océan. Mes voeux sont exaucés J’apprends de bonne part que vous êyes arrivé heureusement, que votre santé, loin de souffrir du voyage, s’est fortifiée, et que vous avez trouvé dans les coeurs de tous vos Concitoyens les sentimens d’amour, de reconnoissance et de vénération qu’ils vous doivent à si juste titre.

Je suis sensible comme je le dois à la bonté que vous voulez bien avoir, Monsieur, de faire penser enfin le Congrès à mon existence tant politique que physique ici. L’une et l’autre souffrent grandement de l’insouciance dont je suis, je ne sais pourquoi, depuis si longtemps l’objet: et, pour tout dire, les Etats-Unis-mêmes en souffrent aussi dans l’opinion publique. Le triple caractère que Vous daignez assigner à mes services me console en attendant; et les marques de l’attention du Congrès me flatteront d’autant plus, et me feront effectivement d’autant plus d’honneur, que je les devrai à votre suffrage, au suffrage de celui qui conseilla au Congrès de faire l’épreuve de ma fidélité, de mon zele, et de ma persévérance.

Depuis le départ de V.E. il s’est frappé deux grands chocs en Europe: la paix avec l’Empereur, et l’Alliance de cette Rep. avec la France. J’ai intimement coopéré à l’une et à l’autre; et j’ai de cela des témoins trop irrécusables tant en France qu’ici, pour ne pas oser m’en vanter discretement.

Je suis on ne peut mieux avec Mr. De Verac Ambassadeur de france ici, et avec Mr. De Maillebois, qui m’a chargé de vous faire ses meilleurs complimens. J’espere de pouvoir lui rendre de grands services par mes amis; et si je réussis, j’aurai la joie d’avoir servi un homme du plus grand mérite, et qui est votre ancien ami.

Ce n’est pas tout. Dans peu je vous enverrai un monument, tel qu’ils devroient tous être, à l’honneur d’un autre grand homme de vos amis. La chose est encore un secret entre 3 personnes, y compté votre serviteur, se moule sous mes yeux, ne peut se nommer qu’au moment de sa publication, et vous serez le premier à qui elle fera plaisir en Amérique. Puisse-je, après avoir posé ma dépouille terrestre, papillonner où vous planerez avec lui. De votre Excellence le très-humble et très-obéissant serviteur

C w f Dumas

Le caractere, Monsieur, de Résident sous lequel le Congrès m’accréditeroit auprès de L.H.P., avec un traitement sortable, suffiroit, ce semble, à tous les besoins actuels que les Etats-Unis peuvent avoir ici d’un Ministre, et les dispenseroit d’en envoyer de longtemps un qui coûteroit le double sans aucune nécessité.
A Son Exce. Mr. B. Franklin.
Endorsed: Dumas 1785
642646 = 043-u575.html