From François-Léonard-Pierre-Auguste Tissot (unpublished)
Genève le 28 Juillet 1777
Monsieur,

J’ai l’honneur de vous envoyer ci inclus un petit papier pour vous et Monsieur le Chevalier que j’assure de mon obéissance quoique sans avoir l’advantage de le connoitre que par la juste réputation que vous êtes acquise tous deux et mérité si bien.

Vous m’obligerés beaucoup Monsieur, de me faire sçavoir le plustot possible votre intention, a cause de certains arrangements que j’ai a prendre et d’être persuadé de la considération distinguée avec la quelle j’ai l’honneur d’être, Monsieur, Votre très humble et très obéissant serviteur

Tissot Grenus Collonel

J’ai été très mortifié Messieurs, qu’à mon départ de votre Ville, qui fut précipité par la maladie de ma femme qu’il me fallut rejoindre, mes petits ouvrages n’aÿent pas été prets, m’étant proposé d’avoir l’honneur de vous les offrir, comme j’en avois prevenu, mon bon amy le Chevalier G: actuellement a A:

Les graveurs viénent seulement de finir les Planches et ma bourse ne me permet pas de faire le voyage. Voici ce dont il est quéstion.

Un Cahier d’évolutions militaires, auquel j’adjouterai derriére chaque Planche, pour ne pas grossir le Volume, la manière brève et sure d’en faire usage.

Mon nouveau Systeme de fortifications en quatre grandes Planches, avec les Profils et le manuscrit.

Mon manuscrit sur toutes les parties du Militaire en géneral et les diverses positions d’une armée ou d’un corps en tous genres, soit paix, guerre, siège, campement, marche, attaque, retraite, retranchement, postes, fourage, vivre, police, subordination, équipages etc. et douze grandes Planches tirées de divers autheurs et commentées.

Ces deux derniers seroient reliés en un Vol: º de ¾ de pouce d’epais et celui d’évolutions militaires en un autre cahier de ¼ de pouce d’épais.

Cela feroit donc deux trés petits volumes in 8% que chaque officier devroit suivant moy avoir constamment en poche, ou dans son petit coffre, pour se les rendre familiers et n’être embarrassés dans aucuns cas quelconques, ou il auroit pû avoir oublié quelque chose, osant assurer, que tout officier, ou cadet, qui n’aura jamais servi, ou rien appris, trouvera la dedans tout ce qui est nécéssaire a son métier; il ne faut que du bon sens pour les comprendre.

Depuis “28” ans que je suis dans le Militaire, agé de “44” Aÿant aussi eü l’honneur, de lever il y a “17” ans, dresser, commander et mener au feü un corps de “400” hommes et de recevoir des blessures dont une a travers le corps; j’ai appris de mon mieux la théorie de mon métier, dans les Autheurs les plus éstimés, aÿant eü dès mon enfance un gout décide pour cet état, avec une forte constitution et une habitude continue, au travail et a la fatigue. Si bien que si je n’étois pas marié, je me ferois une gloire et un plaisir d’offrir mes petits services, a une aussi belle cause que la votre, qui est en de si bonnes mains; etant de plus accoutumé aux longs voyages sur mer, par un séjour que j’ai fait aux Indes Orientales, parlant aussi q[uel]ques langues vivantes.

Par contre Méssieurs, j’ai l’honneur de vous offrir, (moyennant le silence entre gens d’honneurs) que vous me fassiez tenir cent Louis par la Personne qui vous remettra ceci, dont “15” pour mon voyage d’aller vous joindre “15” pour mon retour et “70” pour un séjour de deux mois, que je pense nécéssaire soit a vous faire éxaminer l’ouvrage, soit a en faire tirer une première épreüve sous mes yeux. Et alors je partirai a la minute.

Si le tout vous convient, je vous remettrai les planches et les Manuscrits, pour la somme dont nous conviendrons aisément a nous trois et s’il ne vous convient pas, vous aurés sacrifié cent Louis et moy ma peine de voyage, mon temps, l’absence de mon ménage et quelques petits extra fraix; par contre je serois flaté de l’honneur et de l’advantage de vous entretenir.

Je suis honteux Méssieurs, de devoir parler d’argent, mais quarante mille écus, que les Banqueroutiers et les actions de la Comp[agni]e Angloise m’ont fait perdre; une somme assés forte pour moy que j’étois allé retirer à P: mais que des procés me disputent, l’argent que j’ai dépensé a cet effect et d’autres circonstances, m’ont mis si a l’étroit, que je ne puis soutenir, relativement a l’intéret ma façon de penser, quoiqu’il m’en coute.

Le temps de deux mois que je serois vers vous, seroit plus que suffisant pour que vous fissiés traduire le tout.

En supposant “120” Bat[aill]ons a 30 officiers chacun cela feroit 3600 et a peü près autant de cadets ou pour distribuer aux milices dans les Provinces, ce seroit dans mon idée environ 7 mille éxemplaires des évolutions et 7 mille du génie et du militaire que votre gouvernement remettroit a chacun, soit en don soit en retenue de Paÿe; ce sera si peü de chose.

Endorsed: Tissot Gremes etc. 28. Juillet 1777
628238 = 024-369d001.html