[after November 26, 1780] Un de mes amis exige absolument, et assés indiscretement que je vous recommande, un M. de neuville officier qui a servi, avec distinction, dans le regiment de champagne, pour passer chés les insurgens. J'ai eu beau dire a cet ami, que ma recommandation serait indiscrete, et inutile, y ayant fort longtemps que je ne vous ai vu, que je croyais même que vous etiés personnellement dans le cas de la reserve pour ces sortes de recommandations, que l'on n'avait point été content des officiers francais qui avaient passé la bas; il n'en a pas moins exigé que j'eusse l'honneur de vous ecrire a ce sujet. D'après tout cela ce n'est point une recommandation que je vous fais, mais si comme me l'a asseuré cet ami M. de rochambeau demande des secours, et que vous soyés dans le cas d'avoir besoin d'hommes, je puis vous dire avec verité, que ce M. de neuville est certainement un trés brave homme, que l'ami qui me le recommande est un M. de geoffre, colonel tres connu lui même pour des actions d'eclat, que M. le Mal de broglie prend interêst a M. de neuville, et que s'il etait dans le cas de partir il aurait certainement la croix de St louis avant. Ajoutés a tout cela ce qui vaut bien autant, pour votre coeur philosophe, et pour le mien, qu'il n'a rien, c'est a dire six cent francs de pension en tout, pour lui et quatre petits enfans; il est dur avec cela de lui refuser d'aller se faire tuer, en tuant d'autres, le tout pour gagner de quoi Vivre, puisque cela est si generalement reçu, qu'il est presque choquant de parler avec l'ombre d'un doute, de ce qui est bien reellement l'excés de l'absurdité. Encore faut-il compter sur vos bontés, et sur votre silence, pour oser vous le dire. Je finirai si vous voulés avec tous les compliments que je vous dois qui sont moins que la juste veneration avec laquelle j'ai l'honneur d'etre votre très humble et très obeissant serviteur./.