From Henri Coder (unpublished)
Note pour Monsieur le Docteur francklin.

Mon parti est bien pris d’aller passer mes Jours en Amerique Je pars a cet effet pour Le Languedoc, y vendre mon patrimoine et en acheter des Marchandises dont on a le plus besoin en amerique. Je suplie Monsieur Le Docteur d’avoir la Bonté de permetre que je lui demande des Eclaircissemens a cet egard et que j’adresse a ses correspondants a Nantes ou Bordeaux dans le Mois de Septembre prochain mes Pacquets pour etre Envoyés sur trois vaisseaux en amerique a des personnes sures qui me remetront a mon arrivée les effets qu’ils auront reçus pour mon compte, oû le montant de ce qu’ils les auroient vendüs. Je compte m’embarquer pour St. Domingue dans le mois d’octobre prochain. d’ou je me rendray à Charlestown avec un chargement de sucre et caffé, comme nous en sommes convenus avec mon frere qui a le moyen de faire cette expedition et qui est aussi determiné que moi a sacrifier sa vie et sa fortune pour la defense de votre cause et de vivre et mourir avec des hommes vertueux et libres.

Je dois vous prevenir que vos anciens fournisseurs pour se disculper en partie des justes et vifs reproches que le public ne cesse de leur faire sur la defectuosité de toutes les fournitures qu’ils ont envoyé en Amerique, publient qu’elles sont encore trop bonnes, en proportion des mauvais Effets qu’ils ont reçu en Payement. Ces effrontés fripons, toujours protegés font l’impossible pour vous enlever la confiance publique et sur tout celle du commerce. J’ose pour tant vous assurer que si vous etes forcé de continuer a vous fournir en france, vous aurés lieu de vous louér de la probité des fabriquants de province sur tout de ceux du Languedoc dont les Draps sont reputés etre les meilleurs pour les Troupes, et qu’en traitant directement avec eux, ils vous fourniront au plus juste prix de bons Draps, et toutes les Matieres propres a l’habillement, equipement et armement, et vous donneront toutes les facilités possibles pour les payements.

Tant que mes affaires me retiendront en Languedoc, je m’occuperay avec plaisir et sans interest a executer vos ordres, si vous m’en donnés, où a accompagner dans les Manufactures les personnes qui viendront me trouver de votre part. Vous conviendrez Monsieur le Docteur que des hommes qui font un commerce honnete, qui vivent dans l’aisance a cent cinquante Lieuës de la capitale qu’ils ne connoissent pas, qui sont occupés a faire fabriquer les Matieres dont vous avés besoin, qui sont Jaloux de leur reputation et d’avoir de bons Draps, sont plus propres a faire des fournitures qu’une Troupe d’intriguants qui n’ont d’autres connoissances que celles de sçavoir bien vous piller et espionér.

Envoyés un Americain de confiance a Pezenas durant le sejour que j’y feray et je vous convaincray par des faits de la verité et de l’utilité de mon Exposé. Je vous assure que les fabriquans avec lesquels vous serés dans le cas de traiter directement vous donneront toutes les facilités possibles pour les payemens et que c’est le seul moyen d’etre bien fourni et a bon marché, et de faire echouer le projet de vos anciens fournisseurs qui est de degouter tout le monde de vous fournir afin de conserver le privilege exclusif de vous vendre au poids de l’or le rebut de toutes les manufactures, magazins et friperies.

Si vous m’aviés donné une fourniture considerable après l’essai des treize cens uniformes, mon projét etoit d’aller dans toutes les villes du Royaume reputées pour avoir les meilleures manufactures des Draps et autres Matieres propres a la fourniture et de traiter avec chaque fabriquant pour la quantité d’uniformes qu’il auroit pu me faire dans un tems limité; par ce moyen je serois venu a bout de livrér en peu de tems telle quantité d’uniformes, equipement, armement qu’on m’auroit demandé, et tous les fabriquans dans les differens genres ayant connoissance qu’ils etoient plusieurs a faire la meme fourniture auroient employé a l’envy les uns des autres ce qu’ils avoient de mieux dans leurs Manufactures, par ce moyen vos Troupes auroient eté en tout mieux fournies que celles du Royaume et a meilleur marché. Je souhaite de tout mon coeur par le tendre et vif interest que je prens aux americains et a Monsieur le Docteur en particulier qu’il suive cette forme a l’avenir.

De Codere ancien Capitaine d’infanterie a Pezenas En Bas Languedoc

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