From — Denans (unpublished)
La Seine le 16 may 1783
Monsieur

La nation française a montré toute la part quelle Prennait en Général, au traité de Commerçe et d’amitié, que la françe a fait avec les etats unis, une Paix honnorable avec la puissance qui seule Pouvoit troubler ce traité, l’ayant cimentè D’une maniere solide, il ne s’agit plus que de lexecuter, et de recueillir les avantages quil presente aux deux nations.

Cest donc icy le moment où le sujet du roy, et le citoyen semblent etre authorisés a faire eclater leur zele Dans la recherche de tout ce qui pourra concourir a la Perfection d’un ouvrage qui caracterise la sagesse et le Genie vaste des hommes illustres qui president aux Conseils des deux Gouvernements.

Cette Execution D’aprés le traité même nest pas exempte des dificultés que la speculation la plus exacte ne scaurait toujours prevoir. Cest Lidèe que je m’en suis formé, Lorsqu’après avoir parcouru l’article de ce traite20, qui accorde aux Etats unis, l’établissement d’un ou de deux ports francs en Europe, jay eté instruit des reclamations des habitants de differentes villes de la mediterranèe, qui ne consultant qu’un interet particulier, voudroient attirer cet Etablissement chés eux.

Mon jugement peut etre l’effet d’une erreur involontaire, mais l’amour national, et le zele patriotique qui minspirent, me rassurent, et me justifient d’avance.

Cest a vous Monsieur que j’ay l’honneur de madresser. Cette Liberté, n’est que l’usage du droit que vous avés si legitimement acquis a la confiance de tous les francais, par la maniere Distinguèe avec laqu’elle vous avés deja justifiè la confiance que vous avoit donné votre nation, dans les negociations honnorables et dificilles dont elle vous avoit chargé, et Dont vous vous etes si dignement acquitté.

Daignés Monsieur par-donner a cette Liberté, et ecouter ma proposition.

Il faut aux Etats unis Deux ports francs en Europe: un Dans l’occean, et l’autre dans la mediterranée.

Si le choix de ces ports ne doit pas etre une chose indifferente l’operation quil exige, n’en est pas aussi trop facile.

La connoissance parfaite des veritables et solides motifs qui doivent decider les etats unis, a preferer un Port a un autre, quoique toute simple, devient cependant un objet de dificille discution, depuis que linteret particulier des differentes villes qui sont jalouses de se procurer cet etablissement, Leur a inspiré des raisons et des moyens pour y parvenir.

Dans ces circonstances, outre les raisons de soumission et de respect, qui semblent interdire aux sujets du roy de Penetrer dans les operations du Gouvernement, en leur faisant un devoir de respecter les Lumieres superieures, et les vues justes qui dirigent les conseils du roy, ma confiance que cet Etablissement ne Pouvoit etre fait que dans le Bourg de la Seine me rassuroit entierement contre les demarches et les pretentions que les habitants des autres villes Pouvoient faire.

Javois Pour garant de cette confiance la connoissance Parfaite que prirent du port et du local de la Seine MM. Deane et autres membres du Congrès dans leur Passage a la Seine où ils logerent par preferance a Toulon en revenant de Paris pour retourner a Boston. 2º Les connoissances locales que Monsieur le Comte Destaing en a egalement prises en y venant deux fois sous lincognito. 3º Le projet dagrandissement du dit port pour létablissement dun grand commerçe que Mr. le commandeur de Glandeves remit au Ministre de la marine en 1777. 4º Les anciens plans que feu Mr. de Vauban en avoit fait et remis a la cour.

Et enfin l’utilité considerable que létat retireroit de l’agrandissement quun plus grand commerce donneroit a un pays qui fournit deja a Letat, et a l’arcenal de Toulon une quantité considerable de marins et d’ouvriers de la premiere classe dans tous les genres. Je disois en moy même les avantages imaginaires de Cettes, La ciotat, antibes et meme de toutes les autres villes de la Mediterranèe, ne peuvent point militter contre ceux que presentent reellement le port et le bourg de la Seine, puisque toutes ces villes n’ont pour elles le moindre des avantages que cet etablissement trouveroit a la Seine relativement a la facillité du commerçe et elles ont toutes contr’elles la situation dangereuse de leurs rades et de leurs ports qui fournissent tous les jours de tristes preuves de nouveaux malheurs (?). Mais comme un bon citoyen se rassure dificillement sur les causes majeures qui l’environnent, j’ay craint que mon silence dans ce moment essentiel, ne m’accusât d’une trop grande indifference sur un objet qui interesse tout a la fois et si essentiellement létat, ses alliés, et ma patrie. Jay cru pouvoir, et devoir meme rompre ce silence pour avoir l’honneur de vous exposer tous les avantages que le port de la Seine ma patrie presente, a la france, et aux Etats unis, pour se decider a y fixer Letablissement de ce port franc et où jose meme dire que tout se trouve reuni pour luy accorder la preferance, exclusivement a toute autre ville de la mediterranèe.

La Siene est un Bourg tres important placé dans la baye de toulon et au couchant de cette ville. La nature et l’art semblent setre reunis pour ne faire de cette Baye immense qu’un seul port et le plus sur que l’on connoisse et dont l’entrée ne sauroit etre ni plus facile, ni moins dangereuse.

Les fortifications considerables qui defendent toulon cette ville superbe qui nous offre les plus beaux monuments de la puissance d’un roy, defendent egallement la rade, le port, et le Bourg de la Seine, de sorte que ce pays devenû par sa seule situation une des places les plus fortes du royaume, pouvant etre abordé dans tous les tems sans Danger offre un azille assure aux navigateurs et contre les orages, et contre les incursions des ennemis de l’etat.

Son port et ses chantiers deja considerables sont encore susceptibles dun agrandissement aussi etendu qu’on pourroit le desirer et sans depense, parce que suivant le plan des projets d’agrandissement que la Cour connoit, toute depense seroit amplement payee par la valleur du terrein pretieux qui se formeroit des jettèes que lon fairoit au moyen du creusage dans la mer.

Ce bourg reunit encore aux productions importantes du vin de la premiere qualité que lon recuille dans son terroir, l’avantage detre placè au centre de toutes les productions de la province et de toute sorte de fabrication de tous les objets propres au commerce dans toutes les parties du monde et par consequent et par la même raison il est au centre et a portèe de toutes les villes propres a la consommation de tous les objets et marchandises que les differentes parties du monde donnent en echange de celles quon leur porte et lon peut ajouter encore, quil est aussi facille et aussi court daborder au port de la Seine, en venant des provinces les plus eloignées quil le seroit daborder a tout autre port.

Sous ce point de Vüe, de tous les tems, et plus encore aujourdhuy La Seine a eté considerèe comme un pays succeptible de former une des premieres villes du royaume.

Les avantages de sa situation que jay lhonneur de vous exposer, et toutes les raisons d’utilite que ce pays presentoit a letat, n’avoient pas echapé a des hommes eclairés, mais leurs projets avoient eté retardès ou traversès par des circonstances dont on n’est pas toujours instruit.

Il faut croire quil est des tems marqués pour les grands evenements et que ces tems semblent etre arrivés avec le regne du meilleur des roys quand on considere tant de grandes choses que notre jeune monarque a deja faites.

Si le traitè de commerçe et d’amitié avec les Etats unis peut compter parmi les grandes choses l’etablissement du port franc destinè aux Etats unis, fixé a la Seine ne seroit pas moins dans le cas detre considere comme un evenement heureux, propre a remplir les vues et les interets des deux nations, et digne de la bienfaisance du monarque qui nous gouverne.

Si mes foibles Lumieres ne peuvent rien ajouter aux connoissances que vous aviés deja Monsieur sur les objets dont jay pris la liberté de vous entretenir, veuilles bien du moins ne pas meconnoitre dans le zele le plus pur qui me dirige le desir ardent que jaurois de meriter votre confiance et de vous prouver mon profond respect.

Jay lhonneur detre Monsieur Votre tres humble et tres obeissant serviteur

Denans
avocat en parlement
Endorsed: answd. May 30
639684 = 039-u488.html