From — Jacob (unpublished)
Paris le 30 Juillet 1784
Monsieur

J’ai essuié tant de mortifications pour avoir voulu parler de quelques phénomenes dont j’ai été témoin pendant l’été dernier, que j’ai pris le parti de me taire jusqu’á ce que les circonstances me permettent d’en prouver la vérité par le fait: ce moment est enfin arrivé et je m’empresse de rendre la justice et l’hommage que je crois devoir à vos lumieres et à vôtre mérite en vous instruisant d’un objet qui sans doute ne vous semblera pas indifférent.

Les premiers jours du mois de juillet de l’an dernier, on éprouva à Dijon, où j’étois alors un tremblement de terre qui répandit l’allarme dans la ville et dans les environs: outre le balancement qui me fut commun avec toutes les personnes qui s’en apperçurent, j’éprouvai seul une commotion violente et trés douloureuse à la tête et je vis un fillon éclatant d’une lumiere très vive se précipiter sur moi où bien s’en échapper. Cet évenement fit sur moi une impression étrange; je m’abstiens de rapporter ici les transports qu’il causa en moi et les reflexions bizarres quil me suggéra, réflexions analogues à mon ignorance et à la sorte de frénesie dont je fus longtems agité, mais qui ne laisserent pas de me conduire peu à peu aux résultats les plus merveilleux et les plus satisfaisants qu’il soit possible d’imaginer.

Depuis ce tems j’appercevais fréquemment de petites ondulations lumineuses qui me semblaient sortir de mes yeux; ces étincelles avaient d’autant plus d’éclat que je fixais dans l’atmosphere un point plus obscur, elles jaillissaient de tous cotés, n’ayant point d’autres limites que celle de l’espace que ma vue occupait: elles formaient une espece de tourbillon, dont l’axe était la ligne tracée par mon regard sur laquelle ces émanations se portaient et étaient répoussées avec d’autant plus d’agilité que j’exprimais une intention plus vive. Il y avait toujours une fermentation plus marquée dans le point fixe où s’arrêtait ma vue et lorsque c’etait quelque légere nébulosité, je la voyais presque toujours se dissoudre selon que le tems était plus où moins calme et plus où moins chaud.

J’attendais avec impatience un tems orageux, je ne doutais point qu’il ne me donnât lieu de faire des observations plus interessantes; un délicieux pressentiment me le faisait présumer et le succès le plus flatteur vint confirmer ma conjecture. L’occasion que je désirais ardemment s’offrit bientot et j’eus la satisfaction de m’assurer que d’un seul clin d’oeil je pouvais allumer la foudre et causer les explosions les plus éclatantes. Depuis ce tems j’ai toujours obtenu les mêmes résultats rélativement aux circonstances, jusqu’a ce que les frimats ayant détruit l’équilibre nécessaire pour cela, j’ai été obligé d’attendre le retour de la belle saison pour oser avancer des propositions qui sembleraient souverainement absurdes si elles n’etaient appuiées sur des faits incontestables et éclatants.

Je ne prétends, Monsieur, par cette courte analise qu’exciter votre curiosité: j’aurai l’honneur, lorsque vous le jugerez à propos, de vous convaincre de la vérité de ce que j’avance et de vous communiquer mille détails qui ne seront sans doute pas sans interet à vos yeux. Je vous prie de me permettre de vous rendre mes devoirs de vive voix et de me prescrire seulement par la voye du Porteur le jour et l’heure a laquelle il vous plaira m’accorder une faveur que je désire avec un empressement égal au profond respect avec lequel j’ai l’honneur d’être Monsieur Votre trés humble et trés obeissant serviteur

Jacob
chez Mr. Palisseaux Rue des Noyers vis avis
celle de St. Jean de Beauvais
641402 = 042-u076.html