From Duc de Villequier (unpublished)
a Courteilles ce 23 7bre 1779

Ne me trouverés vous pas bien indiscret, Monsieur, n’étant point connu de vous, de chercher a detourner votre attention, des grandes et importantes affaires dont vous êtes chargé, pour La fixer un instant, sur un objet qui m’est personel. La discretion m’arrête depuis longtemps; une Reflexion me determine enfin. J’ai pensé qu’ayant employé au bien de l’humanité le fruit d’une partie de vos travaux, vous ne dedaigneriés pas de m’eclairer, par le même motif, sur une matiere, sur laquelle vous avés repandu un si grand jour.

Graces a vos lumieres, Monsieur, l’utilité des conducteurs pour preserver de la foundre, est je crois generalement reconnue par tous ceux qui s’occupent un peu de Phisique: mais Les Phisiciens ne s’accordent pas, sur la maniere de les construire, et sur les precautions a prendre. Je desire en faire placer sur un chateau que j’ai en Picardie, et sur ma maison a Paris. Plusieurs raisons m’engagent a prendre ce parti, si des obstacles qui ne dependent pas de moi, n’empêche pas l’etablissement de ces derniers conducteurs. Je n’ai point peur du tonnerre, que je regarde comme un danger fort incertain; mais je desire autant qu’il sera en moi, de preserver de ses effets, tout rares qu’ils sont, ma belle mere, ma femme, mes enfants, enfin tout ce qui habite chez moi. J’etends plus loin mes desirs. Je voudrois que mon exemple pût être suivi par d’autres, et qu’un faux prejugé, ou une negligence si condamnable, quand il s’agit de la vie des hommes, cedât enfin aux Lumieres de La raison, et a L’humanité. Pour Parvenir a ce but, vous savés combien il faut apporter de precautions, pour que les ~y2 experiences ne soient pas sujettes a aucun accident. On attribue a la chose même, ce qui n’hest souvent, que l’effet de la negligence, ou de l’indiscretion. Combien la mort de Mr Richmann, n’a t’elle pas retardé les progrés des conducteurs.

Vos ouvrages paroitroient sans doute suffisants, Monsieur, pour determiner la forme la plus favorable, a leur donner; mais les discussions multipliées qui se sont elevées entre les Phisiciens, de tous les pays, Les reflexions que vous avés pû faire depuis l’impression de vos ouvrages, les experiences même qui ont été faites, soit par vous même, soit par D’autres, peuvent peutêtre vous faire desirer des changements, dans la construction des nouveaux conducteurs. Jai rassemblé par ecrit a mi marge, quelques questions, qui se sont presentées a mon esprit, ou qui m’ont été suggerées par la lecture de differents memoires sur cet objet. Oserois je vous prier dans vos moments perdus, si tant est que vous en ayés, d’y jetter un coup d’oeil, et de vouloir bien y repondre. Vous y trouverés sans doute, des questions qui vous feront juger mon peu de connoissance sur cette matiere. Porté par mon gout a l’etude de La Phisique, mais toujours entrainé par d’autres occupations, il n’y a pas un an que je peux m’appliquer un peu de suite, et serieusement, a cette Science si interessante. Vous jugerés aisement, qu’a peine suis je sorti des elements.

Pardon une seconde fois, Monsieur, de mon indiscretion. L’esprit rempli du plus vaste des projets, occupé d’achever de rendre a ~y3 votre patrie, une liberté solide, et constante, Les details dans lesquels j’entre, et que l’etendue de vos lumieres, vous feront regarder comme minutieux, n’auront pas même l’avantage de vous procurer un instant de distraction interessante. Il faut autant compter sur vôtre indulgence, et sur le desir de faire Le bien, pour risquer cette demarche vis a vis de vous. Sentir comme je fais, combien elle est hazardée, c’est vous assurer d’avance, Monsieur, de l’étendue de ma reconnoissance. Je desirerois bien pouvoir saisir une occasion, de vous en donner des preuves, et des sentiments si merités, que vous m’avés inspiré, en reunissant les qualités de cytoyen zélé et eclairé, de politique habile, et de genie profond, dans une science egalement utile, et difficile quand il s’agit de devoiler les secrets de la nature.

J’ai l’honneur d’etre três parfaitement, Monsieur, Vôtre três humble, et três obeissant serviteur

Le Duc de Villequier

Comme je dois partir incessament d’ici, Monsieur, et que je compte être bientot a ma campagne, oserois je vous prier, si vos occupations vous permettent de jetter un coup d’oeil sur le papier cy joint, de m’adresser vôtre reponse, chez moi a Paris, rue des Capucines. On saura ou je serai alors, et on me la fera passer.
Endorsed: Duc de Villequier 23 Sept. 79 Ans’d.
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