From —, Abbé d’Amblé (unpublished)
La claireau ce 30. 9bre 1778.
Monsieur!

La Douceur De la paix, qui jusqu’a ces jours a regné Dans votre patrie, m’engage, Lors meme quelle se trouve en guerre avec cette maitraisse altiere qui vouloit La reduire en esclavage, a Lui offrir mes plus humbles serviçes; voici comment. Habitué Depuis longtems et comme elevé avec ce dur et pretieux métal, qui Dans une main fertilise les plus riches contrées avec le germe De la vie, Dans une autre fait nager la mort sur Des ruisseaux De sang, je Le connois au point de pouvoir présider avec avantage a sa fabriquation, De conduire ses manufactures, De les construire et meme De les perfectionner a un certain point.

Actuellement au service De Mr. Le comte De Brieÿ a La claireau tous les jour je le vois fabriquer: ce qui m’en enchante le plus, c’est qu’il est Destiné contre vos ennemis. Puissent-ils s’en rassasier! jusqu’a vous rendre le calme, que l’air natal vous inspire. Puissent-ils en regorger! jusqu’a etre forcé De rendre la paix a ces Doux lieux ou elle sembloit Depuis la création Du nouveau monde avoir fixé son siege. Mes voeux seront accomplis, si le fer que je vois forger peut etre si avantageusement emploié. Permettez cette Digression: elle vient Du zele qui m’attache a vous et a votre patrie. Je reviens.

La claireau et Gerehivé situés Dans Le Luxembourg sont les Deux forges, qui fournissent les manufactures de charleville, De maubeuge et tous les arsenaux francois voisins De cette province. Les entrepreneurs francois et fort entendus tirent leur mines de st. paneré en france, pour les faire consommer dans le Luxembourg ou le bois est a tres bon compte: au sortir Des forges Leurs fers regagnent ou les arsenaux francois ou les manufactures D’armes. De tous les trois vous avez egalement besoin Dans vos etats. Et tandis que toute cette province est occupée a forger Des armes contre vos ennemis, je voudrois vous voir trouver ces forces Dans le sein de votre patrie. Les circonstances excuzent pour le present, que vous cherchiez votre salut Dans l’industrie des etrangers, mais aussi tachez en meme tems D’ourdire la trame, qui doit affermir vos états et vous Degager D’un poid tres onereux, avec le calme Doivent naitre chez vous De bonnes forges bien montées, Des manufactures D’armes et Des arsenaux.

Tout le monde connoit les antraves Du gouvernement anglois, qui n’a accordé que fort tard a ses colonies D’exploiter grossierement les mines De fer et jamais la liberté D’en tirer partie pour tout autre usage, ce qui me fait presumer que cette branche De commerce est restée Dans un etat De Langeur D’autant plus grand que La metropole etoit plus interressée a l’ÿ tenire assujettie.

Mais Depuis que l’etendart De la liberté est arboré sur votre continent, un des premiers soin De votre gouvernement tendera sans Doute a animer votre forgerie et toutes les manufactures qui en dependent. La liberté pour se soutenir constamment Demande Des armes pour en imposer a ses ennemis, et pour se faire respecter De ses alliés. Les fertilles provinces De votre continent qui restent encore a defricher exigent Des socs, Des haches et Des pioches, et votre marine Des ancres. Tous ces avantages vous les puissez allieurs. Vous les ferez sortir De la terre que vous habitez! Vous savez combien elle peut etre ingrate.

Les mines, les bois, les eaux ÿ abondent! Il n’ÿ manque que des bras qui sachent les manier. Le luxembourg province unique pour son peu D’etenduë, ou le concours De ces matieres soit en tres grande abondance vous fournira Des ouvriers qui ÿ fourmillent pourvu toutefois qu’ils ÿ trouvent leur compte. Un certain Domaine qu’ils appellent proprieté, une certaine valeur, qu’ils appellent salaire, attachés a leur travail, leur feront abandonner leur terre natale pour se fixer chez vous après leur avoir fait valoir tous ces avantages que les Deux tiers n’ont pas.

Des charbonniers, Des mineurs, Des fondeurs, Des affineurs, Des martelleurs, Des platineurs, Des fendeurs, Des bons macons, D’excellents charpentiers pour la construction Des usines, voila a peu pré tout les maitres qu’il faut, pour mettre Le fer D’une bonne nature en etat De passer Dans les manufactures soit D’armes ou autres et avec avantage Dans le commerce. Voila aussi a peu pré les hommes qu’il faudroit engager a quitter leur climat natal pour les transplanter avec leur art Dans votre patrie. Je [veux] dire en pensilvanie: cette province ou l’on trouve avec abondance toutes les matieres premieres De la forgerie jointes a la fertilité Du sol et a la salubrité De l’air me paroit Demander De preference Des ouvriers habitués Depuis leur plus tendre enfance a tous ces avantages.

Dans biens Des partie De votre continent a portée D’une riviere navigable, sur un ruisseau D’un cours regulier, près des coteaux ou la mine abonde, il reste encor Des bois vierges a couper, Dont l’abbatis cederoit un terrein fertile propre a elever Des betes de charge Destinées a L’approvisionnement De forges et Des troupeaux nombreux pour les remplacer et ce terrein l’on pouroit choisir ce qu’il ÿ auroit De mieux pour le partager entre les ouvriers Dont les familles en tireroient partie.

Sur ce terrein vous feriez batir Des fourneaux, Des forges, Des fenderies, Des platineries, des scieries, un moulin suivant l’emplacement Des lieux. La force De l’eau et La proximité Des mines; toutes lesquelles usines appartiendroient au gouvernement. Supposé meme que les forges qui sont etablies chez vous soient Deja sur un certain pié: neanmoins je ne crois pas que leur perfection soit comparable a celles De france celles-ci appartenantes au gouvernement, qui en auroit fait toute la Depense lui procureroient Des avantages considerables vu que les bois ne lui couteroient rien un profit Des Deux tiers De l’argent qui passe a l’etranger ou bien aux commercans nationaux, formeroient son benefice, les premiers frais une fois paiés.

Si pour lors le fer se trouvoit assé fort pour etre emploié Dans une manufacture D’armes, il ne seroit pas bien Difficile D’en etablir une: les manufactures De france, Liege surtout vous fourniroient Des ouvriers il ne s’agiroit que de bien monter les atteliers pour attirer Dans votre province un commerce qui devient aussi necessaire a vos etats qu’utile et avantageux a la pensilvanie. Des clouteries seroient aussi avantageuses a votre marine. Les ouvriers n’en sont pas rares. A la verite je nai jamais Demeuré a portée De suivre une manufacture D’armes; mais j’espererois ne pas passer Longtems sans etre au fait de tous ses details. Un panchant naturel pour la phisique et Les arts mecaniques me fait croire que dans peu De tems j’en saurois toutes les marches et contremarches. Ce qui me seroit le plus agreable, c’est que je connois des preposés De charleville Desquels je tirerois toutes les lumieres qui me manquent sans qu’ils pussent jamais Deviner mon But.

Mais le moien D’expatrier quantité De famille D’un pais ou le gouvernement ne consentiroit point a leur émigration? A la verité il faut s’attendre a quelques frais De generosité et ce sera le sujet D’une seconde lettre si vous m’ÿ engagez par une reponse.

J’en serois trop honoré, si mon projet vous plaisoit a ce point, et trop e[n]chanté De pouvoir fonder chez vous un second euphrate De catoliques romains; mais je crois trés fort que la vertu Des Dumplers l’emporte De baucoup sur cette race De cÿclops, qui plongée continuellement Dans un feu Devorant n’est pas tendre et se livre avec exces aux liqueurs spiritueuses. Il ÿ auroit des francois et Des allemands qui pouroient prendre partie (or je sais ces Deux langues et la derniere m’est naturelle) mais De quel païs on puisse les tirer, tous aiment a boire. Trahit sua quemque voluptas.

Permettez monsieur que je finisse en vous temoignant que la mienne sera toujours de vous admirer avec respect et De regarder votre patrie comme celle ou je voudrois vivre et mourir, Votre très humble et obéissant serviteur

L’abbé D’amblé
chez Monsieur Le comte De Brieÿ en son chateau a
la claireau par Luxembourg
Endorsed: L’abbé D’Ambley Claireau ce 30. 9bre 1778.
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