From Ferdinand de Charrière (unpublished)
Cossonay 21 août 1778
Monsieur

La crainte d’interrompre indiscrètement les grandes et importantes occupations de Votre Excellence, m’a empêché depuis longtems d’avoir l’honneur de luy écrire, mais apresent qu’elle a conclu les traités entre le Roy et les Etats unis, ie prens la liberté de m’adresser à vous Monsieur pour vous demander la grace de vouloir bien me dire sur quoy pourroient compter des gens qui souhaiteroient d’aler s’etablir dans une des provinces des Etats unis, Votre Excellence comprendra aisément que des personnes riches ne prendroient pas ce parti facilement et que les autres auroient besoin pour l’entreprendre, de recevoir des secours pourle voyage et pour l’etablissement qu’ils se proposeroient d’y former. Je supplieray en particulier Votre Excellence de me faire l’honeur de m’apprendre si comme on le dit, des gens capables et en etat de servir dans l’armée pourroient y obtenir des employs convenables, en atendant que la paix, qui vraisemblablement ne tardera pas a se conclure avec l’angleterre, leur permit d[e] former les etablissements qu’ils se proposeroient dans le paÿs, ou s’ils ne pourroient pas trouver à soccuper dans l’agriculture qui avec le militaire sont les deux choses qui conviennent le mieux aux Suisses, il y en a meme qui pourroient etre utiles dans de bonnes maisons pour avoir soin des affaires domestiques et pour donner des lecons de la langue françoise aux jeunes gens de familles, il se trouveroit bien des suiets [= sujets] propres à l’un de ces genres de vie, il y en auroit meme qui seroient propres au Comerce et qu’on pourroit y employer surement. Je demande tres humblement la grace à Votre Excellence de ne parler de ce que j’ay l’honeur de luy dire ici à qui que ce soit, parce que ie serois cruellement exposé si l’on savoit que ie pense à m’expatrier et à engager d’autres à cela, c’est une chose tres delicate dans ce paÿs ici, où l’on se feroit des affaires tres serieuses avec le Gouvernement c’est de quoy ie crois devoir prevenir Votre Excellence, en qui j’ay d’ailleurs toute la confiance possible, qui luy est due on empletta l’année passée une grande quantité de fromages de ce paÿs pour l’amerique, mais ie crois qu’ils ne reussirent pas, parce que quoy qu’ils soient bons en général il y a cependant beaucoup de choix à faire, ils doivent etre fabriqués exprès pour soutenir ce transport, au lieu qu’on achétoit comme l’on dit à tort et à travers et indiferement tout ce qui se presentoit, si l’on avoit encore cette intention, ie me ferois un grand plaisir d’aider les comissionaires pour les empecher d’etre trompés et de tromper leurs consultans, si Votre Excellence trouvoient à propos de m’honorer de ses ordres, ie les éxécuteray avec tout le Zèle et l’attention dont ie suis capable, car quoy que ie ne suis point marchand J’ay cependant assés de conoissances là dessus pour pouvoir donner de bonnes directions. Je fais les voeux les plus sinceres pour la continuation des succés de Votre Excellence et ceux des Etats unis qu’elle a servi iusqu’a present si glorieusement ayant l’honeur de me dire avec la plus respectueuse Consideration

  Monsieur

    Votre tres humble et tres

      obeissant serviteur

Charriere

Si votre Excellence veut bien me faire l’honneur de me repondre mon adresse est à Mr Charriere Chatelain de Cossonay par Varsoix à Cossonay en Suisse
Endorsed: Charriere would go to Am. 21 aout 1778.
630441 = 027-283a001.html