Mon bon ami vous n’aurez aujourd’hui ni grand papier ni une
Grande lettre j’ai passé mon veuvage. Cette fois ci à [illegible]
chez les [illegible] a peine si j’avois le tems du repos tant la
maison estoît bruyante par la quantité de monde qui s’y est trouvé
en même tems que moi. J’aurois pu m’amuser comme les autres si je
n’avois pas été cruellement contrariée par l’impossibilité de vous
écrire enfin revenue chez moi je saisi un petit moment pour vous
dire un mot, bien persuadée que si je suis toujours votre bonne
amie ce mot sufira à votre coeur, surtout s’il lui apprend que le
mien n’a pas changé.
Selon ce que vous me marquez dans votre derniere lettre vous ne
serez pas chez vous à l’arrivée de cette lettre. Vous serez à ce
voyage, qui porte à mon coeur un peu de consolation il me prouve
que vous pouvez vous déparer sans peine des belles dames de phi
... mais d’un autre côté il me donne de l’inquietude je crains que
ce ne soit pour suivre vos savants qui vont faire des découvertes
sur je ne me souviens plus la quelle de vos rivieres. Nos papiers
publiques ont parlé de ce voyage je ne fis pas grande attention à
cet article parceque je ne croyois pas qu’il put vous regarder
mais à present que j’i songe voila qu’a mon ordinaire je me
tourmente et que je pense que vous allez suivre ces Messieur les
savants et que vous recontrerez des vilains sauvages qui mangent
les hommes et qui ne feront q’une bouchée de la chaire douce et
blanche de ma petite éxélence. Sans plaisanter mon ami ayez les
plus grandes précautions avec ces impolis—Oh prenez soins de mes
jours, en préservant les votres! Vous faites ce voyage pour votre
plaisir je n’ai plus rien à dire pour votre instruction, mon
aimable fripon vous savez tant de chôses! Pour votre avancement,
mais comment ce voyage vous pourra t’il faire nomer Grande
éxélence en france, hélas! je n’aurois pas souvent ce bonheur si
doux de vous voir mais au moins je saurois de vos nouvelles je
recevrois souvent de vos lettres je serois à…mon dieu! où mon
imagination va t’elle? Je raisonne comme si le bonheur ètoit
encore fait pour moi.
Point de nouvelles dans notre ancienne société. Seulment Md pa
... est assez heureuse pour n’etre pas grosse comme je vous
l’avois mandé dans ma derniere lettre. Madame de Mal…qui
devoit venir coucher ici une nuit est accouchée a sept mois de
grossésse quoi que ce soit un [illegible] l’enfant est mort
presque en venant au monde. Elle est à la terre de son beau frere
d’ou elle comptoit partir le lendemin qu’elle est accouchée peut
etre je la verroi a son passage à St…
Depuis cette lettre commencée j’ai reçue la votre dattée du 27
may il faut mon aimable ami que je reponde à votre reproche de
n’avoir pas écrit avec vos autres amis. Je ne suis pas coupble je
vous jure. C’est que ne sachant pas le moment du depart des lettre
n’etant pas même a porté de le savoir il est possible que j’ecrive
trop tard vous savez que je ne suis pas maitresse de mes instants
[illegible]
Vraisemblablement les Nos. que vous recevrés vous prouveront que
je vous dis la verité—Le bon l’obligeant voisin vient de m’ecrire
que le dernier papuèt de lettre est égaré on est à la recherche je
suis tres fachée de cette avanture quoique je ne vous marque rien
de fort interessant et que je babille sans avoir des chôses à vous
dire vous auriez un du moins mon éxactitude. Je vous ai ecrit en
mars, avril (et c’est la lettre de ce mois ou je vous mande la
mort de mon malheureux enfant) en may juin juillet, et vous voyez
que me voila en aoust. Grondez à present si vou l’osé tenez mon
ami ne nous querellons pas sur nos injustices et surtout ne
cherchez pas a connoitre qui de nous deux aime le mieux. Ceci me
mene a votre lettre du 7 juin a la quelle je n’ai pas le tems de
repondre comme je le voudrois.
Je crois y voir que vous ne reviendrez plus en Europe et que vous
vous marirez bien tot, il est deux idées aux quelles je fais mon
possible de m’accoutumer: celle de la mort et celle de votre
mariage. J’avous que si je ne reussis pas mieux a la premiere qu’a
la seconde ma derniere heur ne sera pas marquée au coin de
l’héroisme et de la fermeté le mot mariage trassé de votre main
m’a d’abord fait frissonner j’ai eu bien de la peine a me remettre
mais a present je suis calme et résignée je n’ai nul raison a vous
opposer et quand j’en aurois votre interet ne l’a t’il pas
toujours emporté dans mon coeur sur le mien propre. Oh mon ami
soyez heureux, soyez le même au dépend de mon bonheur. Votre
changement d’etat ne changera rien à mes sentiments pour vous il
pourra changer a [mon état ??] on écrit pas à un chéf de famille
comme a un Garçon. Md Blanchette se cachera sous le paisible
manteau de l’amitié. Et je ne laisseroi voir que Madame C qui sera
alors un grave personnage je n’ai pas trop réfléchi s’il ne seroit
pas plus prudent de ne point écrire du tout la dessus je
demanderai votre conseille et celui que vous me donnerez je vous
répond de le suivre.
Mon bon ami tout ceci me prouve que vous aimer fût un malheur
vous le dire une faute votre mariage la punition au mal qu’elle ma
fait je vois que la faute ètoit plus grave que je ne comptois.
Que tout ce que je vous dis ne vous elloigne pas de remplir les
intentions de votre pere qu’il soit heureux voila ce qui doit vous
occuper.
Vous allez peut etre me gronder et me traiter de rêveuse cela
peut etre si cependant vous vous donnez la peine de réfléchir vous
verrez que lorsque vous avez eu quelque facheuse nouvelle a me
dire vous avez toujours pris la précaution de me parler légérement
de la chôse et long tems avant comme de votre départ &c &c…
Adieu mon cher f je vous écris par sauts et pas bonds je ne sais
pas trop ce que je vous ai dit tant je suis en peine d’etre prise.
Si je ne vous ai pas dit que je vous aime toujours bien tendrement
ma lettre n’a pas le sens commun et vous pouvez la bruler comme
infidelle à son auteur. Adieu adieu. Que je voudrois habiter la
petite maison manger du poisson de l’[illegible] mon dieu…