Le Jour que J’ai eu l’honneur d’offrir verbalement mes Services à vôtre Excellence pour former divers Etablissemens de Manufactures dans les 13. Colonies Unies de l’Amérique Elle eû la bonté de me demander si Je n’avais pas un Mémoire à lui présenter à ce Sujet; Je n’en avais pas alors, J’eû L’honneur de vous le dire.

Je crois qu’il est de mon devoir de le faire aujourdhui et Je viens suplier Vôtre Excellence de vouloir bien l’éxaminer.

Je puis faire, et faire Etablir partout ou je me trouverai sans avoir besoin de Modêle.

1º Des Metiers grande Mécanique propre à faire par un seul ouvrier toute sorte de Rubans, soit en fil, Laine, Soye, Cotton etc. depuis 10 pièces à la fois jusques à 30. et de toute Largeur par un seul et même metier, unis, croisés ou faconnés.

2º Des Moulins à monter, retordre et mettre en Echevaux par la même Machine toutes sortes de Matières filées au dégré de serré que l’on désirera sans aucun apprantissage.

3º Des Rouets mécaniques pour faire filer par une seule Personne depuis 2. brins Jusques à Six à la fois soit Laine ou Cotton.

4º Une Navette roulante propre à faire par un ouvrier toute sorte de toiles, des Couvertures de Lits, du Drap etc. de la plus grande Largeur.

Non seulement Je puis faire ces Machines, mais Je puis aussi former Les ouvriers pour travailler avec.

J’ai chez moi et qui travaillent Journellement Les metiers Mecaniques à Rubans, Le Moulin à retordre et mettre en Echevaux toute sorte de matière filée, La navette roulante pour faire des Etoffes de la plus grande Bargeur; J’aurai quand il me plaira les Rouets mécaniques à filer ainsi que Les ouvriers faits et occupés à ces divers ouvrages dont la majeure partie sont mes apprentis, on peut Les venir voir travailler pour en mieux juger.

Comme Je ne suis pas pressé et que rien ne me force de quitter ma Patrie, Je desirerais qu’il plaise à Vôtre Excellence de vouloir bien m’instruire, aprés avoir pris les plus éxactes Informations et vérifié par les faits et sur Les Lieux, La vérité de ce que J’avance, Qu’elle serait La Protection, Le Secour que Je pourrais obtenir du Congrés pour m’aider à former ces Etablissemens.

Je desire il est vrai de porter mes Talents Chez un Peuple Brave, Sage et Libre, que J’aime et que Je respecte et à qui Je voudrais de tout mon Coeur être utile, Mais si le Zêle et L’amour propre m’engagent à faire cette Démarche, La Raison m’ordonne de ne La faire qu’aprés que Je serai assuré d’une Subsistance au moins egale à Celle que J’ai maintenuë dans ma Patrie et dans ma famille par mon travail etc. etc.

Ma Résidence est à Erenis en Picardie prés de Beaumont sur Oize Distance de Paris de 10 Lieües Et me nomme Gille de Lavallée fabricant en grande Mécanique.