From — Bourdillon (unpublished)
à Montferrand en Auvergne Le 8 avril 1783.
Monseigneur,

Le vif interêt que vous n’avez jamais cessé de prendre pour le bien public et pour votre patrie en particulier m’autorise à prendre la liberté de m’adresser directement à votre excellence pour la suplier de vouloir bien m’aider dans un projet d’émigration ou je compte trouver non seulement mes propres satisfactions, mais encore celle de ma famille.

Depuis plusieurs années j’attendois avec impatience le moment ou L’independance de L’Amerique Septemtrionale seroit établie sur une base solide. Graces à vos Soins, Monseigneur, ce moment est arrivé. Je le saisis avec empressement pour passer en virginie. Aprés de mures réflexions il me semble que ce soit la partie des états unis qui me convienne le mieux soit à cause du climat soit à cause de la constitution. Pour m’y transplanter j’ai besoin d’être sécondé. Ayant assez de confiance en votre bonté pour oser y prétendre pourrois-je esperer qu’il plairoit à Votre excellence de vouloir bien me faire indiquer quelques personnes des environs de William’s Burg par les conseils desquels je me guiderois pour commencer un établissement. Une correspondance exacte m’est nécessaire pour toucher mon revenu de six en six mois. Placé dans le centre des terres je n’ai de rélation avec aucune ville maritime. Je souhaiterois d’obtenir une étendue de six mille âcres que je suppose de quatorze cent toises de superficie, et de savoir combien me couteroit cette acquisition. Elle doit paroitre prodigieuse pour un particulier qui ne jouit que d’une rente viagère de quatre mille livres de rente bien assises et qui n’a d’autre ambition que celle de passer le reste de sa vie dans la tranquillité des travaux de la campagne: mais je ne suis en quelque façon que le député de ma famille qui se rendra successivement en virginie désque je serai en état de luy offrir un hospice. Ne voulant pas m’en séparer je serai bien aise de la placer auprés de moy. Les fonds qu’elle portera excéderont suivant les apparences la somme de deux cent mille livres.

Mon intention est de me rendre à Bordeaux dans le mois de juin prochain, d’attendre là le retour du prémier batiment Americain qui fera voile pour William’s Burg, par la même occasion m’accoutumer à parler la langue Angloise dont j’ai quelque teinture, et me familiariser d’avance avec les habitans d’un pays que j’envisage comme devant être bientot ma patrie.

Pourrois-je flater que votre excellence voudroit bien me faire L’honneur de me répondre sur ces differens articles, elle me rendroit un Service important, ma reconnoissance seroit sans bornes, et seroit partagée par une famille honnette et nombreuse. Je suis avec un profond respect, Monseigneur, Votre très humble Serviteur

Bourdillon

Endorsed: Bourdillon 8 avril 1783.
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