From the Baron de Reuschenberg (unpublished)
ce 14 août 1778,
Monsieur

Quoiqu’il ne me reste guères d’espoir d’aller combattre avec et pour les braves américains; je suis trop plein de mon sujet, trop Zélé pour la cause de L’humanité, et trop convaincqü enfin de la bonté de mon Sistème, pour ne pas insister Sur son adoption; je parle de la légion, et des amusettes. Quant à la prémière d’abord, Ses avantages sont infinis en mille occasion à la guerre, Soit qu’il S’agisse de défendre un poste, de couvrir un püys, de passer un défilé, où de faire L’avant où L’arrière-garde d’une armée, de dérober à L’ennemi et masquer la marche et les manoeuvres d’une armée à la faveur du feu des ar[m]és à la légére, de favoriser un passage de Rivière, où une descente, comme d’empécher L’une et L’autre à L’ennemi, enfin de faire le marteau où la tête d’une attaque, de charger et enfonçer brusquément l’ennemi, où de Souténir et émousser son choc, non Seulément, çélui de L’infantérie, mais même de la Cavalerie [&] rien de plus propre à tout çeçi qu’un corps pareil bien dressé, Connaissant Sa forçe, et faisant bien son dévoir. La cavalérie dressée et armée d’après les prinçipes de mr le maréchal de saxe, Sérait aussi d’une toute autre utilité, Sur tout puisqu’à L’abri des coups de Sabre elle même, elle ne sabréroit pas, mais pointérait toujours avec des épées roides, à trois quarts, et longues de 4 pieds, or il est connu qu’avec dix coups de sabre sur le corps, outre que la pluspart tombent à plat, un homme peut aller en avant, aulieu que la moindre pétite solution de Continuité faite à la pointe [ou]tre que la blessure en est réellement plus dangéreuse, elle frap[pe] plus l’imagination, fait perdre plus de sang, et mèt hors de com[bat] et puis les Saignées faites avec çes longues et larges épées ne séront pas si pétites. Quant aux amusettes leur utilité est palpable, soit pour déconcerter un ennémi, qui à trois où quatre mille pas croit se former et ranger en toute sureté hors de la portée ordinaire du canon, Soit pour le desoler dans sa marche, dans son camp, Soit pour protéger et Souténir une attaque, un passage de rivière, une descente, où Sy opposer, pour faire faire une battérie, empêcher l’ennemi de servir son canon, sans que çéluiçi puisse y répondre de si loin avec effet; deplus quoique le maréchal n’en dise rien, je suis persuadé qu’on pourrait égalément les charges à Cartouches, en faisant des grappes de raisins oblongues de balles de mousquet de moindre calibre, de chévrotines, de pétite mitraille, qui dévrai ent faire un dégát terrible, et plus loin que les piéces ordinaires car le Roi de Prusse fait tirer à Cartouche à 5 et à 600 pas, [avec] des pièces qui, chargées à boulet, ne portent qu’environ 1200 pas, or L’amusette chargée à Balle portant à 3 jusqu’à 4000pas et plus, elle doit porter à cartouche proportionnellément à la moitié, où au moins au tiers de cette distançe, d’autant plus que la pièce étant longue et étroite, le coup est net et violent, et toute la poudre a le tems de s’allumer, avant que la charge ne sorte du canon, ce qui n’arrive jamais aux pièces courtes, et de large embouchure. J’ai eu L’honneur de m’expliquer de bouche sur l’utilité dont je les croiais en mer, et en effet je suis convaincqû, que de pétites frégattes, des brigantines, des corsaires séraient mieux armées avec 16 à 20 de ces pièces qui ne Séraient pas un poids pour elles, qu’avec autant de canons, et qu’estce qui les empêcherait étant d’allieurs plus lestes et meilleurs voiliers, de désoler les plus grands vaisseaux, en manoeuvrant bien, se ménageant le vent, les harcélant de loin, leur criblant cordages, voiles, haubans et agrés, [n]étoiant le pont, où personne ne pourrait se ténir sous le feu bien nourri et bien serré de çes pièçes meurtrières, qui les empêchérait même de faire enra[g]er [une] flotte dans son port, où à la rade, hors de la portée du Canon, sauf à gagner le large si on leur courre sus! et se rendant rédoutables, comme les parthes, même dans leur fuite. Il ya plus, [j’ose]is[]e croire que chaqu’un des Etats unis aiant une legion, et un Régiment de cavalérie de son nom, la République aurait une armée assès respectable; çette armée sérait à peu près de 65000, la légion à 3558, et le Régiment de Cavalérie à 800. L’armée Romaine ne fût jamais de çette forçe dans les plus grandes guerres, lors même que les deux armées consulaires étaient jointes; et j’ose prédire que çes légions, animées d’un esprit de corps, et d’une noble émulation, surtout de l’amour de la patrie, récrûtées par les enfans des légionnaires, et dé la immortelles, gens quá non moritur, avec une éducation publique et commune, une bonne gymnastique, des moeurs et de la Discipline, constituéraient peutêtre la partie la plus saine du peuple, et le plus ferme soutien de la liberté. Je sçais bien que les Légions bouleversèrent enfin la Républiqe Romaine, et furent les instrumens des tirans, qu’elles ballotèrent à leur tour au grès de leurs Caprices, hélas c’est le Sort, et la vicissitude des choses humaines, mais cette catastrophe ne séra point à craindre, tant que la somme des vertus séra plus grande que celle des vices, tant que les loix, et surtout les moeurs, quid énim leges sine moribus, séront respectées, et sans céla quelle que puisse être la forme civile et militaire, çe ne séra jamais qu’un ouvrage éphémère, et L’on ne se séra tiré d’un esclavage que pour rétomber dans un autre, soit d’un ennémi du déhors adroit et entréprennant, soit d’un corps aristocratique, soit d’un Citoien audacieux, soit enfin de L’anarchie et de la Corruption publique le plus dangéreux de tous et fraiant le chémin à tous les autres. Veuille le Souvérain de L’univers éloigner à jamais des suites si funestes de la nouvelle République, et puisse-t-elle subsister aussilongtems que les noms à jamais mémorables des Franklin, des Hankocks, des adams, des Lees, et de tant d’autres Citoiens généreux, fondateurs de la félicité publique; je me sérais crû trop heureux de pouvoir y contribuer par mon sang et mes [foibles] talens, en laissant à mes compatriotes Européens le triste honneur de s’entre égorger pour un [po b ] de provinçe, et pour le choix des maitres; mais Si céla n’est point, je n’en férai pas moins des voeux sinçères pour elle, et je triompherai surtout, si mon projet peut être gouté. Mr le marquis de la faiette me parait bien propre à L’exécuter. Que ne puis-je y travailler sous ce jeune héros, futçe même comme aide-major. Je vous supplie, monsieur de mettre sinon mes faibles idées, dumoins çelles du vainqueur de fonténoi; de [Remoux] et de Lowfeld, sous les ÿeux du Congrès, et du sage et vaillant Washington. En y réflêchissant murément, on en saisira aisément L’esprit, et L’avantage. C’en sérait un bien grand pour moi, si j’osais vous rendre souvent mes dévoirs, et passer avec un vrai sage des momens heureux et instructifs, que je régardérais comme les plus beaux de ma vie, surtout s’ils pouvaient me valoir vôtre estime, mais comme je sçais que les vôtres sont préçieux, et que vous en êtes comptable à la patrie permettés dumoins que je vous assure ici de la profonde vénération que vous m’avés inspiré, et qui ne finira monsieur! qu’avec la vie. De vôtre très humble très obéissant serviteur

le Baron de Reuschenberg

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