From Thomas O'Gorman to Sartine (unpublished)

No. 1.

Memoire

Le chevalier O’Gorman fixé à Paris depuis 30 ans, Naturalisé francois & reconnu noble d’extraction de nom et d’armes, a saisi avec empressement les circonstances qui Se Sont presentées de donner à la france des preuves de son Zéle & de Son attachement.

Son mariage avec Mademoiselle D’Eon, trois garçons qui en ont eté le fruit, dont deux actuellement au Service du Roi & le troisieme qui y Sera aussitot que l’age le lui permettra, doivent le faire regarder Comme un français qui n’a à coeur que la gloire de Son Roi et l’amour de Sa patrie.

Les liaisons formées entre la france et les Etats unis de l’Amerique ont pour objet principal un Commerce reciproque entre les deux puissances. Ce Commerce Necessite de la part de Ces deux puissances l’etablissment, dans les lieux principaux, de Consuls pour le proteger et pour maintenir les privileges des Sujets qui l’entreprendront.

Le Cher. O’Gorman lié depuis très longtems avec M. Franklin, ayant des connoissances dans la politique et le droit des gens, ainsi que des lumieres suffisantes sur la partie du Commerce, parlant plusieurs langues, et Surtout Celles usitées dans les Etats des provinces unies, Se flatte que Son Sejour dans l’Amerique Septentrionale seroit utile à la france, et ne pouvant pas douter, qu’aussitot la paix, le Roi y nommera des Consuls, Le Chevalier O’Gorman Suplie Monseigneur de Sartine de Vouloir bien lui assurer l’agrement de Celui de Philadelphie oÿ il Se rendra aussitôt que le Ministre y jugera Sa presence Necessaire.

Le Chevr. o’Gorman prend la liberté de representer à Monseigneur de Sartine que sa fortune est mediocre, qu’il a des charges considerables, que la chevaliere D’Eon, Sur les promesses de la quelle il avoit Compté, n’est plus en etat de les effectuer, et qu’il lui seroit impossible de Soutenir ses enfans au Service Sans quelques secours du gouvernement; le Consulat de Philadelphie, en lui procurant Ces moyens, le mettroit à portée de donner de plus en plus des preuves de Son Zéle & de Son attachement à la france aujourd’hui Sa patrie./.

Le Chevr. O’Gorman
Chez Made. de Brie proche la
fontaine rue de grenelle f.b.
St. Germain A Paris

No. 2.

Memoire

Le Chevalier ô Gorman prend la liberté de Soumettre au jugement de Monseigneur de Sartine les observations suivantes comme autant de motifs propres à le decider dans le choix du Consul de france à Philadelphie.

La majeure partie des habitants des Etats unis de l’Amerique, malgré les obligations qu’ils ont à la france, à la quelle Seule ils Seront redevables de leur independance, ont le coeur Anglois, et par Cette raison ils donneront en toutes occasions la preference à l’Angleterre.

Il regne parmi Ces habitants un esprit divisé sous la denomination de Whiggs & de Torys; Les Torys (partis Royalistes) Soutiendront Secretement les interêts de l’angleterre; ils y Seront excités par les emissaires Anglois et par l’or qu’ils repandront.

Il est interessant pour la france ainsi que pour les Etats unis de detruire Ces prejugés et d’operer une Coalition de tous Ses membres. Il importe à la france d’etablir et de maintenir une preponderance dans leurs Conseils et Surtout de S’attacher le peuple Commercant.

La droiture et la probité des Negociants françois se manifesteront par la qualité et le choix des Marchandises qu’ils enverront en Amerique, et on peut presumer que Sur les objets manufacturés, ils auront un Avantage Sur Ceux d’Angleterre de dix pour Cent au moins, benefice plus que Suffisant pour leur assurer la preference.

Le chevalier O’Gorman possedant parfaitement la langue du Pays, lié avec la Majeure partie des familles Irlandoises tant Catholiques que protestantes, qui Sont les principales de Philadelphie, du Mariland et de la Virginie, et avec l’esprit Conciliateur & pacificateur se flatte de pouvoir Contribuer plus qu’aucun françois aux interêts de la france dans Ces Regions, Non seulement pour la partie du Commerce, mais aussi pour la partie politique, dans la quelle il espere rendre plus de Services que l’Ambassadeur même, Si on lui fait un etat honête qui le mette a protée de faire usage de Ses talens./.

Notation in Benjamin Franklin’s hand: M. O Gorman’s Memoire.
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