From — Forestier (unpublished)

Il y a 32 ans que je sers; la pratique jointe à la théorie pendant deux guerres que j’ai faites, l’habitude que j’ai prise de bonne heure de réfléchir sur les événements qui se sont rencontrés m’ont donné une expérience que la paix, par l’activité de ma place, n’a fait qu’augmenter.

Les Generaux sous lesquels j’ai servi ont fait cas de ma volonté; ils ont pris soin de me donner des leçons, et les peines que j’ai prises pour les étudier, pour me pénétrer de leur génie, pour profiter de toutes leurs bontés, seront trop bien payées si elles me procurent le seul objet qu’ait jamais eu mon ambition, celui d’acquérir de l’honneur en servant une nation dont les intérêts sont nécessairement liés avec ceux de ma Patrie, et dont les droits sont ceux de toute l’humanité.

Malheur à qui ne sent pas comme moi tout le plaisir qu’une ame sensible et noble éprouve, en se livrant à l’espoir d’employer tout ce dont il est capable au service d’un peuple ami de la liberté.

Si la fortune, moins avare pour moi, m’avait mieux traité, je regarderois comme le plus beau moment de ma vie celui où je pourrais sacrifier ses avantages pour servir les Etats-unis de l’amérique, sans recevoir d’eux un entretien que je serais assez riche pour tirer de mes propres fonds. Je fais pour eux tous les sacrifices qu’il m’est possible de faire; j’ai un état, un grade dans lequel je jouis de l’estime et de l’approbation publique; j’ai une perspective assurée en suivant le cours ordinaire des choses dans mon état, et je m’empresse de sacrifier tout au desir de servir un peuple que je servirai de coeur et d’affection. Je compte pour rien la perte de ma tranquillité, les hazards, l’éloignement de mon pays. Je ne lui demande que le grade de Général major. Ce grade peut d’autant moins m’être refusé que je n’en suis pas éloigné dans ma Patrie, et qu’il m’est absolument essentiel pour être a même de déployer tout le zele que je mettrai toujours à le remplir.

Les Etats-unis doivent sentir combien des troupes à cheval sont essentielles dans une armée. Elles éloignent l’ennemi, elles l’inquiettent, l’empêchent d’etre instruit des mouvements qu’elle fait, et assurent la tranquillité des Troupes qui forment la ligne. Dans les actions elles en décident presque toujours l’événement, ou tout au moins rendent la victoire complette et la retraite infiniment difficile et toujours très coûteuse.

Les avantages d’une armée où il y a de la Cavalerie sur celle qui n’en a point sont trop sensibles, l’histoire fourmille de tant de traits qui les confirment, qu’il me paraît inutile de m’étendre sur cet objet: mais ce qui me paraît important, c’est d’examiner quelle est l’espece de Cavalerie qu’il serait nécessaire d’ëtablir dans l’armée des Etats-unis.

Les corps de grosse cavalerie exigent un ensemble impossible à donner dans les commencements, et deviennent par leur pesanteur, pour ainsi dire, inutiles, dès qu’on est obligé de les morceler. Il en est de même lorsqu’ils sont dans des pays qui ne sont pas assez découverts pour les déployer.

Celle qui me parait la plus propre a remplir les vues que doivent se proposer les Etats, serait donc celle qu’en France on appelle dragons. La taille de leurs chevaux les rend plus propres à tout ce qui est de détail à la guerre; leur armement les met à même de remplacer l’infanterie dans les lieux où la vitesse de leurs chevaux les aura fait dévancer l’ennemi, auquel ils seront en état de faire tête pour défendre un poste dont, sans cela, il se serait emparé. Les escortes des convois, les reconnaissances, les détachemens, les patrouilles, les ruses et les finesses de ce genre de guerre doivent être leur existence: et lorsque l’occasion exige de les rassembler en escadrons et de les former en ligne, l’habitude qu’ils ont d’exercer separement chacun leurs forces et leur adresse, ne doit que les rendre plus hardis pour attaquer lorsqu’ils se trouvent réunis.

Les Officiers de ces corps doivent être des gens braves, intelligens et de tête pour savoir trouver dans les occasions les ressources qui dépendent presque toujours du moment pour se décider à propos.

Les dragons doivent être contenus plus par la confiance qu’ils prennent en leurs chefs dont l’expérience ne les a jamais deçus, que par aucune autre espece de discipline. C’est pourquoi je voudrais pour commencer la levée d’un corps de cette espece, emmener de france des officiers et bas officiers dont la valeur éprouvée fût accompagnée de moeurs, et de cette connaissance des hommes qui rend humbles quand la fortune nous favorise, et modéré lorsqu’elle nous est contraire, qui laisse à la réflexion d’un peuple libre et au sentiment de son coeur le soin d’apprécier les vertus, et qui ne rebute point par un emportement déplacé ceux à qui presque toujours on s’en prend des fautes que l’on a fait soi même: qu’ils pussent (se dépouillant des prejugés que le défaut de Patrie inspire à ceux qui n’ont pas même d’idées de ce que c’est qu’un citoyen, de ses droits et des égards qui lui sont dûs;) faire chérir en eux leur honnêteté, leur douceur, en même temps qu’on priserait leur valeur et leur zele: que ces Officiers, dis-je, eussent toujours, pour captiver l’obéissance sans efforts, leur exemple a présenter sans ostentation; qu’ils fussent, en un mot, les jalons que tout le reste de la troupe soit toujours sûre de trouver dans le chemin de l’honneur.

Voilà, je crois, ce qui serait essentiel et que je ne regarderais pas comme impossible à trouver en prenant avec soin les sujets que l’on me permettrait de choisir, pour la levée du corps qui me serait confié.

Je pense qu’un corps de cavalerie tel que je le propose serait habituellement a même de voir l’ennemi, et qu’il faudrait que les gens qui le composeraient, regardassent comme une espece de faveur d’y servir puisqu’ils seraient par là plus à portée d’être utiles a leur Patrie.

Je ne voudrais pour eux aucune espece de tentes ou autres équipages à porter. Si dans quelques circonstances il était nécessaire de les faire camper, comme ils seraient peu nombreux, alors on leur fournirait des tentes ou ils se feraient des baraques, autrement ils bivouaqueraient ou cantonneraient lorsqu’il se trouverait des villages propres à leur établissement. Je croirais à propos que les dragons s’engageassent au service pour toute la guerre, et que l’Etat se chargeât de les dédommager de cette générosité de leur part. Qu’en un mot, comme ce genre de guerre exige dans les hommes une longue habitude pour le bien faire, que ces troupes sont faites pour assurer le repos de l’armée qu’elles doivent se charger de toutes les fatigues que les postes avancés éprouvent par dessus tout, elles jouissent en échange de quelque prédilection qui leur donnât un grand attachement pour leur état.

L’usage des selles dont les troupes se servent en France est d’un gros entretien et sujet a mille inconvéniens qui se multiplieraient encore dans un pays où les ouvriers en sellerie ne pourraient pas se trouver facilement; je crois que ce qu’il y aurait de mieux à faire serait de faire usage pour ces troupes de la bâtine que propose M. le Maréchal de Saxe; elle est simple et ne coûte presque rien; le dragon pourrait la réparer et même la faire lui-même, et serait assis commodément dessus. Elle a en outre l’avantage de pouvoir rester sur le cheval sans crainte d’être cassée, chose essentielle à la guerre.

L’armement de l’homme devrait être d’un fusil, d’une baionnette, d’un bon sabre avec une arrête et bien fait pour pointer; que le ceinturon en fût fort large et fait en baudrier, qu’il formât sur la poitrine une croix avec la banderolle de la gibberne, cela ferait un assez bon plastron bien propre à garantir des coups de pointe: qu’il y eût une bonne calotte de fer cousue sur le chapeau dont les cornes seraient grandes et que n’ayant qu’un pistolet du côté gauche de la bâtine, il y eût à droite un outil afin qu’on fût à même de s’en servir dans les occasions qui se présentent souvent.

La principale instruction à donner à ces troupes serait d’habituer les hommes à la plus grande diligence, à passer hardiment partout, à n’être jamais retardé par des obstacles qui cessent dès que l’usage les a rendus familiers. Qu’ils sussent se disperser et se rallier au signal de leurs chefs; mettre promptement pied à terre et se former à pied pour occuper un poste, ou arrêter l’ennemi qui presseraient une arriere garde etc. etc.

Je pense que les citoyens des Etats-unis pourraient promptement se former à toutes l’exigence de ce service et le faire bien mieux que nos dragons d’Europe, chez qui le goût de la rapine, l’insouciance de la chose publique, et le défaut de moeurs et souvent de fidélité, ne peut se réparer que par une force de discipline dont on n’aurait pas besoin puisque le zele et l’intérêt de l’Etat y suppléeraient de la façon la plus énergique.

Endorsed: M. Forester’s Memoir
Nottes

Les Sabres ne peuvent estre faits a Paris parce qu’il n’y a point d’ouvriers pour faire des lammes, il ne s’en est mesme pas trouvé pour faire un model. Il faudra pour les avoir s’adresser ou a la manufacture de Klingenthal pres de Strasbourg ou a Sollingen.

Proportions de la lamme
Longueur.........40 pouçes
Largeur pres de la Poignée..1id.
Epaisseur de l'arrête.... 3 Lignes

Observations La lamme doit estre diminuée de largeur de façon que vers la pointe elle soit tres aigûe; L’arrête doit estre un peu evuidée en dessous afin de diminuer le poids en laissant a l’arme toute sa forçe, elle doit aller en mourant jusqua environ huit pouçes du bout ou la lamme doit estre tranchante des deux cotes. La soie doit estre tres forte et la trempe de la lamme point trop aigre afin destre moins sujette a casser. La monture doit avoir une cocquille avec la branche exterieure qui couvre la main contournée de facon que le poignet soit a l’aise, çe qui est essentiel pour pointer, le pommeau gros et lourd pour rendre le sabre leger de la pointe. Cette arme sera exçellente pour pointer et pourra encor servir pour sabrer quoique çe ne soit pas sa principale utilité. L’usage de pointer etant le plus meurtrier et çelui qui en impose le plus a l’ennemi, on doit y habituer le plus que l’on peut les troupes et leur en faciliter les moiens en leur donnant des armes qui y soient propres. Il est bon d’observer que comme un homme a cheval sans sabre est un estre inutile, il faut avoir soin de se procurer un nombre suffisant de lammes de rechange afin de pouvoir remplaçer çelles qui viendroient a manquer.

Les fusils et pistolets uniformes des dragons de françe sont bons. On peut prendre çet armement du mesme model.

Endorsed: Col. Forester Arms for Cavalry
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