Louis-Guillaume Le Veillard fils to William Temple Franklin (unpublished)
Bordeaux le 17 Decembre 1782

J’ai recu, mon cher ami, en tems votre Lettre du 26 Novembre. Je ne saurois trop vous remercier de votre exactitude et du service que vous m’avez rendu en me donnant les Renseignements que je vous demandois. Vous avez ajouté aux obligations que je vous avois deja, mais vous n’avez pu le faire a l’amitié et aux sentiments que je vous ai voués, qui depuis Longtems sont portés au dernier periode. J’avois il y a deja 10 jours commencé une Lettre de remerciments dans laquelle je faisois des propositions a votre grandpere assez avantageuses, mais les bruits de paix qui sont ici tres considerables, sont venus a la traverse et ont divisé les cointeressés. L’operation projetée a ete presque rompue, de trés considerable qu’elle devoit etre, elle se réduit presque a Rien et le plan a été entierement renversé étant entierement uniquement fondé sur la continuation de la guerre; ainsi il n’y faut plus songer. Aujourd’huy il ne s’agit plus que [de] l’éxpédition d’un petit batiment de 200 Tonneaux au plus pour Baltimore en Maryland et je viens prendre de vous quelques Renseignements. La bonté que vous avez eue de repondre aux premiers, m’engage a revenir a la charge, c’est peutetre bien indiscret, mais j’espere que l’amitié m’excusera.

1º J’ignore si les glaces bouchent Les Rivieres de la Baye de chesapeak et s’il seroit prudent de faire a la fin de ce mois cy ou dans tout le mois de Janvier une éxpedition pour Baltimore.

2º Surement La maison que vous me recommandez, est de toute solidité et a toute l’intelligence nécéssaire, ainsi L’on peut en toute confiance Lui adresser un navire et une cargaison, les charger de leur Vente, et même Laisser entre leurs mains les fonds qui proviendroient de leur Vente, si on n’en trouvoit pas un employ assez avantageux ou qu’on ne put pas les employer entierement.

 Oui

3º Comme Le Tabac est la production principale du Maryland et l’unique objet dont on se propose de charger Le Navire en retour, si, comme il y a tout lieu de penser, la paix se fait pendant le cours du Voyage, le traité que les etats unis firent en 78 avec la france est il exclusif et n’aurait on pas a craindre ou de voir confisquer ici et la cargaison et Le Navire, ou du moins mettre au plus vil et même bien au dessous du prix d’achat une denree qui est actuelement ici au cours de 100 l.t. le quintal. Cette question peut etre fort indiscrete, et j’exige de votre amitié de n’y pas répondre si elle l’est.

4º On compte former la cargaison en sel, thé, sucre en pains, toileries, draperies, cordage, toile a voile, fer en barre, verrerie et fayance, eau de vie, et vin, marchandises de modes, et soyeries. Si quelques uns de ces articles n’etoient pas propres pour chez vous, ou que vous connussiez de meilleurs, vous obligeriez sensiblement votre ami de le lui indiquer.

Comme il n’est pas encore decidé si cette expedition se fera sous pavillon francois ou ostendois, je ne vous demande pas de Lettres de recommandation pour Messieurs Ridley et Pringle. J’espere que si je vous la demandois vous ne vous y refuseriez point, quoique ce ne fut pas pour moi, ce seroit ou pour M. Alex. Nairac chez qui je travaille, ou pour une maison d’Ostende fort connue, toutes les deux meritent une entiere confiance tant par leur honeteté et leur habileté, que par leurs moyens. D’ailleurs ce ne seroit point des Lettres de credit que je demanderois, ce seroit de simples Lettres de recommandation ou votre grand pere diroit que prenant interet aux personnes au nom de qui elles seroient, il les avoit decide a donner La preferance de leurs affaires a Messieurs Ridley et Pringle et a leur adresser Leur Navire, qu’en consequence il espere que ces Messieurs voudront bien prendre soin de leurs interêts et mettre dans la gestion des affaires qu’ils seront dans le cas de leur adresser toute L’activité et toute l’attention qu’ils pouront. Cette affaire n’est pas la seule que M. Nairac sera dans le cas d’adresser a vos amis, et jespere quenl’interet que vous prenez a eux, engagera M. votre grand pere dans le tems a ne me pas refuser la grace que je lui demande. Si cependant, contre mon atente, cela pouvoit lui deplaire, et que vous croyez qu’il ne fit la chose qu’a regret je me désiste entierement de ma demande, ne desirant que de conserver L’amitié dont il a bien voulu me donner des marques si touchantes, et la preferant a toute autre chose je sens toute l’indiscretion qu’il y a, mon ami, a vous importuner comme je le fais, par des demandes continuelles jespere comme je vous l’ai deja dit que votre amitié l’excusera, je n’aurois jamais pris la Liberté de le faire si la reconnoissance que je dois a M. Alex. Nairac pour tout ce qu’il a fait pour moi ne m’y eut engagé. Soyez sur que sans un motif aussi puissant je n’aurois jamais agi avec vous comme je me vois forcé de le faire. Mais metez vous a ma place, si vous deviez tout a quelqu’un ne passeriez vous pas sur presque toutes les considerations qui retiennent dans certaines bornes dans la société pour lui prouver votre reconnoissance, surtout lorsque la personne a qui il s’agit de demander un service vous donne le droit de Lappeler mon ami. Jamais je ne fus insdiscret [sic], ce défaut est diamétralement opposé a mon caractere, aussi jamais de ma vie je ne me suis trouvé dans une position aussi genante que celle ou je suis dans ce moment.

Je vous fait mon compliment bien sincere sur la place que vous avez obtenue, j’ai cependant deux reproches a vous faire le premier de ne m’avoir pas appris votre bonheur sur le champ, le second de ne m’avoir pas recommandé de le taire, car rien ne me fait plus de plaisir que de savoir mon ami heureux et de le publier, vous avez retardé mes plaisirs en ne m’apprenant pas sur le champ ce qui vous est arrivé et vous avez pensé me causer bien du chargrin en ne me recommandant pas le silence. Je vous aurois fait tord sans le savoir, mais une Lettre de mon pere a prevenu cet inconvénient.

Vous voila mon ami dans une passe brillante, sachez en user, mais n’en abusez pas il n’y a qu’un pas de l’un a l’autre; vous avez certainement beaucoup plus d’esprit qu’il ne faut pour vous preserver de cet inconvénient. Mais elevé dans l’opulence et n’ayant jamais vu que la fortune en face il seroit bien difficile que vous en connussiez tout le prix, si comme moi vous eussiez langui dans l’indigence et que vous ne Laissiez [l’eussiez?] vue que pardierre [par derrière?] vous sauriez bien mieux l’aprécier. Un instant un rien peut faire ecrouler l’édifice, quand il ne reste que de la fumée cela est bien facheux. Usez, usez de l’instant ou elle vous rit; ne négligez rien, poussez la au point le plus haut, mais ayez toujours un corps de réserve, jouissez de la plus grande partie car l’homme qui ne voit que l’avenir n’est qu’un sot, qui sait si nous serons demain? Mais celui qui ne voit que le present a autant de tord, menagez vous donc toujours des ressources, croyez moi les tems peuvent changer, et s’il ne vous restoit que des regrets vous y songeriez, mais trop tard. Excusez mon sermon c’est Lamitié qui la dicté, vous trouverez peutetre mauvais que je vous donne des avis, vous avez sans contredit tout l’avantage sur moi du coté de l’esprit et des connoissances, mais vous navez pas été malheureux, et j’aime mieux vous deplaire que de songer un jour que je n’aurois pas rempli les devoirs des sentiments de l’amitié que vous a voué pour toujours

Le Veillard

Je vous remercie de votre poudre, l’occasion que javois est arrivée ici comme je lui écrivois de vous en debarasser, jen cherche une autre, si de votre côté vous en trouvez une vous m’obligerez.
Endorsed: Le Veillard Junior 17 Dec. 82
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