Blanchette Caillot to William Temple Franklin (unpublished)
No 7 ce 9 janvier 1786

oh mon bon ami! comment vous demander pardon? Vous m’aviez ecris et je vous accusois! Mais aussi ce voisin qui en me donnant de vos nouvelles et en me disant que vous êtes arrivé m’annonce que vous n’aviez écris qu’a lui et qu’il n’y avoit pas le plus petit mot pour moi. je tachois mon aimable ami de me persuader que vous n’aviez pu faire autrement, je l’avoue j’avois de la peine a me le persuader, un seul mot est si tot écrit, enfin j’attendois avec impatience l’arrivée d’un second vaisseau quand Be…(qui depuis du tems est revenu de londre) me dit que Mon houdont ètoit revenu de votre heureuse patrie, qu’il avoit débarqué en angletere et qu’il lui avoit apporté des lettres de Mlle. al…Vous imaginez bien mon émotion et mon impatience, à tout instants j’attendois une lettre, enfin le 5 de ce mois M…me remit un paquêt. Oh! mon bon ami! quelle joie! je l’ouvre eh bien! C’ètoit la premiere lettre que vous m’ecrivites en sortant du Vaisseau. J’ignore pourquoi elle a été si long-tems à me parvenire je vais le demander à notre obligeant voisin, comme c’est lui qui me l’a envoyée peut-être il pourra me donner quelques éclaircissemens.

Votre lettre ma prouvé que dans le tumulte et l’extrême embarras de votre arrivée votre Blanchette ètoit à votre pensé, comme elle espere ètre dans votre coeur; elle ma donc fait un doux plaisire, mais bon dieu! qu’elle m’ut rendue heureuse si elle étoit venue dans le tems où je devois la recevoir. Quand Md le B…me demanda si vous m’aviez écris je lui dis que oui, en verité mon ami je ne voulois pas qu’un autre que moi put vous accuser de négligence, on veut bien que ce que l’on aime ait des défauts on ne veut pas que les autres le sachent. Mais mon bien aimé n’en à peu non! il est parfait il m’avoit écrit, il avoit pensé à sa tendre Blanchette. Que je suis heureuse de ne vous avoir pas trop Grondé dans mes numeros 1, 2, 3, 4, 5, 6 vous receverez tous ces chiffons je ne sais quand ce qu’il y à de sure c’est que je les ai écris et que j’en aurois écris bien davantage s’il m’ut été possible, car mon bon ami je n’ai pas de plus doux plaisir que celui de causer avec vous.

Je ne réponds pas à l’article de votre lettre relativement à la recéption de votre respectable pere, mes autres No vous en parlent et vous diront combien j’ai été touchée du juste hommage que l’on a rendu à ses vertus. Vous me recommandez encore de vous écrire, de vous aimer, vous [illegible] vous voyez que je suis obéissante, vous aimez, oh mon bien bon ami! pui-je faire autrement? ah pour la vie! pour la vie! c’est bien sure!

Je suis encore dans la douce ésperance de recevoir bien tot une lettre de vous, car surment vous avez profité du dèpart de l’artiste pour écrire, j’imagine que notre cher voisin ne me fera pas attendre, au surplus je vais le lui demander, en verité je serai sur des épines, j’usqu’a ce que j’aie reçu ce cher paquêt.

J’ai encore bien des chôses à vous dire je ne sais pas si malgré mon énorme papier et ma tres petite écriture j’aurai la place qu’il faut à mon babil étérnél. Il faut pourtan que je vous parle de moi, de ce que je deviens et par ci par la tâcher de gliser un tendre et joli je vous aime, le tout pour rendre la naration plus intéressante.

Eh bien mon bon ami rien de changé dans mon sort je n’ai qu’a me louer des égards et des attentions de…quelque fois un peu de satire, est le seul chagrin qu’il me donne, encore est-ce toujours devant le monde de maniere qu’il n’y à que moi qui l’entende, par ce moyen il évite les explications. Il vient de me mener à paris j’y ai resté quinze jours pendant tout ce voyage il a été tout sourir et complaisance, je sais que vous n’aimez pas que je vous dise trop de bien de lui. Oh! mon ami! ne craignez rien! Je donnerois ma vie pour lui mais je ne puis lui rendre mon coeur.

J’ai été deux fois chez les B…J’ai été reçue à bras ouvers, vous vous souvenez sans doute d’avoir remarque qu’une visite que nous leur fimes ensembles resembloit à celle de colin à janot, hors, pour éviter l’air de la protection que je ne puis souffrire, ni suporter, je me suis envelopée d’opulence. Je ne sais si je dois vous conter en détaille. Vous êtes surment si raisonable depuis que vous êtes dans le pays de la raison, que vous allez peut etre me trouver frivole. Au surplus je compte sur votre indulgence. Ecoutéz. Un négligé des plus élégant, une voiture léste, de baux chevaux, tout cela marchoit avec moi ce qu’il y a de sure c’est que le fâde personnage en a fait sa reverence de deux Grand pouces plus bas. La soeur de Mé…dont la fortune augmente tous les jours, m’avoit prété tout cet atirail, comme cette famille est changée! Bon dieu! Comme le faste est dangereux et triste! Si vous saviez comme on s’ennuy avec Grandeur dans cette même maison autrefois si gaie au surplus le coeur de la petite amie ne l’est pas, pour peindre sa joie en me voyant n’est pas en mon pouvoir, ses pleurs sa tendre émotion. Oh! mon ami j’ai bien raison de l’aimer de toute mon âme. Vous savez qu’elle est richement et heureusement mariée, j’ai fait connoissance avec son mari, je ne l’ai pas assez vu pour le juger, je le crois d’un caractere doux, je crois aussi qu’il sait apprecier sa femme, c’est baucoup pour moi en sa faveur, il a d’ailleur une charmante tournure, vous savez que je suis françoise de ce côté et que je fais Grand cas d’une charmante tournure. Md. p…est changé à ne la pas reconnoitre en la regardant je félicitois mon bien aimé à part moi de ne lui pas appartenire! En verité mon cher on a pas d’idée d’un changement pareille, il est vrai qu’elle est encore prête d’accoucher, peut etre sera t’elle mieux apres, mais je ne le crois pas.

Adieu mon bon ami il faut une fin à tout, a ce qu’on dit (je ne vois poutant pas trop pourquoi) je voulois éviter une envelope, on prétend qu’il ne faut point mettre d’envelope quand on écrit à un anglais, malgré le grand papier je ne puis l’eviter, je vous envoye donc une chanson qui m’a parue charmante et qui peut tenir dans ma lettre. Adieu adieu mon bien bon ami il faut que je vous dise encore que je me porte bien j’ai cependant eu un peu de chagrin mon fils a été malade mais comme de sa maladie il en est resulté six dents je me trouve forte heureuse de mes peines ma fille est toujours jolie et bonne enfant, j’ai embrassé la chere personne comme vous me l’avez recommandé elle a été bien sensible à votre souvenir. Adieu adieu mon bon ami écrivez moi quand vous reviendrez c’est trop long, et trop loin. Je vous ecrirai aussi tot qu’il me sera possible.

Je ne sais si dans ma lettre je vous ai dit que je aimois toujours eh bien mon cher n’en doutez pas car c’est bien vrai.

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