From — Truffé (unpublished)
Troyes le 9e Mars 1784
Monseigneur

Guidé par les sentimens de l’humanité, permettés que j’aye l’honneur de vous en peindre icy un Tableau qui en est des plus susceptible. C’est au sujet d’une de vos compatriottes jeune femme d’environ vingt-ans d’une education aussi belle quelle est jolie et qu’elle inspire d’interest. La situation critique dans laquelle elle se trouve y contribue encore pour beaucoup. Madame Rebecca Allere, c’est le nom de son mary actuellement à Philadelphie ou Newyork pays de l’origine de ce couple. Le dernier est parti en may dernier D’Ostande sur le vaisseau…laissant sa femme dans un couvent d’augustines à armentieres avec un enfent de deux ans qu’elle à avec elle, alors encore trop jeune pour faire un trajet en mer aussi considerable.

Mr. Allaire dans l’intention de faire des remises à son epouse aussitôt son arrivée, n’avait laissé d’argent que pour six mois de pension, probablement il sera arrivè quelque accident à Lequipage dont on à aucunes nouvelles, ce qui met la personne en question dans le plus cruel embarras. Les Dames D’armentieres voyant cette dame sans argent lui signifierent plusieurs fois qu’il n’etait pas d’usage de garder des pensionnaires etrangeres sans pension payée d’avance et finalement on é conduisit, avec charité, la pensionnaire. Sortie de ce digne lieu elle vint à Lille ou dabort, elle fût comme etrangere, obligée de payer le double de ce quelle aurait du, pour se faire conduire a Amiens, ou elle esperait trouver une anglaise de sa connaissance qui lui doit 25. Louis, qui devaient la mettre à son aise pour rentrer au couvent. A Amiens, ce fut la ou je la rencontrai point d’anglaise et par consequent point d’argent, que faire sans ce nerf. Par hazard j’eus conversation avec cette Dame qui venait d’arriver comme moy le 9e Jeanvier dernier, je n’eus pas de peine à m’appercevoir qu’elle etait dans Le chagrin. Mon ame en fut autant emüe que penetrée de la voir avec un enfent de deux ans, seule dans une voiture de Louage exposée à la rigueur du froid le plus excessif, surtout sans argent. Piqué de curiosité je voulois savoir ce qui la chagrinait, et elle me racconta avec confiance son avanture en me disant quelle ne savait de quel côte donner de la tête, que son parti etait pris de s’empoisonner et son enfant, ne pouvant sortir de l’hotel faute D’argent. Je fremis de cette resolution et alors je pris celle de la conduire moy même a Paris, dans ma voiture, sur ce qu’elle me dit encore que Monsieur Gay, connaissait beaucoup son mari, et qu’elle pourrait implorer sa protection pour repondre d’elle dans un couvent. Nous partons le 11e pour Paris et arrivons le même jour. Le landemain rien de plus empressé que d’aller trouver elle même Mr. Gay alors absant. Madame fit beaucoup plus de caresses à l’enfent qu’à la mere qui revint à l’hotel d’hollande rüe du Douloy, mon hotel ordinaire, ou Made. allaire est encore aujourdhuy. C’est alors que son desespoir redoubla; il falloit que je partes le landemain pour regagner mes foyers que j’avais quittés depuis quatre mois; le chagrin de cette dame augmentait, à Paris sans argent, sans connaissances sans ressources, c’est une situation bien cruelle. Enfin sa resolution d’amiens me revenait souvent, je parvains à savoir d’elle de quelle maniere elle devait executer son projet. Elle etait munie d’un paquet d’arsenic en poudre dont je m’emparai, malgré elle à l’ouverture de sa malle assès bien fournie en Linge en general, quelques pieces d’argenterie à l’usage de la table, Tayere etc. etc. même quelques bijoux. Comme il fallait que je quitte paris, je pris le parti de la reccommander à l’hôte de l’hotel d’hollande en lui raccontant à peu près l’avanture de l’infortunée et je fis prix avec lui à raison de Trois Livres par jour pour Logement et nouriture de la mere et de l’enfent, juscasque ce qu’elle eut trouvé quelques anglais ou ameriquains de sa connaissance qui puissent lui procurer les resources necessaires pour attendre des nouvelles et des remises de son mary ou de sa famille. Suivant ce quelle me remarque, en consequence des demandes de l’hôte pour être payé, elle est dans le plus grand desespoir, puisqu’elle m’avoüe un second projet d’aller se jetter à la riviere avec son enfent, si je ne lui procure des ressources necessaires à sa situation. Je ne crois pouvoir mieux m’adresser pour un acte genereux, qu’à un compatriote bienfaisant après vous même vous êtes ecclerci de l’aventure par l’avanturiere elle même. D’aprés les lettres quelle porte du negt. d’hollande qui à fait embarquer son mary, les quittances du Couvent d’armantieres, vous ne trouverés que des marques de vraisemblance. Ajoutés à cela son intention de se faire mettre au couvent Par Monsieur Gay ou autres en arrivant à Paris, sa conduitte à l’hotel depuis qu’elle y reside, le refus qu’elle à fait d’aller loger, chés une Dame Marquise ou contesse de Saucour, qui avait été penetrée de sa situation, sur ce qu’en avait racconté un Comte de…logé au même hotel, de peur de se compromettre, parcequon lui avait peint Paris comme une antre d’indignités pour une femme honnete. Elle vous dira en outre qu’elle est connue des parents de Madame la Duchesse de Manchester à Londres, je ne sais même si elle ne leur à pas ecrit…mais on est plus affecté du malheur des gens, quand on les y voit réellement. Suis avec le plus profond respect Monseigneur Votre trés humble et trés obeissant serviteur

Truffé
negociant
Endorsed: Truffé 9 Mars 1784
641007 = 041-u412.html