Blanchette Caillot to William Temple Franklin (unpublished)
St G[ermain] ce 30 aoust 1785   No 3

J’ai fait peu de tems ce voyage ci mon bon ami, je n’ai qu’un jour et demi encore la plus grande partie est elle employée, il faut que je prénne sur ma toilette, heureusement que cette toilette n’etoit pas pour vous j’i prends peu d’interet. J’avois envie de me servire de petit papier mais cela vous méttroit peut-être en colere, et je ne veux vous mettre en colere que quand je serai la pour vous appaiser.

Que je me suis trompée! quand j’ai pu suposer que j’aurois plus de calme dans l’ame lorsque vous seriez plus loins de moi, mon ami c’etoit faire une injure au tendre sentiment qui nous unit, mais j’en suis bien punie, helas! je n’ai fait que changer de peines et d’inquietude! A présent je crains le voyage, je crains pour votre bonheur, je crains pour notre cher papa, je crains…faut il vous le dire, je crains la perte de votre coeur; c’est qu’aussi! cet éloignement est bien loins! Et puis je tremble pour votre santé, enfin, je ne puis vous éxprimer à quel point je me tourmente avec ma malheureuse imagination, le pire est que ce tourment ne finira, qu’a la récéption de votre premiere lettre, qui me dira que votre voyage aura été des plus heureux &c &c… et que par conséquent je n’ai pas le sens commun, dieu le veuille mon ami! Je ne demande pas mieux que de déraisonner quand je ne vous croirai pas aussi heureux et bien portant que mon coeur le désire.

Je ne sais pas encore quand les vaisseaux partent pour la terre promise. J’ai envoyé Mi…à paris avec une petite lettre au voisin, je lui demandois le tems au juste ou il falloit envoyer les dépêches chez M[ssrs] Cj…car je ne veux pas les envoyer chez lui et pour cause, je crains trop ses femmes, pas de voisin! Il etoit à la campagne. Mi…m’a raporté mon billet me voila donc encore avec mon ignorance, mais écrivant toujours, d’un autre coté; la Bé est parti avec ses cousines, le petit [perfide] n’est pas seulment venu me dire adieu, il auroit pu me donner des instructions, ah! quand une fois ces hommes se mêlent d’être infidels! Je vous dirais en passant que le départ de vos parentes me fait du chagrin, j’avois une sorte de consolations a les rencontrer de tems en tems, elles vous aiment, elles vous connoissent, enfin il me semble que c’est encore une éspece de séparation avec ma chere petite éxélence. Oh mon ami! mon bon ami! vous m’êtes bien cher je vous le jure.

J’ai encore un autre embarras je ne veux pas que l’on voye chez Mon G…le timbre des mes lettres j’avois imaginé de les envoyer à Mi…qui les fairoient porter rue des [illegible], il m’a déja rendu ce service une fois, mais le voila qui part pour l’italie. Je ne sais plus comment faire. Il faut esperer que je trouverai quelqu’autre moyen, ce que je puis vous assurer c’est que de télle façon que ce soit je ne passerai jamais un mois sans vous écrire.

J’ai vu le pere Br…Il m’a parlé d’un mariage pour son aimable fille, je crois que ce pourroit bien être pour le mois d’octobre prochain, le pérsonnage est fils unique et a de la fortune, mais ce qui me semble baucoup plus interessant c’est qu’il n’a que 27 ans et qu’on le dit fort aimable. Au surplus je ne sais ni son nom ni son état même ce que le papa m’a dit êtoit en grande confidence, je vous le dis de même car vous savez que mon coeur n’a rien de caché pour vous. En vérité mon ami je suis fort contente que cette charmante amie se marie pendant que vous n’y etes pas, je l’aime de toute mon âme, cependant pas assez pour lui faire le sacrifice de ma petite éxélence. Il faut que je vous parle un peu de moi ma santé est assez bonne, mon coeur seul est malade, je méne une vie qui ne me paroit plus insuportable, depuis que je n’ai plus l’espoir de vous rencontrer je ne désire plus sortir de ma retraite, je suis presque toujours seule, éxépté une fois par mois que je viens à St G…passer le tems de [illegible] ma plus chere occupatiton est de lire le précieux romans de [illegible]. Oh mon bon ami! quel auteur! Comme il est vrai! que les femmes sont dificiles a contenter est ce que je ne m’avise pas de le trouver par trop froid. Et puis définissez la femme.

Et vous mon cher ami aimable ami que faites vous loin de moi? Vous m’aimez toujours? Oui toujours n’est-ce pas? Que le memoire de pa[ssy] reste a jamais dans [illegible] Helas! ces jours de Thé, ces petit [souper?], dont votre vénérable pere étoit [au?] grand [cercle]. En un mot, un regard, et nous nous entendions, et enfin tant d’autres instan[ts] si doux tout cela n’est plus qu’a notre pensé mais que ce soit pour notre vie. Pour moi je puis vous jurer que je ne passe pas un instant sans m’occuper de vous, je puis vous jurer que si je n’avois pas eu de liens je vous aurois suivi sans inquietude! Avec quel plaisir j’aurois mis mon sort entre vos mains! Mon bonheur eut été de tout tenir de vous, que la reconnaissance m’eut paru facile et douce!

Adieu mon cher f. Je crois que je serai assez mal-peignée vous le jugez bien à ma lettre, mais vous plaire est tout ce que je désire, et vous êtes trop loin pour que j’ay ce besoin de parrure! Adieu mon tendre et aimable ami comme tout ce qui m’interesse vous est cher il faut que je vous dise des nouvelles de mes enfants, ils se portent tres bien. Vous m’avez souvent vanté la jolie mine de ma fille mais je crois qu’il n’est pas possible de trouver une plus charmante créature que mon petit Fils…Oh ce lui-la fera tourner bien des têtes! Adieu adieu. Ecrivez et aimez

Blanchette

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