From — Antheaume (unpublished)
Rennes, Ce 12 Xbre. 1782
Monseigneur,

La Sublimité de vos vertus et La Candeur de vos moeurs qui font depuis Longtems L’admiration de L’univers dans la Sagesse du Puissant Gouvernement dont vous etes regardés comme le nouveau legislateur, Fait prendre en ce Jour à un honnête Pere de Famille, la liberté de vous présenter Sa Situation, et les moyens qu’il auroit de se procurer un sort heureux otorisé de cette Légitime ambition mere de L’activité gissante dans le Coeur de tous les hommes qui ont pour but le plaisir d’etre utils à L’humanité; ce qui seroit si J’avois le Bonheur de mériter votre confiance.

Mon Procedés est hardy, n’ayant pas L’heureux avantage d’etre connûs De Votre Grandeur, J’en conviens; et d’avance si ma priere à le mal’heur de n’être pas accueillie assés Favorablement pour ne pas tolerer mon Entreprise en raison de ma qualité de Pere tendre, et infortuné.

J’ai L’honneur de suplier très respectueusement Votre Grandeur, de m’honorer de cette Bonté qu’elle répand si Généreusement envers tous ses Freres; au moins ôse Esperer quelle m’accordera mon pardon en vertu du principe de L’Evangile qui dit; Cherchés, vous trouverés. Frapez, L’on vous ouvriera; Demandés, il vous sera accordés.

Je suis Fils d’un Pere et d’une mere que les mal’heurs de L’agiot ont réduits à une aisance modique; qui ce sont acquits une réputation distinguée par la pureté de leurs moeurs; mais qui ne m’ont laissé pour héritage que la délicatesse de leur sentiments et la Profession que Je possede, desquels bienfaits Je cheris la mémoire. J’avois une soeur unique qui à eût le Bonheur de nourire Feu Madame, Premiere soeur de Sa Majesté Louis 16, et de la Fortune considérable dont elle à Jouï elle ne m’a pas Fait part d’une obole, elle ne s’est pas même occupée du soins de postuler le moindre employ pour moi a la Cour. Désirant me procurer un Etat, J’ai à L’age de 13 ans pris celui de chapelier, et J’ose me flater L’avoir suivi avec Succés, divers mémoire que J’ai eûs L’honneur de donner à L’accademie des Sçiences en sont des témoignages autenthiques.

Il y à 23 ans que J’ai monté manufacture a Paris; a peine ai-je été Etabli, que le sort Jaloux de me voir prosperer ma précipites par les Foudres du revers; ne voulant point déposer de Bilan, J’ai mieux aimer S’acrifier ce qui me restoit pour payer mes Créanciers. J’ai végété pendant deux ans sans état; au bout duquel tems J’ai formé une Société avec un nommé (Agliani) Banquier à Paris pour elever une manufacture dans le Berry sous la Protection et Bienveillance de M. Du Pré de St. maur pour L’ors Intendant du Berry, et actuellement de Bordeaux. Mon associé Fit une Banqueroute Frauduleuse considérable, et me laissa dans L’embarras, sans Fonds, et 37 mille Livres de Lettres de Changes protestées dont J’ettois tireur, et qu’il m’a fallut payer ce que J’ai encore Fait sans vouloir déposer de Bilan pour une seconde fois.

En 1776 Je me suis présenté aux Etats de Bretagne sachant qu’ils désiroient posseder un Fabriquant de Paris pour édifier une manufacture de Chapeaux Fins dans leur Province; Les Etats m’ont fait La grace de m’accueillire et de m’accorder avec leur Protection; une Gratification de 4% de la Valeur de Chaque Castor, et celle de 2% de la Valeur de Chaque Demis castor que J’y Ferois Fabriquer. N’ayant de seul Biens, que mes Bras et mon talent; Mg L’Evêque de rennes, M L’Intendant et M Beaugeard trésorier de la Province, Sous les bons renseignements quils prirent de la verité de mes mal’heurs et de la pureté de ma conduite; me firent présent de chaqu’un 25 Louis, avec laquelle somme je me suis transportés à Rennes avec ma femme et mes enfans pour y monter la manufacture désirée. Ce peut de fonds ne me permettant que la faculté de faire construire les outils et atelliers necessaires aux traveaux, Je formés un prospectus de 400 actions de 300 lt Chaque pour un fonds de 120 Mil livres. Mes Bienfaiteurs et 20 autres personnes des plus notables de la Ville se réunirent pour me Fournire Ces Fonds que J’ai depuis 5 ans. J’ose me flater que la nettés [netteté?] de mes Comptes et de ma gestion m’ont Fait mériter leur confiance; mais aussi ai-je le désagrement de ne pas pouvoir faire Fructifier ces mêmes Fonds, parceque la majeur partie de mes interressés étant Financiers ne connoissent que la manutention de L’espece de sortes qu’il m’est impossible de les soumettres aux usages du Commerce, ils ne veulent point accorder de Crédit même aux meilleurs maison et voudroient L’orsqu’on leur Demandes, qu’on leur Fournissent des traites acceptées de Banquiers les Plus connus; ce qui revolte tous les commettants et me laisse dans la plus grande perplexité, J’aurois fait plus de 300 mil Livres d’affaires depuis un an si J’avois travaillés seul avec mes Fonds au que J’eus eûs avec moi un Bailleur négociant. Ce deffaut de confiance dans le Crédit me cause, Monseigneur, le tort le plus préjudiciable par les entraves qu’ils mettent à ma Circulation, et J’ai La douleur de voir qu’une manufacture aussy bien montée et susceptible de faire le plus beau Commerce est réduite a vegeter.

J’ai Par Exemple la Connoissance de MM. Lacaze et Malet de Philadelphie avec lesquels je suis a même de léver une Branche de Commerce très importante, leur lettre incluse que J’ai L’honneur de vous Faire passer, vous convaincra de cette verité, mais je ne puis profiter de l’avantage quils m’offrent ayant tous nos Fonds sur mer, et la Compagnie ne voulant point en fournire d’autres, et voulant d’ailleur attendre que ses Fonds soyent rentrés pour operer en Chapeaux seulement du produit des retours je me trouve dans l’inaction.

Vous sentés, Monseigneur, L’importance de travaillier avec cette maison dans une contrée que la sublimité de votre Genie và Eriger le théâtre du commerce avec l’univers entier; 1º L’exportation que Je suis a même de leur faire des denrées de notre Province, en toilles, Fils, Chapeaux, etc. par La proximité de nos ports de mer. 2º L’importation quils sont dans le Cas de me faire du produit de votre Continent singulierement en pelleteries; avantage trés considérable pour ma manufacture, ce qui me mettroit à même d’associer leur maison avec la mienne pour La plus grande Extention des affaires, dont la probité seroit le Guide; J’ay même mon Fils ainé agé de 22 ans, ayant des moeurs et du talent dans mon état que J’envoye à Ces MM. par L’occasion de 5 vaisseaux qui sont en Charge à L’orient pour Philadelphie et qui partiront dans le Courant de Janvier.

Je prend aussi la liberté de Joindre a la lettre de MM. Lacaze et Mallets, un Extrait du Compte rendu par moi à mes actionnaires le 1er avril dernier, terme ou fini mon année de Comptabilité annuelle, pour vous donner une Idée de ma capacité dans le tenüe du Commerce étant moi même mon teneur de livre.

Enfin, Monseigneur, ayant pris sur moi la Liberté de vous Exposer ma Situation, Je L’ai fait avec autant de sincérité que de confiance, elle est dictée par L’Effusion d’un Coeur pénétré de L’admiration de vos vertus. Je mestimerois le plus heureux des mortels si ayant le Bonheur de vous être recommandé par quelqu’uns que vous honoreriés de votre Considération; J’avois celui de mériter votre Confiance et d’avoir part dans vos bontés, Je pourois alors esperer Les moyens de rembourcer mes actionnaires pour travaillier seul avec cette maison, ou du moins environ 30 mil livres pour Leur expedier les toilles quils me demandent et que nous avons en notre Province de très belle qualité et à bon Compte ainsy que des toilles a voiles qui se Fabriquent en notre ville, duquel produit Je vous rendrois, Monseigneur, le Compte le plus Epuré pour disposer de la portion des Bénéfices en faveur des personnes que vous désireriés, ne réservant pour moi que celle quil vous plairoit m’accorder.

Si ma priere est infructueuse, J’aurai eût au moins L’heureux avantage de L’adresser au plus grand de tous les hommes qui guidant ses pas dans le sentier qui conduit au sein de L’Eternel ne dédaignera pas le respectueux hommage de la pureté des voeux que J’adresse Chaque J’our au Ciel pour la Conservation des Précieux Jours de Votre Grandeur, de laquel Je suis avec un trés profond respect Le trés humble et três obeissant serviteur

Antheaume
Entrepreneur, et Directeur général de la
Manufacture Royale de Chapeaux Fins
A Son Excellence, Monseigneur, Franclin Chef du Congrés
Endorsed: Antheaume 12 Xbre. 1782.
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