From Louis Garanger (unpublished)
auhavre le 24 janvier 1777.
Monsieur

Je suis arrivé ici précisement dans le même tems que vous débarquiez a Nantes. M. Brisson qui a eu l’honneur de vous voir pendant le sejour que vous avez fait il y a un certain nombre d’années a Paris, m’avoit fait l’amitié de me remettre une lettre de recommandation pour vous: je crois devoir vous l’a faire parvenir et vous faire communiquer en même tems par mon ami les certifficats que plusieurs membres de l’academie des siences m’ont delivrés, d’apres le zele et l’application avec lesquels j’ai travaillé sous leurs yeux; les circonstances ou je me trouve m’obligeoient a vous ecrire; pouvoi-je dans cette occasion, me refuser a l’espoir de meriter l’estime d’un homme aussi celebre que vous.

Quoique je ne sois agé que de 36 ans il y en a 21 que je suis au service du Roy dans son corps de l’artillerie; il est vrai que les services de mes parens dans ce même corps, m’avoient procurés l’avantage d’y etre reçu fort jeune. J’avois a 20 ans fait assés de progrés dans les mathematiques pour etre jugé en etat de les professer dans nos ecoles; et depuis ce tems jusqu’a la reforme des eleves faite en 1772 j’ai toujours eté employé a toutes les parties theoriques et pratiques si multipliées dans ce corps: enfin depuis environ cinq ans que mon sejour aux ecoles d’artillerie etoit borné a quelques mois pendant lesquels les exercices sont le plus en vigueur, j’ai profité des secours que d’habiles academiciens ont bien voulu me donner, pour etendre et augmenter mes connoissances. J’ai sollicitté avec le plus grand empressement, Monsieur, pour etre autorisé a passer en amerique, et mes illustres protecteurs m’ont fait obtenir du Roy le brevet de Capitaine de bombardiers, et a mon frere qui a quelques années de service, celui de Lieutenant.

Nous sommes ici depuis six semaines, et nous comptions n’y pas rester six jours, notre bourse est epuisée, nous avons contractés quelques dettes et nous avons encore a nous pourvoir de bien des choses—quoique nous ayons deja depensé cent louis pour nos equipages. Je n’ai reçu de M. duCoudrai que vingt cinq louis acompte sur nos gratifications; sans doute elles monteront a 75 louis savoir 50 pour mon grade et 25 pour celui de mon frere; nous n’avons reçus aucunes avances sur nos apointemens. Je vous laisse a decider, Monsieur, quel secours en argent vous nous ferez passer. Je prendrai seulement la liberté de vous observer qu’il nous est indispensablement necessaire. Si vous voulez remettre cet argent a mon ami il m’en enverra une lettre de change et vous evitera tout embarras a ce sujet. Je suis avec un profond respect Monsieur Votre tres humble et tres obeissant serviteur

Garanger Capitaine de Bombardiers

T.S.V.P.

[On verso:] Je vois a regret s’ecouler des momens que je desirerois employer utilement pour coôperer au succés de la cause dont j’ai embrassé la deffense avec la plus grande ardeur; si vous etiez informé que je ne dusse pas m’embarquer de quelque tems et que vous me jugiez capable de vous etre utile en quelque chose en me rendant auprés de vous, ou pour tout autre objet que ce puisse etre, vous n’avez, Monsieur, qu’a me donner vos ordres et etre sur que je les executerai avec autant de Zele que si j’avois deja l’avantage d’etre votre concitoyen. Si je dois partir bientôt, je serois bien flatté que vous voulussiez me donner un mot de recommandation pour quelqu’un de vos amis.
Notation: Garanger, Le havre 24 Janv. 77
627413 = 023-227a001.html