Permettez qu’un admirateur depuis 35 ans au moins de vos grands talens vous adresse la lettre ci jointe, elle servira de preface à quelques idees que j’ai mises par écrit ces jours passes et que je viens de donner à l’imprimerie.

Un personnage distingue de la Haye m’envoya il y a 6 semaines les Observations de M. l’Abbé de Mably, sur les differentes Constitutions de vos Republiques, et en souhaita mon avis. Je parcourus avec empressement cette brochure et je fus étrangement surpris de me trouver à la fin sans avoir été arreté par une seule remarque qui eût merité mon attention. Je n’ai pas reconnu dans cette production M. de Mably, mais plutot un chirurgien doux, qui flatte les plyes qui vont devenir funestes à votre Patrie, si on n’y employe pas le fer promptement et avec prudence. J’ai fait quelques remarques sur les Observations de M. de Mably et sur les principales de vos constitutions. J’ai pris la liberte d’en exposer avec franchise les fautes que je crois y avoir remarquées, et j’enverrai cet ouvrage dans une 15ne de jours à mon ami de la Haye.

La liberté dont j’ai cru devoir faire usage dans cette production, m’oblige à rester caché derriere le rideau, mais si vous en souhaitez un exemplaire, vous pouvez Monsieur le faire venir de la Haye ou M. Adams le connaitra d’abord par le cannal de mon ami à qui je l’enverrai par la Poste.

Il y a quelques années que je travaille à un ouvrage qui aura pour titre le Developpement de la raison en 4 gros ou 6 volumes mediocre 8º. Je me suis apperçus qu’une des principales causes de la coruption générale des moeurs, est l’ignorance où croupit la plupart du genre humain. Je me suis appliqué à l’instruire. Quelques grands hommes qui ont parcouru mon mss. (?) qui est fini, m’ont assuré que j’y ai reussi. Je pensois de l’envoyer pour le faire imprimer à Paris ou à la Haye. Pour peu que cet ouvrage pût faire plaisir ou être de la plus petite utilité aux Etats-Unis, je me ferois un plaisir de leur en faire hommage: d’autant plus que mon ouvrage est bien plus propre à conserver les moeurs là où il y en a, qu’à les ramener où il n’y en a point, comme en Europe où mon ouvrage ne fera pas une fortune brillante. En un mot, Monsieur, si je pouvois être de la moindre utilité à votre respectable pays, je le ferois avec un très grand plaisir.

Je lis les Affiches où le journal General de France que fait à Paris M. l’Abbé de Fontenai rue St. Hyacinte la 3e porte cochère à droite par la place St. Miche, si vous trouvez chez moi quelques choses qui meritât votre attention, vous pourriez faire demander par cette feuille que l’Auteur du Developpement de la raison se fit connaître.

En attendant, j’ai lhonneur d’etre avec l’estime que vos grands talans ont su m’inspirer Monsieur Votre très humble et très obéissant Serviteur