From ——— (unpublished)
1.
[April 10, 1784]
Monsieur,

Vos profondes connoissances dans la Physique et dans les Arts, le génie également Simple et Sublime qui vous en a fait tirer des résultats si utiles et si nouveaux, et l’intérêt que vous prenez à mes recherches sur la Marine; m’enhardissent à vous Soumettre quelques idées que j’ai eues sur les moyens de diriger l’Aérostat.

Ces moyens different essentiellement les uns des autres. Je n’aurai l’honneur, Monsieur, de vous en proposer qu’un petit nombre, parceque, d’après vos principes, j’ai rejetté tous ceux qui se présentent à mon esprit, ne m’ont pas paru marqués au caractere de Simplicité qu’on observe dans les inventions les plus utiles aux hommes.

Addressed: A Monsieur Frankclin, / Ambassadeur et Ministre plénipotentiaire / des Etats Unis de L’Amérique.
Du Moyen de préserver L’Aérostateur des divers accidents qui peuvent luy arriver, quand il tombe Sur terre, ou dans l’eau.

La fortune a favorisé les premiers Aérostateurs, et leurs chûtes les moins heureuses, n’ont pas eu de Suites funestes. On voit cependant que plusieurs d’entre eux Sont descendus, je dirai même tombés beaucoup plus vîte qu’ils ne le pensoient et qu’ils ne l’auroient desiré; et Mr. Blanchard a eu de justes craintes de se noyer, ayant appréhendé longtems de tomber dans l’eau.

Un grand nombre de Physiciens de diverses Nations se proposant de faire de nouvelles expériences sur l’Aérostat, il Semble pour les intérêts de la Physique, autant que pour ceux de l’humanité, que le premier objet dont on doive S’occuper dans ce moment, Sur cette Machine, est d’y assûrer la Vie des Aérostateurs, quand ils tombent, et dans quelque lieu qu’ils tombent.

Le globe, on le Sait (tel qu’on le Voit fig. 1 et 2 Pl. 1re. est de toutes les figures, celle qui renferme le plus grand Volume Sous la moindre enveloppe et la plus légere. Si d’autres figures d’Aérostat, ainsi que celle marquée du chiffre 4, n’ont pas cet avantage, elles ont d’ailleurs une propriété très précieuse, celle de présenter dans les chûtes, une bien plus grande surface à l’air, et par conséquent, de les rendre Sans danger, Lorsque l’Aérostat tombe sur terre.

Il seroit également Facile de préserver l’Aérostateur de danger losqu’il tomberoït dans l’Eau; en faisant que toute la partie inférieure du char, fut une masse de Siége capable de le porter; et en disposant tellement le Char, que n’étant fixé sous le Cône que par un certain nombre de cordages passés dans des poulies, en lâchant ces cordages, le cône pût S’élever et abandonner le Char dans l’eau, où on le manoeuvreroit avec plus de Facilité que S’il tenoit au Cône.

De la maniere dont on pourroit employer le Vol des Oiseaux pour diriger l’Aerostat.

Le projet d’employer les Oiseaux pour diriger cette machine, a déjà été proposé; On a eu l’idée de faire usage de leur Vol, en les Prenant avec bien de la patience et du tems, comme on dresse les Faucons, ou divers animaux qu’on montre aux foires; mais, rendre l’homme, pour diriger l’Aérostat, maitre de toutes les espèces d’Oiseaux, lui donner le moyen de les forcer à voler, ou d’empêcher leur Vol, à Sa volonté; de faire voler tous ceux qu’il veut employer, dans une même direction, et de changer aussi Souvent qu’il est nécessaire, leur direction: c’est ce qu’on n’a pas encore fait, et ce qu’on a tenté dans l’Aérostat représenté fig. 3, 4 et 5.

Au bas de la Fig. 4, on voit un bâton très léger, sur lequel Sont Fixés des oiseaux. cinq tiges de fer ou de laiton s’élèvent perpendiculairement Sur le bâton, et Sont aussi parallèles entre elles. Celle du milieu pénètre au travers du batteau, et forme un pivot Sur lequel le bâton tourne Sous le batteau, comme une Eguille tourne Sur la Surface d’un cadran, et en parcourt tout le circuit.

Les 4 autres tiges terminent, comme on le voit, les espaces occupés Sur le bâton par les oiseaux: Elles Servent de conduit pour faire monter et descendre deux espèces de goutieres renversées. Ces Goutieres Seroient formées avec de la toile très fine et quelques Fils de fer: on les feroit monter ou descendre par des cordages fort petits, le long des 4 Tiges; quand on les descendroit, elles poseroient légerement Sur les oiseaux, et leur interdiroient l’usage de leurs ailes; quand on les éleveroit au contraire, les oiseaux Seroient libres de les déployer, et on les feroit sûrement voler en effet, en frappant Seulement des mains, ou en les touchant Légerement avec une baguette: et comme l’Aérostateur, qui Seroit dans le Char, pourroit tourner à volonté le bâton qui porte les Oiseaux, ainsi qu’on le voit par le plan de l’Aérostat, représenté fig. 3, il seroit toujours le maitre de faire voler les oiseaux dans la direction qui Seroit nécessaire.

L’Aérostateur pourroit même, comme on le voit fig. 5, Faire incliner le bâton en avant ou le relever; et Faire ainsi monter ou descendre l’Aérostat par le Vol seul des Oiseaux.

De l’espèce de Rame qu’il Faudroit employer pour diriger d’Aérostat.

L’Aérostat étant plongé tout entier dans le Fluide dans lequel il navige, l’espèce de rame que l’on employera pour le diriger ne peut être que très compliquée, parcequ’il faut que, dans un des premiers mouvements qu’on lui imprimera, elle présente une assez grande Surface à l’air qu’elle Frappe, et dans le mouvement contraire, quand on la remène au point d’où elle est partie, il faut que cette Surface disparoisse entierement, S’il est possible.

Si on établit Sur le char de L’Aérostat, les rames comme dans nos bateaux, il faudra beaucoup d’intelligence, et assez de tems pour ranger, par le moyen de ces rames, l’Aérostat dans la route qu’il doit Suivre. Pour simplifier l’emploi des rames dans l’Aérostat, je propose de n’en mettre qu’une Seule dans chaque aérostat, de la faire descendre au dessous du char, comme on le voit fig. 6 et 7, et de la disposer tellement, ainsi que je l’ai exprimé fig. 8, qu’en changeant le plan de la rame, en tournant l’axe sur lequel elle roule, l’homme renfermè dans le Char qui la fera mouvoir, puisse donner à l’Aérostat la direction qu’il voudra.

La maniere dont le Rameur déployeroit Sa force pour mouvoir la rame; et le moyen qu’il employeroit pour développer la Surface de la rame comme fig. 6, et la Supprimer comme fig. 7, me paroissent aussi Simples qu’avantageux. Cette rame, Si elle étoit détachée du Cylindre-XX, fig. 9, au travers duquel elle passe, S’ouvriroit et se fermeroit comme une paire de Ciseaux: Le Rameur ouvrant la rame en écartant les bouts d’en haut, développeroit sa surface, et en la poussant, frapperoit l’air avec force et avec vîtesse; il rapprocheroit ensuite les bouts d’en haut de la rame, Supprimeroit par ce moyen sa Surface, et la remeneroit au point d’où elle étoit partie.

On voit fig. 8, que les pivots du cylindre dans lequel passe la rame, reposent ou tournent dans des coches faites pour les recevoir. Si les pivots du Cylindre roulent dans les coches Situées dans la direction yy, en faisant dans ce nouveau cas, usage de la rame, on donnera une autre direction à l’Aérostat: d’où il suit qu’en multipliant beaucoup le nombre de ces coches qui reçoivent les pivots du cylindre, on pourra donner à l’Aérostat a peu près toutes les directions horizontales possibles, en se servant de la nouvelle rame.

Du Moyen d’employer les ailes du Moulin à Vent pour diriger l’Aérostat.

Les ailes d’un moulin tournent, quand elles Sont frappées par un Vent qui Souffle dans la direction de l’axe de leur révolution.

Si dans un tems parfaitement calme, les ailes du moulin frappoient l’air au contraire, en tournant avec une grande vîtesse, elles tendroient avec une force quelconque, à emporter le moulin dans la direction de l’axe de ces ailes; et Si le corps entier du moulin étoit transformé tout à coup en un Aérostat, elles le feroient mouvoir en effet dans cette direction.

Cela posé, Si on établit d’Une maniere quelconque, Sur un Aérostat des ailes semblables à celles d’un Moulin à Vent, et qu’on les fasse tourner avec une grande Vîtesse, elles feront, dans un tems parfaitement calme, mouvoir l’Aérostat dans la direction de l’axe de ces ailes; et si on les fait même tourner très rapidement, Lorsque l’Aérostat est mu par le Vent dans une certaine direction, elles changeront cette direction plus ou moins, Selon l’angle que l’axe des ailes du moulin formera avec la Ligne du Vent, Selon la grandeur de ces ailes, et Selon le rapport de la Vîtesse de leurs révolutions avec celle du Vent.

Enfin, si le Vent étoit très foible, et la vîtesse des ailes du Moulin très grande, elles pourroient faire remonter l’Aérostat directement contre le Vent, ou retarder la vitesse que donneroit à l’Aérostat un Vent plus fort, et par là, le rendre plus propre à recevoir des Voiles.

La Figure 10 PL. II représente ce nouvel Aérostat. On voit que le Moulin y est Suspendu comme la poulie d’un puits l’est au corps solide qui la Soutient, et par conséquent qu’il peut avoir les mêmes mouvements; c’est-à-dire, tourner sur son axe, et tourner aussi en haut Sur l’axe de son Etrier. Ainsi l’Aérostateur étant dans son char, pourroit toujours présenter à l’air calme, ou au Vent, les ailes du Moulin, sous l’angle le plus favorable pour la route qu’il voudroit Suivre; et il pourroit encore faire tourner le moulin, en tirant une corde Sans fin, qui passeroit dans une poulie, Fixée Sur son axe.

Je hazarderai encore une idée Sur la maniere de faire tourner le moulin: On pourroit y arranger au milieu, Une cage cylindrique, capable de recevoir un chien tourne-broche, qui feroit continuellement tourner le moulin: alors l’Aérostateur n’auroit d’autre occupation que celle de l’orienter favorablement pour la route qu’il voudroit suivre; manoeuvre qu’il feroit avec la plus grande facilité, si on descendoit les branches de l’Etrier qui reçoit les pivots du moulin, jusqu’à la hauteur de ses mains.

2 Sur divers moyens de diriger Les Aérostats.

[Plate I, Figures 1 through 6]

1. Différentes idées Sur la maniere de diriger l’Aérostat.

[Plate II, Figure 10]

2 Suite de la Lettre que j’ai eu l’honneur de vous adresser, Monsieur, le 10 Avril 1784, Sur les moyens de Diriger Les Aérostats.

Les hommes en général, et même plusieurs de ceux qui ont acquis de la célébrité, Sont souvent extrèmes dans les jugements qu’ils portent Sur les progrès des Arts. Quelques Philosophes Semblent n’avoir pas assez présumé des efforts de l’esprit humain, en avançant qu’on ne parviendroit jamais à diriger l’Aérostat; d’autres au contraire comparant à nos Navires, Sans y faire assez d’attention, une machine qui occupant dans l’aire Un Volume de 30,000 pieds cubes, ne peut pas porter plus d’hommes que nos plus petits Esquifs, ont cru trop légerement qu’on maitriseroit le Vent dans un Aérostat, comme on le maitrise dans un Vaisseau.

Cette espèce de désespoir peu fondé, et ces prétentions exagérées, ont nui aux progrès de la Navigation aérienne, et me donneront lieu, Monsieur, d’ajouter ici quelques observations à celles que j’ai eu l’honneur de vous adresser précédemment à ce Sujet.

De la Forme de L’Aérostat.

Si l’état presque constant des parties hautes et basses de l’Atmosphere étoit un calme parfait, il Seroit avantageux Sans doute de donner à l’Aérostat une forme oblongue, et même assez allongée, afin qu’en dirigeant par le moyen des rames, Sa marche dans le sens de la plus longue dimention, il divisât avec plus de Facilité l’air dont il est environné; mais cet état de l’atmosphere étant rare et peu durable, et les Aérostateurs ne pouvant Voyager promptement que quand ils Sont emportés par le vent, la Forme oblongue de L’Aérostat complique nécessairement la manoeuvre qu’on est obligé de faire pour le mouvoir, puisqu’elle force le petit nombre des Physiciens qu’il porte, peu exercés aux pratiques de Marine, de le ranger, de la maintenir continuellement par le moyen des rames et du Gouvernail, dans la route qu’il doit suivre. Cette Forme l’expose encore à divers dangers, à cause des secousses, des mouvements violents, Subits, contraires, qu’il éprouve par les Tourbillons, par les changements rapides des Vents orageux ces divers inconvénients Semblent donc devoir déterminer à donner aux Aérostats la Forme de Globes, ou des formes qui présentent toujours les mêmes Surfaces au Vent, dans toutes les directions horizontales.

Du degré de puissance que les hommes contenus dans le char d’un Aérostat peuvent avoir pour le diriger, en faisant usage des rames.

Si la Force imprimée aux rames par les Aérostateurs, tend simplement à faire avancer l’Aérostat dans la direction dans laquelle il est emporté par le vent, elle n’en accélérera que peu la marche, et ne Servira à rien pour le diriger.

Si l’action des Aérostateurs au contraire tend à faire remonter l’Aérostat directement contre la direction du Vent, cette action n’aura presqu’aucun effet, à cause du Volume prodigieux que l’Aérostat présente à l’action du Vent, et du peu de force que le très petit nombre d’Aérostateurs contenus dans le Char, peuvent lui opposer.

On espéreroit vainement de Surmonter avec plus d’avantage l’action du Vent, en tentant de faire louvoyer l’Aérostat, comme on Fait louvoyer les Vaisseaux, parceque le fluide dans lequel il nage, a le même mouvement que lui, et ne pourroit lui opposer de résistance, qu’autant qu’on le frapperoit avec beaucoup de Vitesse, en mouvant les rames, aulieu que le Fluide dans lequel plonge la cale d’un Vaisseau, non Seulement n’a pas le même mouvement que celui qui pousse ses parties Supérieures, mais encore il le Surpasse en densité, dans le rapport connu de celle de l’eau à celle de l’air.

Il suit de ce qui précède, que tout ce qu’on peut espérer de l’action des hommes Sur les rames de l’Aérostat, pour le diriger, Se réduit à le détourner un peu plus, ou un peu moins de la direction dans laquelle il est entrainé par le Vent; comme le très petit nombre de Bateliers entrainés par un fleuve rapide Sur un Train d’une longueur prodigieuse, parvient en mouvant quelques rames à Ses extrémités, à changer un peu la direction que lui donne le Fleuve, et à l’amener du milieu du fleuve à l’un de ses bords.

Dès que l’on Suppose seulement deux rames distribuées, l’une à droite, l’autre à gauche, Sur les bords du char d’une Aérostat, il faudra aussi y établir presque nécessairement, quelque forme qu’il ait, un gouvernail; il faudra Supposer plusieurs hommes dans le char pour faire les manoeuvres qu’exigent ces rames et ce gouvernail, et par conséquent, avec une dépense que peu de Princes pourroient ou voudroient faire, construire un Aérostat aussi considérable que celui de St. Cloud.

En ne mettant au contraire, comme je l’ai proposé dans ma Lettre, qu’une Seule rame, et point de gouvernail aux Aérostats, On pourra en faire d’assez peu considérables, manoeuvrés par un Mousse, ou un homme fort petit, et perfectionner ainsi par des expériences très multipliées, la navigation aérienne.

De la maniere de conserver à l’Aérostat toute la Surface qu’il peut présenter à l’air, quand il tombe; Et d’un nouveau moyen d’y Suspendre le Char.

J’ai traité dans ma premiere Lettre, Monsieur, comme Vous l’avez vu, le Sujet énoncé dans ce titre; mais l’Expérience dans laquelle Mr. le Duc de Chartres a reçu des applaudissements si grands, si mérités, pour les témoignages de tout genre qu’il donnoit au public de Son amour pour le progrès des Sciences, ayant confirmé mes conjectures Sur l’imperfection de la Forme ordinaire des Aérostats, Je donnerai ici un peu plus de développement à mes idées.

Le Filet exécuté pour la premiere Fois au Ballon des Thuilleries par MM. Charles et Robert, est sans doute très ingénieusement imaginé. Il a le double avantage de présenter à sa partie inférieure, des points solides auxquels on peut attacher les cordages qui Soutiennent le Char, et de Fortifier la Surface de la partie Supérieure du globe.

En considérant le Filet sous d’autres faces, on verra qu’il n’est pas Sans inconvénient. Je remarquerai d’abord que le Char qu’on y attache, Suspendu à des cordes fort longues, ne fait pas assez corps avec le Globe. J’observerai aussi que si ce globe S’ouvroit considérablement par quelque accident, S’il étoit crevé par la Foudre, le filet pressant toujours de plus en plus les parties désunies, il diminueroit tellement la surface qu’elles opposeroient à l’air en tombant, que les chûtes auroient pour les Aérostateurs, Les suites les plus funestes.

Mr. Blanchard a tenté d’affranchir les Aérostateurs de ce danger terrible, en les munissant d’un Parasol: moyen compliqué et insuffisant; car si on fait le parasol petit, il ne préservera pas l’Aérostateur, [deleted: et s’il y avoit plusieurs Aérostateurs dans le Char de l’Aérostat, il leur faudroit à chacun un parasol, ou il faudroit qu’en se jettant hors du Char, ils      ] et si on le faisoit fort grand, il ajouteroit un poids considérable à l’Aérostat, et feroit une machine fort embarrassante.

Si Mr. Blanchard n’avoit pas copié trop Servilement les Aérostats faits avant lui, S’il avit osé en changer la forme; S’il avoit fait, comme je l’ai proposé, de toute la surface du dessous d’un Aérostat, un vaste Parasol renversé, et toujours tendu, aux parties Solides duquel il auroit suspendu le Char, il auroit rendu les chûtes de ces Machines Sans danger pour les Aérostateurs.

Ce Parasol, Monsieur, est exprimé Sous les Figures qui dépendent de ma premiere Lettre; mais, pour en faire mieux concevoir la Structure, j’en ai représenté le Plan, Pl. II. Fig. 1ere.

Observations Sur le Gouvernail de l’Aérostat de St. Cloud. voyez La fig. 2.

Le Gouvernail d’un Navire n’a d’effet que lorsque le fluide supérieur, le Vent, lui imprime un mouvement que na pas le Fluide inférieur, qui le Soulève; et quand un Vaisseau en mer est entrainé par un courant, et qu’il ne reçoit aucune impulsion du Vent, son gouvernail, comme tous les Marins le Savent, est Sans effet. Le gouvernail d’un Aérostat, au milieu d’une masse d’air qui le Soutient et qui l’emporte, est précisément dans le même cas que celui du Vaisseau dont nous Venons de parler: ainsi les divers dégrés d’inclinaison qu’on peut donner à ce gouvernail, par rapport à la route qu’on veut suivre, ne peuvent Servir en rien à régler le mouvement qui lui est imprimé par le Vent, mais Seulement la très petite quantité de mouvement que l’Aérostat reçoit ppar l’effort des hommes Sur les rames.

Le gouvernail d’un Aérostat est de même absolument inutile pour faire tourner cet Aérostat Sur son axe vertical. Ce fut avec leurs rames que MM. Robert tenterent avec succès de faire cette manoeuvre, à St. Cloud, dans les premiers moments de leur départ; et la Surface de leur gouvernail leur devint si nuisible pendant leur Epreuve, qu’on sait qu’ils le creverent.

Ces diverses considérations me détermineroient donc à changer la nature du gouvernail employé dans les Aérostats, et à lui donner une propriété très importante qu’il n’a pas; celle de ramener toujours l’Aérostat dans la direction qu’il doit Suivre, Soit lorsque cet Aérostat est dans un air calme, Soit lorsqu’il est emporté par le Vent, Soit lorsqu’il est mu ou qu’il ne l’est pas par des rames, ou par tout autre moyen. Je proposerois enfin de Substituer au gouvernail ordinaire des Aérostats, le moulin qu’on Voit à l’une des extrémités du Char de celui de St. Cloud, Fig. 3.

Les ailes de ce moulin seroient semblables à celles du moulin à vent. On Sait qu’en tournant ce moulin, ses ailes repoussées par l’air qu’elles frappent avec vîtesse, peuvent faire mouvoir un corps sur terre, ou dans l’eau; et J’ai eu l’honneur, Monsieur, dans ma premiere Lettre, de vous proposer de les employer pour faire mouvoir un Aérostat. Dans celui de St. Cloud, je me bornerois à employer le moulin comme gouvernail, pour Faire tourner l’une de ses extrémités d’un côté ou de l’autre, afin de ranger l’axe de sa longueur dans la route qu’on voudroit lui faire Suivre.

Voici donc, Monsieur, quel Seroit le précis de la manoeuvre que l’on Feroit pour conduire l’Aérostat de St. Cloud. L’Aérostateur pilote auroit sous ses yeux la boussole, et il feroit tourner le moulin d’un côté ou de l’autre, pour ranger, pour maintenir l’Aérostat dans la route qu’il doit Suivre; et les autres Aérostateurs, avec des rames ou avec des ailes, rangées toutes de la même maniere, agissant toujours de la même maniere, imprimeroient à l’Aérostat le plus grand mouvement qu’il seroit possible.

De la Forme qu’on pourroit donner aux Aérostats oblongs.

Les Observations de divers genres que j’ai faites dans cette Lettre, Semblent conduire très naturellement à reconnoitre qu’on doit changer la Forme des Aérostats oblongs. Au lieu donc de les terminer, comme celui de St. Cloud, par des émispheres, je proposerois de les terminer par des cônes, et de leur donner la Forme d’un bâtonet, qui auroit, outre le Cerceau horizontal qu’ont en général tous les Aérostats, deux demi-cerceaux dans une position Verticale, Situés dans la partie inférieure du batonet, à la jonction des cônes et du cylindre, ainsi qu’on le voit exprimé dans les fig. 4 et 5, qui représentent le plan et l’élévation de ce nouvel Aérostat.

Ces demi-cerceaux, par Une propriété de la Forme conique qui m’a porté à la préférer à celle de l’émisphere, pourroient être assujettis d’une maniere très solide, et avec peu de poids, au corps de l’Aérostat, en les fixant aux cordages très tendus a, b, c, d;—a, e, f, d (fig. 5): alors ils présenteroient des points très Solides et très proches du char, pour l’assujettir fortement sous l’Aérostat; et on sait tous les avantages qui en résulteroient pour accélérer Sa marche et pour la diriger.

On m’objectera, Je le Sais, que ces deux demi cerceaux et Les cordages qui les retiendroient, ajouteroient de nouveaux poids à l’Aérostat; Mais J’observerai qu ces poids Sont situés de maniere à Servir de lest, et qu’ils permettroient de diminuer, de Supprimer peut-être les poids des cordages du Filet, Situés d’une maniere Si désavantageuse dans Les Aérostats ordinaires.

La Fig. 6 représente l’Aérostat le plus Simple de ce genre: il est formé par deux Cônes, et n’auroit qu’un demi-Cerceau vertical. [unnumbered sketch follows here]

Des moyens de préserver les Aérostateurs des dangers qu’ils courent par dilation subite du fluide renfermé dans L’aérostat, et par les changemens subits de forme et de volume, que cette machine Eprouve.

On ne peut lire, sans être frappé de crainte pour les Aérostateurs, les effets de la dilatation subite du fluide renfermé dans les Aérostats, qui forcerent, dans celui de Saint Cloud, les Aérostateurs qu’il contenoit d’y faire à diverses reprises, des ouvertures qui les mirent en si grand danger. Ce que Mr. de Morveau raporte n’est pas moins effrayant: il dit que l’air renfermé dans un Aérostat peut très promptement acquerrir jusqu’à 14 degrés de chaleur; ce qui selon Mr. Meunier augmenteroit son volume de près d’une quatrième partie

  sur l’équilibre des Machines Aérostatiques, extrait du journal de Physique, page 181

On voit, par ce que nous venons de rapporter, qu’il faut qu’un Aérostat en commençant à s’elever ne contienne que les ¾ ou les me du gaz qui rempliront sa capacité; et par consequent présente une figure irréguliere, variable, et peu propre à la navigation aérienne; ou que, s’il est plein, l’aérostateur se prépare, s’il éprouve un grand degré de chaleur, ou s’il s’éleve très haut dans l’atmosphere, à faire sortir cette partie exedante du gaz qui agiroit avec tant de force dans l’interieur de son Aérostat, pour en faire éclater l’envelope de toutes parts.

Ce que propose Mr. Meunier, de ménager dans l’interieur d’un Aérostat, un espace séparé du Gaz, qu’on puisse remplir ou vider d’air atmospherique, me paroit le moyen le plus éficace de parer à ces divers inconvenients: et quand ce moyen n’auroit pas les autres avantages qu’on les a supposés, ou au même degré qu’on les a supposés, comme l’experience que je vais rapporter semble le faire craindre, il n’en contribueroit pas moins à rendre la navigation aérienne et plus parfaite et plus sure. voici cette experience.

Le 12 aoust, proposant à un Physicien

Mr  

mes doutes sur la dessente d’un balon, en y introduisant de l’air atmospherique, dans un espace separé du gaz; et sur son ascension par une operation contraire; il fit à l’instant devant moi l’experience suivante; il fit entrer dans un balon qui soulevoit cinq gros; et qui etoit tellement déprimé que nous jugeames qu’il avoit perdu au moins le quart de son gaz, de l’air atmospherique jusqu’a ce que son envelope eut acquis une très grande tension dans toute sa surface. Dans ce nouvel état quoiqu’il eut En descendre, il ne descendit point, et souleva toujours les cinq gros comme auparavent: ce qui nous fit juger que l’air atmospherique n’avoit pas comprimé le gaz; mais avoit seulement augmenté la grosseur du balon, du volume qu’il occupoit dans L’air libre avant d’entrer dans ce balon. Si en repetant la même experience en grand, on trouvoit d’autres resultats que ceux que nous eumes en la faisant sur un balon de deux pieds de diamétre: c’est ce que je n’oserois ni nier ni affirmer.

En adoptant donc dans un Aérostat, L’idée très ingénieuse dont je viens de parler, je me bornerois a en faire usage pour préserver les áerostateurs des dangers enoncés ci-dessus; et je préfererois, comme la methode la plus Simple, et qui exige de moins grandes additions de poids, celle que Mr Meunier proposa d’abord à L’Academie: elle consiste à partager par un Diphragme tout L’interieur de L’aerostat en deux [capacités]; L’une superieure, contiendroit une quantité presque constante d’air inflamable, L’autre inferieure, une quantité très variable d’air atmospherique: et qui seroit à la premiere, dans le rapport de 1 à 3.

Lorsque L’air inflamable se dilateroit fortement par une chaleur grande et subite, le Diaphragme en pressant sur L’air atmospherique, le feroit sortir promptement par un [apendice] considerable; et lorsque L’air inflammable au contraire seroit subitement condensé par le froid, La rentrée de L’air atmospherique dans sa case, seroit favorisée par la legerete de L’air inflammable, qui le fait tendre vers la partie la plus élevée de L’aerostat; et d’une autre part, par les pieds du char et de ce qu’il contiendroit qui tireroient continuellement en bas la surface inferieure de L’aerostat.

641098 = 041-u503.html