Fable
imitée de l’anglois, du Docteur Percival
Un jeune seigneur vivant dans ses terres, et un vieux
Philosophe, son voisin et son ami.
J’ai peine à croire Mr que de l’huile jettée
| pendant les bourrasques de mer, |
| puisse jamais du flot amer |
| calmer la fureur irritée. |
Le fait, mon bon voisin, me paroît important;
| Je voudrois bien en voir l’expérience. |
| Le vent souffle avec violence; |
| j’avois épié cet instant: |
| nous voici près du grand étang, |
| saisissons cette circonstance. |
J’ai fait porter de l’huile en abondance,
et nous pouvons nous mettre à l’oeuvre sur le champ.
| Je vous sçais gré de votre impatience. |
Picard, prends la nacelle, et gagne l’autre bord.
| dépèche toi...le vent devient plus fort; |
| pour l’épreuve c’est à merveille... |
| holà, Picard, c’est assez loin, |
Fixe toi là...très bien...mais il faut avoir soin
de verser doucement l’une et l’autre bouteille
et de ce côté-ci, pour nous faire mieux voir
de l’opération l’effet et le pouvoir.
| Allons, tu peux répandre l’huile,... |
| bon...voyez vous comme elle file, |
| s’étend, et couvre, à l’entour du bateau, |
| une grande surface d’eau? |
Ah! mon ami! déja je la vois appaisée:
quel prodige étonnant!...eh! par quelle raison?
| à comprendre elle est bien aisée; |
| C’est que (comme le dit Pierzon, |
| dans sa notte, article naufrage) |
| le vent alors, malgré son tourbillon, |
| et ses efforts pour s’ouvrir un passage |
glissant sur la liqueur abandonnée aux flots,
ne peut les soulever et les rend au repos.
| Ainsi—J’entends...la chose est admirable. |
| Oui, mon cher comte, et, de plus, applicable |
aux orages affreux d’un coeur trop agité
versez y des vertus l’onction secourable
il jouira bientôt de la tranquillité.
Envoi à M. Franklin
| Toi! dont la suave éloquence |
produit mêmes effets, à nos regards surpris,
et qui par une douce et puissante influence
touche, émeut, persuade, et calme les esprits,
accepte ce tribut de ma reconnoissance.
Sur le vaisseau public de tant d’états unis,
ô Franklin! digne choix de leur haute prudence!
| pour leur bonheur, au gouvernail admis, |
tu diriges sa course en bravant la tempête;
vas, la gloire t’attend, et, de tes ennemis,
| ton coeur, ton ame, et tes doctes écrits, |
| ont déja fait la superbe conquête. |