From — Grandjean de Flevy (unpublished)
à Paris le 5. fevrier 1785

J’ai l’honneur de Representer très humblement à Votre Excellence que quelques avant l’Embarquement de l’armée de Rochambeau à Boston, au mois de décembre 1782, M. Jn. Carter imprimeur et Directeur de la poste à Providence, chez qui j’avois logé, lors du séjour de l’armée dans cette ville, m’écrivit qu’un habitant d’hartfort dans le Connecticut venoit de lui mander avoir trouvé dans l’emplacement où l’armée avoit campé à son passage dans cet Etat, un petit paquet contenant huit guinée et le prioit de l’insérer dans ses papiers publics ou d’en donner avis à l’armée, et qu’il remettroit les dittes huit guinées à qui elles appartiendroient; qu’il me pria de le faire mettre à l’ordre chez le Major-général, moi étant alors sécretaire de l’Etat-Major de l’armée, ce que je fis sur le champ, l’armée quoiqu’embarquée déjà. Nous sumes, quelques jours après, que le dit paquet avoit eté réellement perdu au camp d’hartfort, le jour du départ, qu’on l’avoit en vain cherché pendant trois heures, et celui qui les reclamoit étoit sergent fourier du Regt. de Bourbonnois qui vint avec deux de ses Camarades témoins de sa perte me demander la restitution dudit paquet, en voulant laisser un Louis pour celui qui avoit l’honnêteté de le lui envoyer, ce que je ne souffris point, vû son état. Sur l’assurance que M. Jn. Carter me donnoit dans sa Lettre que j’ai entre mes mains, qu’il m’enverroit ou à M. hastings, directeur de la poste à Boston, les huit guinées en question aussitot qu’on les réclameroit, j’en donnai la moitité à Compte à ce Bas-officier, et en donnai avis à M. Jn. Carter, afin qu’il me fit passer la dite Somme. Je n’eus pas le tems d’attendre sa Réponse, car M. le Marquis de Vaudreuil fit mettre à la voile, le lendemain, veille de Noel. A Notre débarquement en france, au mois de Juin suivant, tous les divers Individus de l’armée étant dans le Cas de se séparer, je fus requis de remettre les quatre autres guinées dont je pris Reçu, du total restant chargé de me faire rentrer cette somme. Quatre mois après mon arrivée à Paris; j’en écrivis par une occasion à M. Jn. Carter afin qu’il me fit passer ces huit guinées à Paris par la voie de votre Excellence, que j’aurois l’honneur de prévenir à ce sujet. Il y a un an passé que j’ai écris; je suis instruit que ma Lettre a eté remise. Une longue absence et beaucoup d’affaires m’ont empêché de vacquer à celle-là.

Oserois-je espérer de Votre Excellence qu’Elle daignera me faire savoir si M. Jn. Carter ne lui a pas écrit à ce sujet, ou ne lui a pas adressé un paquet à mon nom, et au cas qu’il ne l’ait pas fait de vouloir bien lui donner quelques moyens de recueillir cette somme qui, quoique modique, m’obligera beaucoup, l’ayant sacrifiée ou avancée pour obliger. J’ose attendre cette faveur de la justice et des bontés de Votre Excellence. Je suis avec un très profond Respect, de Votre Excellence, Le très humble et très Obéissant serviteur

Grandjean de flevy
à l’hotel Imperial, Rue des Poulies,
près le louvre à Paris.
Endorsed: Grand Jean de Flevy 5 Fevr. 1785
641955 = 042-u632.html