Une Juste et respectueuse vénération peut donc faire connoitre l’Envie; c’est le Sentiment que J’eprouve à l’instant du départ de mon ami intime pour l’amérique; il va vous voir; il remettra cette Lettre à Votre Excellence; le projet d’avoir Le même bonheur l’année prochaine, peut seul effacer un vice, si justement appellé la roüille de l’ame. Votre Excellence à donc pû inspirer un déffaut; J’iray lui en demander l’absolution, en allant en Georgie; ce ne sera pas le plus court, mais mon coeur et mon respect me piloteront. Vous avez lavé les Anglois de tous leurs pechés après leur avoir prêché la repentance dans la chambre des communes, après leur y avoir prédit a la face de l’univers tout ce qui leur est arrivé, et après leur avoir imposé de Passy une pénitence assez rude; vous me reléverez du crime que vous me faites commettre. Mr. Duplessis, Brigadier des armées du Roy, et Gouverneur de l’isle de St. Vincent dans la derniere guerre, est celuy dont vous avez peut être vû l’action, dans un dessein de mon petit cabinet de Passy; l’instant où il me sauva la vie, etant mon compagnon d’armes dans les Indes Orientales, y est marqué. J’ose croire, qu’a cause de la générosité de l’action, cela formera un Titre pour luy auprès de vous; le meilleur, celuy qui vous frappera davantage, est d’avoir (quoique, militaire) le bon sens de préférer le solide et le véritable bonheur de devenir Libre et americain au Tourbillon des plaisirs de paris, dont sa réputation, ses alentours et sa fortune le mettoient en etat de Jouir; il a des Enfants qu’il prétend laisser riches et heureux.

Tous vos amis de Passy se portent bien, mais Madame helvetius est toujours triste, et nous savons bien pourquoy; permettez que je fasse mes compliments à Monsieur votre petit fils, et que je lui demande son amitié pour un second moimême, pour M. Duplessis.

Je suis avec Le plus Tendre attachement et avec respect, Monsieur, de Votre Excellence Le Très humble et très obeissant serviteur