— Nivert: Article on Kitchen Stoves
Nouveaux Fourneaux Economiques et Portatifs, Extrait de la Gazette de Santé, du Dimanche 1er Octobre 1780, No. 40. Hygiene. Fourneau de Cuisine.

L’Art de préparer les alimens tient à la Médecine. Il nous manque un traité de Cuisine chymique, c’est-à-dire, fondée sur des principes. En attendant, voici un instrument capable de donner une idée de l’action de l’eau combinée avec le feu sur les alimens.

Le sieur Nivert, d’une santé délicate, & Cuisinier, pour se mettre à l’abri des accidens auxquels l’exposoit fréquemment la vapeur du charbon, s’est avisé d’un moyen pour faire cuire les alimens, qui lui a réussi, & auquel les maîtres ont gagné. Il a imaginé un fourneau portatif, composé d’un foyer, avec un tuyau de cheminée pour donner issue à la fumée, & d’une cuvette ou bassin de cuivre étamé, surmonté d’un couvercle de fer ou de cuivre qui s’adapte juste à cette cuvette. On y place des bocaux ou vaisseaux de verre, de porcelaine ou de crystal, &c. dans lesquels on met les alimens qu’on veut faire cuire, & on couvre le tout. On allume une lampe dans le foyer. L’effet de la chaleur qui en résulte, & dont le degré est celui de l’eau bouillante, est tel qu’au bout du temps ordinaire pour la cuisson, les alimens s’y trouvent parfaitement cuits, dans leur propre jus, sans aucune addition d’eau ou de bouillon, à moins qu’on ne veuille y faire le pot-au-feu, ou y cuire des substances seches & farineuses, telles que du riz, &c.

Nous avons cru appercevoir dans ce fourneau, de nouvelle invention, une infinité d’avantages, dont le principal est le [illegible] de cuisson qu’on obtient facilement par ce moyen (1),[footnote supplied at bottom of page: L’Auteur fournit des lampions de plusieurs sortes, avec la liste des alimens qui exigent tel degré de chaleur] & celui de conserver aux alimens toute leur saveur, sans qu’il y ait à redouter ni mauvaise odeur, ni goût de brûlé, ni les effets du vert-de-gris, &c. Après leur cuisson, on les sert dans les mêmes vaisseaux qui ont servi à les faire cuire. On ne doit point craindre qu’ils le soient trop, puisque le feu de lampe ne dure que le temps nécessaire, & qu’il est suivi d’une douce chaleur qui les conserve chauds pendant long-temps. On ne doit pas appréhender non plus qu’ils aient contracté quelque goût de fumée, puisque celle du lampion s’échappe par un tuyau de cheminée, sans pouvoir pénétrer dans l’interieur de la cuvette oÿ ils sont contenus. C’est une espece de bain formé par le suc des alimens, qui étant réduit en vapeur, les pénetre, les divise, & les cuit. Si cet appareil étoit hermétiquement fermé, ce seroit la machine de Papin.

On conçoit de quelle utilité, de quelle commodité peut être un pareil fourneau pour l’apprêt des alimens, dont la cuisson n’exige ni entretien de feu, ni foin, ni dépenses, ni attention, & qu’on peut abandonner, soit dans un âtre de cheminée, soit dans une cour, & toujours avec la certitude qu’ils feront cuits au point convenable. En général, il faut une heure ou une heure & demie pour la volaille, le veau, le gibier, &c. embarras dont on est encore dispensé par les lampes que l’Auteur fournit. On doit ajouter que ce fourneau est construit de manière qu’il est fermé avec une clef, qu’on emporte avec soi.

Nous avouons que nous n’aurions ajouté qu’une foible confiance à un pareil fourneau, s’il n’étoit qu’un objet de curiosité, ou le fruit de quelque théorie physique ingénieuse; mais nous étant convaincus que c’est le résultat de plusieurs essais faits par un homme intelligent & du métier, & en ayant voulu avoir enfin nous-mêmes l’expérience, nous pouvons assurer que les alimens apprêtés de cette maniere, ne peuvent être ni mieux cuits, ni meilleurs. Déja plusieurs personnes du plus haut rang font usage de ce fourneau, & s’en trouvent bien. Il nous semble qu’il est très-économique, & qu’il offre les plus grands avantages, sur-tout à la campagne, dans les armées, sur mer, &c.

Pour satisfaire au goût & à l’économie du Public, on les fait faire de différentes matieres & de différentes formes, & de différentes grandeurs.

Les plus ordinaires ont près d’un pied quarré, & pesent dix à douze livres au plus. Par leur moyen, on peut faire soi-même, en quelque endroit que l’on soit, sans être auprès, & sans embarras, avec des vases convenables, trois entrées, ou bien soupe, bouilli, & deux entrées en même temps, & pour quatre ou cinq personnes au moins.

On fait des vases de toutes matieres, comme de verre, de crystal, de fayance, de porcelaine, de fer-blanc poli, & même d’argent. Le fourneau est fait de maniere que l’on y met trois de ces vases, qui se servent de couvercles les uns aux autres; vases dans lesquels on peut faire cuire trois mets à la fois, ou séparément.

Le prix des fourneaux & des vases est proportionné à leur matiere, mais il est obligé d’avertir qu’il ne peut répondre, tant pour la solidité que pour le succès, que de ceux qu’il fait construire & établir lui-même & qui seront pris chez lui. Les fourneaux auront tous pour marque L. Nivert. On y joindra une note imprimée & instructive, qui indiquera les moyens d’opérer avec succès. En voici un exemple:

Prenez une poularde prête à faire cuire, mettez dans le corps du sel, du poivre, avec un petit paquet de persil & de ciboules; ensuite prenez le premier vase, & mettez dans le fond du lard bien mince, posez-y votre volaille, soppodrez-la de sel & de poivre, & remettez encore par-dessus du lard très-mince; puis prenez le second vase qui doit servir de couvercle au premier, mettez-y huit pigeons, soppodrez de sel & de poivre, avec encore un petit paquet de persil & de ciboules, du petit lard dessus & dessous, couvrez-le avec le troisieme vase dans lequel vous mettrez aussi huit côtelettes de veau, assaisonnées comme les pigeons, ou bien tout autre chose de votre goût. Vous poserez sur ce dernier vase son couvercle, & le mettrez dans le fourneau que vous fermerez à clef. Ensuite vous consulterez la note qui vous indiquera exactement ce qu’il faudra faire.

Plusieurs personnes qui voudront aller à la chasse, promener à la campagne, ou même faire quelque voyage, pourront, en se munissant dans leur voiture d’un de ces fourneaux tout garni & d’un briquet, pourront, étant arrivées au rendez-vous, placer ce fourneau au pied d’un arbre, auprès d’une haie, ou par-tout ailleurs, allumer le lampion indiqué dans la note, s’en aller oÿ il leur plaira, & revenir, dans la certitude qu’ils trouveront les mets cuits à propos, & avec leur chaleur convenable, même une heure après le feu éteint, parce que cette chaleur se conserve très-longtemps.

On fait aussi, quand on le demande, des fourneaux avec un fer chaud, duquel, on a le même avantage; mais ils sont beaucoup plus pesans que ceux-ci. La demeure de l’Auteur (le Sieur Nivert) est, maison de M. Dumas, rue & vis-a-vis le Cherche-Midi, Fauxbourg S. Germain, à Paris. Il n’a point d’autre adresse que chez lui. Lu & approuvé, ce 13 Mars 1781. Signé, De Sauvigny. Vu l’Approbation, permis d’imprimer, le 13 Mars 1781. Signé, Le Noir. De l’Imprimerie de la Veuve Ballard & Fils, Imprimeurs du Roi, rue des Mathurins.

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