From François Steinsky (unpublished)
Prague le 17 Juin 1789.
Monseigneur,

Ayant presque désesperé, d’etre jamais rejouï des tres cheres nouvelles de Votre Excellence aussi bien que de pouvoir addresser quelque lettre de ma part a Vous: il se presente tout inopinément une occasion dans la personne de Mr. Donat mon ancien compagnon d’etudes, qui vient et retourne a la capitale du Paÿe de la liberté.

Il y aura a peu pres trois an, que cherchant une voye de Vous addresser une lettre de remerciment sur la votre que Vous me faisiez l’honneur de m’ecrire alors, le Prince de Fürstenberg Gouverneur de ce Royaume a qui par hazard j’en avois fais mention me requit de vouloir joindre a un exemplaire de Vos Oeuvres traduits en Allemand que je voulois Vous envoyer en même tems, quelques Tomes de Traittez d’une societé de gens de lettres qui sous ses auspices travailloient en Histoire Physique et histoire naturelle; je le fis, et le Prince lui même addressoit la caisse par Strasbourg a son Commissaire a Paris pour Vous etre rémis moyennant Mgr. l’Ambassadeur des états Americains; mais ni le Prince selon les assurances de son Secretaire, (car peu de tems apres le Prince etoit mort) ni moi a su, si ce transport Vous est parvenu.

Pour le present je me prend la liberté d’envoyer encore la fin de mon petit Ouvrage periodiques.

Aussi un bon ami de moi L’Abbé Gruber, qui a fait quelques observations louables sur le Barometre et autres matieres de Physique, a la franchise de Vous offrir quelques échantillons de ses travaux.

Nouvellement on a publié ici un conducteur pour garantir les arbres du froid, Mr. Donat en a vu le detail.

Un Savant de Leipzig Mr. Wichmann m’a envoye il y a plus d’un an une esquisse de la vie de Votre Excellence pour étre imprimé dans le dit Ouvrage periodique. Mais sachant la difficulté par rapport à la justesse des faits, et ne voulant pourtant rien publier d’une personne si chère aussi bien a moi qu’a tout le monde, qui ne soit parfaitement constaté, j’ai prié Mr. Donat de corriger le manuscript dont je lui ai donné une copie apres avoir et conféré la dessus avec Votre Excellence et demandé permission d’en enrichir mon Ouvrage.

L’imprimeur de la traduction allemande Mr. Walther Libraire de la Cour de Dresde m’est aussi insisté plusieurs fois de vouloir demander de Votre Excellence une liste complette de tous les Ouvrages, aussi les plus minces qui jamais sont sorties de Votre excellente plume pour continuer sa traduction; même derniérement ayant connu chez moi Mr. Donat il m’a envoyé un catalogue des melieurs Ouvrages imprimez ches lui, pour le remettre a Votre Excellence avec son plus profond respect.

En parlant de la sorte a Votre Excellence je ne prens pas garde de Vous en etre moleste dans un age si avancé et epuise des plus grandes affaires et qui ne demande que repos. Mais peut etre Vous me pardonnerez cet empressement si Vous saviez quel bonheur il est pour moi d’oser corresponder avec Vous. Peut on, ayant connu ou par l’histoire ou par leurs écrits les grands hommes de l’Antiquité, un Solon, un Brutus, Socrate, Cato, Ciceron et Seneque sans desirer ardemment d’avoir un commerce avec eux? Votre Excellence est le Solon le Socrate et le Seneque d’aujourd’hui et je profite de l’occasion si chère de converser avec l’homme le plus grand que jusque ici j’ai connu au monde de mon tems, j’en profite le peu de tems que il vit encore, s’il se peut j’espere encore quelques lignes de votre digne main, ils me sont plus chers que [ceux] du plus puissant Monarche qui peut etre est moins homme et surement moins esprit que Vous.

Dans ce regard j’ai l’honneur et le bonheur incomparable, de me nommer Votre Excellence tres humble et tres obeissant Serviteur

Francois Steinsky

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