J’ai l’honneur de vous envoyer ci inclus un petit papier pour
vous et Monsieur le Chevalier que j’assure de mon obéissance
quoique sans avoir l’advantage de le connoitre que par la juste
réputation que vous êtes acquise tous deux et mérité si bien.
Vous m’obligerés beaucoup Monsieur, de me faire sçavoir le
plustot possible votre intention, a cause de certains arrangements
que j’ai a prendre et d’être persuadé de la considération
distinguée avec la quelle j’ai l’honneur d’être, Monsieur, Votre
très humble et très obéissant serviteur
J’ai été très mortifié Messieurs, qu’à mon départ de votre
Ville, qui fut précipité par la maladie de ma femme qu’il me
fallut rejoindre, mes petits ouvrages n’aÿent pas été prets,
m’étant proposé d’avoir l’honneur de vous les offrir, comme j’en
avois prevenu, mon bon amy le Chevalier G: actuellement a A:
Les graveurs viénent seulement de finir les Planches et ma
bourse ne me permet pas de faire le voyage. Voici ce dont il est
quéstion.
Un Cahier d’évolutions militaires, auquel j’adjouterai derriére
chaque Planche, pour ne pas grossir le Volume, la manière brève et
sure d’en faire usage.
Mon nouveau Systeme de fortifications en quatre grandes
Planches, avec les Profils et le manuscrit.
Mon manuscrit sur toutes les parties du Militaire en géneral et
les diverses positions d’une armée ou d’un corps en tous genres,
soit paix, guerre, siège, campement, marche, attaque, retraite,
retranchement, postes, fourage, vivre, police, subordination,
équipages etc. et douze grandes Planches tirées de divers autheurs
et commentées.
Ces deux derniers seroient reliés en un Vol: º de
¾ de pouce d’epais et celui d’évolutions militaires en un
autre cahier de ¼ de pouce d’épais.
Cela feroit donc deux trés petits volumes in 8% que chaque
officier devroit suivant moy avoir constamment en poche, ou dans
son petit coffre, pour se les rendre familiers et n’être
embarrassés dans aucuns cas quelconques, ou il auroit pû avoir
oublié quelque chose, osant assurer, que tout officier, ou cadet,
qui n’aura jamais servi, ou rien appris, trouvera la dedans tout
ce qui est nécéssaire a son métier; il ne faut que du bon sens
pour les comprendre.
Depuis “28” ans que je suis dans le Militaire, agé de “44” Aÿant
aussi eü l’honneur, de lever il y a “17” ans, dresser, commander
et mener au feü un corps de “400” hommes et de recevoir des
blessures dont une a travers le corps; j’ai appris de mon mieux la
théorie de mon métier, dans les Autheurs les plus éstimés, aÿant
eü dès mon enfance un gout décide pour cet état, avec une forte
constitution et une habitude continue, au travail et a la fatigue.
Si bien que si je n’étois pas marié, je me ferois une gloire et un
plaisir d’offrir mes petits services, a une aussi belle cause que
la votre, qui est en de si bonnes mains; etant de plus accoutumé
aux longs voyages sur mer, par un séjour que j’ai fait aux Indes
Orientales, parlant aussi q[uel]ques langues vivantes.
Par contre Méssieurs, j’ai l’honneur de vous offrir, (moyennant
le silence entre gens d’honneurs) que vous me fassiez tenir cent
Louis par la Personne qui vous remettra ceci, dont “15” pour mon
voyage d’aller vous joindre “15” pour mon retour et “70” pour un
séjour de deux mois, que je pense nécéssaire soit a vous faire
éxaminer l’ouvrage, soit a en faire tirer une première épreüve
sous mes yeux. Et alors je partirai a la minute.
Si le tout vous convient, je vous remettrai les planches et les
Manuscrits, pour la somme dont nous conviendrons aisément a nous
trois et s’il ne vous convient pas, vous aurés sacrifié cent Louis
et moy ma peine de voyage, mon temps, l’absence de mon ménage et
quelques petits extra fraix; par contre je serois flaté de
l’honneur et de l’advantage de vous entretenir.
Je suis honteux Méssieurs, de devoir parler d’argent, mais
quarante mille écus, que les Banqueroutiers et les actions de la
Comp[agni]e Angloise m’ont fait perdre; une somme assés forte pour
moy que j’étois allé retirer à P: mais que des procés me
disputent, l’argent que j’ai dépensé a cet effect et d’autres
circonstances, m’ont mis si a l’étroit, que je ne puis soutenir,
relativement a l’intéret ma façon de penser, quoiqu’il m’en coute.
Le temps de deux mois que je serois vers vous, seroit plus que
suffisant pour que vous fissiés traduire le tout.
En supposant “120” Bat[aill]ons a 30 officiers chacun cela
feroit 3600 et a peü près autant de cadets ou pour distribuer aux
milices dans les Provinces, ce seroit dans mon idée environ 7
mille éxemplaires des évolutions et 7 mille du génie et du
militaire que votre gouvernement remettroit a chacun, soit en don
soit en retenue de Paÿe; ce sera si peü de chose.